Vendredi 23 et samedi 24 juin 1871
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency)
Ma chère Nie je voulais t'écrire dans la journée, mais il va être 10 h soir & je n'en ai encore rien fait. Te dire ce qui m'en a empêché, je serais très embarrassé de savoir ce que j'ai fait de toute ma journée j'étais peu à la fabrique, mais par contre le bureau n'a pas désemparé de visites
Jusqu'à Mme Scheurer[1] qui est venue trouver l'oncle[2] qui m'a fait chercher. Cette dame s'intéresse à la femme Diringer[3] à laquelle tu as donné des bons de pain & de viande & qui maintenant demande à faire entrer le petit garçon de cette femme à l'orphelinat. C'est un mauvais petit drôle de 7 ans sous la surveillance de personne sa mère travaillant tous les soirs chez moi jusqu'à 10 h. tu devines ce que cela doit donner. Je vais la faire venir demain elle payera la 1/2 & je ferai 5 F par mois pour elle au lieu de donner des bons. Pour l'enfant cela vaudra mieux, car laissé à lui-même l'on devine ce que cela donnera. Il y a plus de chance à en faire quelque chose à l'orphelinat.
Mme Scheurer se charge du trousseau, qui est peu de chose.
Ce soir nous avons reçu énormément de pièces Vogt même est requis pour aller chercher des pièces à Mulhouse. le chemin de fer nous en amène, nous recevons 4 à 5 000 <pièces> par jour. C'est effrayant si la semaine prochaine cela devait durer je préfère fermer mes portes. La responsabilité devient trop grande.
Le soir l'on travaille comme en plein jour je rentre des ateliers c'est pourquoi je me suis mis si tard à être avec toi. Après mon souper j'étais chez tante Georges[4] que j'ai trouvée au Jardin cueillant fraises & légumes pour Mulhouse. Son Jardin est très beau, elle est heureuse de le montrer l'on me dit que le Jardinier lui a porté un melon qu'elle a refusé me dit Thérèse[5]. Dans tous les cas elle ne parle pas avec grand éloge de Louis[6] & ses aides.
Anna[7] continue à aller un peu mieux, mercredi elle a dîné à table avec tout le monde l'on se dispose d'aller faire une saison à Wattwiller l'on a retenu une chambre & c'est avec peine que l'on a encore trouvé place tout est occupé me dit-on.
Conraux est au bain en Suisse depuis quelques jours déjà, il est toujours souffrant.
Ma santé est toujours bonne, & tu sais que Nanette[8] veille trop pour que rien ne puisse me manquer. Je fais des petits dîners fins, que je n'apprécie pas, car je reste le moins de temps possible à table.
J'espère bien avoir une lettre de vous demain, je ne sais pas rester seul ici si je ne puis vous suivre. Les lettres mettent bien du temps à venir & le télégraphe nous manque de sorte que l'on est peu rassuré malgré toute la raison que l'on voudrait avoir & qui s'en va quelquefois. Que je voudrais voir le calicot à tous les Diables (pardon).
Cet après-midi j'étais un peu au Jardin rêver à mes petits êtres[9] qui ne sont pas ici & que l'on aime bien. Mais ma rêverie n'a été que de bien courte durée. Le Jardin est assez beau tout est frais, car j'oubliais de te dire que nous avons eu une journée délicieuse, la 1ère après tant de froid & de pluie.
Demain l'on rentre le premier foin & l'on continue à faucher ce travail se fait par des vignerons & tous étrangers à la fabrique qui ne peut donner personne. le baromètre ne veut pas monter je ne sais pas si le beau temps va nous rester ; mais il est grand temps de rentrer les foins.
Je crois t'avoir dit que M. Jaeglé est chez ses parents[10], lui manquant, la besogne retombe sur ce pauvre Georges & un peu sur moi. Mais tous les employés sont toujours très exactement à leur poste & la besogne ne leur manque pas. Il est fâcheux que cela soit pour si peu de temps, car il nous faudrait plus de monde.
Il n'en est pas de même chez Mme André[11] je prévois un hiver bien bien plus dur que celui que nous venons de passer pour Vieux-Thann.
Ma tante[12] a écrit à Maman Duméril[13] qu'elle est souffrante et ne peut aller à Morschwiller, l'oncle je crois n'ira pas non plus de sorte que je resterai aussi à la maison d'autant plus que Vogt fait maintenant les voyages à Mulhouse & il faut que ses chevaux reposent le dimanche. Je vais encore ce soir lui écrire.
Samedi Matin. Je me suis couché un peu tard, mais ai passé une bonne nuit, ai bien prié pour que Dieu vous conserve tous en bonne santé ; serais plus heureux au milieu de vous qu'ici ;
Orage cette nuit, temps couvert ce matin, l'on espérait rentrer un peu de foin. Baromètre variable, l'on s'inquiète de ce temps de pluie.
Nanette va envoyer quelques produits du Jardin à Colmar[14].
Bien des baisers à tous ton ami
Charles Mertzdorff
Samedi matin 24 Juin 71.
mis à la poste ce matin samedi 9 h.
Notes
- ↑ Probablement Sophie Antoinette Rott, veuve d’Auguste Scheurer.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Marie Madeleine Heimburger, veuve de Jean Chrysostome Diringer.
- ↑ Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Thérèse Neeff, domestique chez les Mertzdorff.
- ↑ Louis, possiblement jardinier chez les Mertzdorff.
- ↑ Anne Stoecklin.
- ↑ Annette, domestique chez les Mertzdorff.
- ↑ En particulier ses filles Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Daniel Edouard Jaeglé, père de Frédéric Eugène Jaeglé, et sa troisième épouse Anna Frédérique Wolff.
- ↑ Marie Barbe Bontemps, veuve de Jacques André.
- ↑ Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril, habitant Morschwiller.
- ↑ La sœur de Charles Mertzdorff, Emilie, épouse d’Edgar Zaepffel, vit à Colmar.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 23 et samedi 24 juin 1871. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_23_et_samedi_24_juin_1871&oldid=51584 (accédée le 21 novembre 2024).
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