Vendredi 26 août 1859

De Une correspondance familiale

Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris)


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Vieux-Thann

26 Août 1859

Ma chère Maman

Quoique je n'aie qu'un moment ce matin, je veux absolument t'envoyer de nos nouvelles qui, du reste sont excellentes ; notre petite[1] est dans un état de santé qu'on ne pourrait souhaiter meilleur ; cette nuit la chère enfant ne s'est réveillée qu'une fois et a fait en tout une nuit de 10 heures, à son réveil elle a mangé sa soupe, fait son caca sur le pot, est descendue au jardin d'où elle ne reviendra que pour se baigner avec moi à 11 h. 1/2 on ne peut mener, tu le vois, une conduite plus convenable.

Je te dirai que j'ai une bonne arrêtée, c'est Mme Cornelli qui me la procure, elle a 32 ans et a servi 12 ans chez les parents de Mme Mertian[2], ce qui est une bien bonne note ; elle n'est point du tout coquette, mais bien propre et comme il faut ; elle coud parfaitement, repasse et sert à table ce qui pourra m'être une grande ressource, car je t'assure que notre ménage est considérable et qu'il y a beaucoup à faire ; enfin j'espère être satisfaite de cette Cécile ; elle entrera chez nous le 8. Je suis toute joyeuse à l'idée de voir Léon[3] demain, Georges[4] est déjà allé au chemin de fer ce matin ; demain j'irai avec lui, sa chambre est prête et l'attend. Maman[5] part la semaine prochaine pour Colmar, Charles[6] proposera à bon-papa[7] d'aller avec lui la chercher ; peut-être nous hasarderons-nous à mener la fillette aussi pour partir le matin et revenir le soir. Charles va tous les jours à Wattwiller et s'en trouve bien, je me porte aussi parfaitement ; cette semaine j'ai eu encore une petite lessive, je suis beaucoup plus contente de Marie[8]. Catherine[9] et elle travaillent beaucoup ; Catherine fait des conserves et des confitures de toutes sortes elle s'y entend parfaitement, nous t'avons fait aussi ta petite provision de haricots verts séchés, de plantes pour laver les étoffes, etc. toutes ces petites bêtises t'attendent. Nous sommes tout disposés à faire quelque chose pour les Dufételle[10] mais entre nous, Charles est étonné qu'avec les 60 F que tu me dis qu'ils ont et les 20 sous que je suppose que la mère et la fille doivent bien gagner ensemble ce qui leur fait 3 F par jour, le loyer payé ils ne puissent vivre sans être aussi gênés ; Charles pense qu'il y a une grande apathie dans ce ménage, apathie que font bien excuser les grands malheurs mais il dit qu'on leur donnerait 5 F par jour qu'ils seraient encore dans la misère ; aussi au lieu d'argent nous préfèrerions faire un cadeau en nature, soit du charbon, ou du linge ou une provision quelconque, j'aimerais bien que tu puisses t'informer de ce qui leur manque le plus.

J'ai été interrompue et suis horriblement pressée. Charles oublie toujours de prier papa[11] d'envoyer une barrique de vin Montravel[12] à 16° à une dame dont voici l'adresse et l'explication par un billet de Mme Paul.

Merci pour vos bonnes lettres

Mon bain m'attend. Je vous embrasse bien tendrement ; nous écrirons demain pour les nouvelles de Léon, ta fille

C M


Notes

  1. Marie Mertzdorff, âgée de quatre mois et demi.
  2. Pierre Bonaventure Roussel († 1851) et de Jacqueline Agathe Désirée Lehoult († 1853), parents de Caroline Désirée Roussel, épouse d’Henry Mertian.
  3. Léon Duméril, frère de Caroline.
  4. Georges Léon Heuchel.
  5. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff, belle-mère de Caroline.
  6. Charles Mertzdorff, mari de Caroline.
  7. André Marie Constant Duméril.
  8. Marie Martin, femme de chambre.
  9. Catherine, domestique.
  10. Eugène Dufételle, son épouse Henriette Hourdel et leur fille Eugénie Dufételle.
  11. Louis Daniel Constant Duméril.
  12. Le Montravel est un vin blanc de la région de Bergerac. Il comprend le Montravel sec, le moelleux des Côtes de Montravel et le moelleux voire liquoreux du Haut-Montravel. Le 16° mentionné ici serait à ranger dans cette dernière appellation.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Vendredi 26 août 1859. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_26_ao%C3%BBt_1859&oldid=60485 (accédée le 29 mars 2024).

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