Vendredi 12 février 1858

De Une correspondance familiale


Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre)


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Paris 12 Février 1858

Ne recevant pas de lettre de moi, tu as bien pensé, n'est-ce pas, ma chère Isabelle, que les nouvelles de bon-papa[1] étaient bonnes. en effet son rhume n'a pas eu de suite et nous avons été vite rassurés, Dieu en soit loué, car à 84 ans tout est effrayant. Je ne t'ai pas répondu de suite comme tu le demandais parce qu’alors je n'aurais vraiment presque rien eu à te dire, puis nous avons été très en l'air par le mariage d'Isabelle Dunoyer qui a eu lieu Mercredi, la veille nous avons eu plusieurs préparatifs à faire ; puis le matin il y a eu le mariage à l'église à midi, à l'autre bout de Paris ; à 2 h. c'était la société d'acclimatation où mon oncle parlait[2] comme tu le sais, et enfin le soir il y a eu une réunion d'amis chez les Dunoyer ; c'était beaucoup de choses en un jour, tu le vois mais tout s'est bien passé ; en grande fille j'ai assisté aux réunions du matin et du soir mais je me suis privée de l'acclimatation parce que je me fatigue encore très facilement et suis fort sur mes gardes de ce côté. Isabelle était très bien et on ne peut plus affectueuse avec ses amies ; elle m'a donné aussi une très jolie broche en cheveux ; mais tu sais que l'on peut avoir plusieurs souvenirs du même genre sans que pour cela l'un fasse tort à l'autre. M. Degrange Touzin le marié est extrêmement laid mais il a une tournure agréable et un air distingué ; il était aux pieds de sa femme pour laquelle il trouve que rien n'est assez beau ni digne d'elle ; ce sont de bonnes dispositions même à 47 ans.

Adèle[3] est un peu mieux et marche plus facilement, ses bains de vapeur quoique très pénibles semblent lui réussir. Elle ne prend plus de leçons en ce moment et en profite pour se livrer aux ouvrages à l'aiguille qu'elle affectionne profondément.

Je ne te dirai pas que ta lettre m'a fait bien plaisir car tu sais depuis longtemps combien j'aime tout ce qui m'est une preuve de ton amitié ; c'est toujours un moment de joie que celui où on m'apporte une lettre.

Je te fais mon sincère compliment sur le retour d'Edmond[4] car c'est bien bon d'avoir un frère près de soi ; je jouis beaucoup du mien[5] qui, au reste est charmant depuis son retour à la maison et on ne peut plus gentil pour moi. Je n'ai rien de bien intéressant à te raconter sur ma vie ; je vois pas mal mes amies[6], mais jamais trop ; cette pauvre Eugénie a eu deux doigts blancs ce qui l'a empêchée d'aller chez Cécile[7] où la soirée s'est bien passée. Il paraît décidément que les bobos sont à la mode et le remède, faut-il te le dire ?... il n'y a pas d'autre que l'eau de Pulna[8], l'huile de ricin et compagnie. Dimanche il y aura je crois un peu de jeunesse pour Adèle, dans la journée et nous tâcherons de faire quelques bêtises pour nos jours gras. Le soir quelques personnes à dîner, entre autres M. le Curé[9] ; le soir je pense les jeunes mariés ; ce sera amusant.

Mercredi soir j'ai mis ma robe rose ce qui m'a rappelé la Côte et nos soirées et nos rires et les taquineries cousinales etc.

Dis à Matilde[10] que je me suis donné le plaisir d’étrenner son joli mouchoir. Je donne à Isabelle un médaillon comme celui de Matilde ; c'est gentil n'est-ce pas ! et c'est la plus simple manière < > mèche de ses cheveux.

Il faut que je te quitte, chère amie car je vais sortir et Julien[11] m'attend, il prend patience en faisant des bêtises dans ma chambre avec Léon.

Au revoir ma bien chère Isabelle crois-moi comme toujours ta toute affectionnée. Je t'envoie un bon baiser.

Crol

Le discours de mon oncle a très bien été, dis-le en famille ; il a parlé 40 minutes et d'une très bonne voix à ce qu'il paraît ; ce rapport lui avait donné beaucoup de mal et je suis bien contente pour lui que ce soit fini.

A bientôt un bavardage, je t'en prie, j'en prends si bien l'habitude.

Que je plains cette pauvre Amélie[12] ; c'est un affreux malheur que de perdre ceux qu'on aime ; fais-lui bien mes amitiés et dis-lui bien que je sympathise avec sa douleur.

Décidément adieu, il est 4 heures et il faut que j'aille chez Mme de Sacy, chez mes amies, et finir la journée avec Adèle.


Notes

  1. André Marie Constant Duméril.
  2. Depuis décembre 1854, Auguste Duméril est secrétaire des séances de la Société zoologique d’acclimatation.
  3. Adèle Duméril, cousine de Caroline.
  4. Richard Edmond Latham, frère d’Isabelle, de retour d’Angleterre où réside une partie de sa famille paternelle.
  5. Léon Duméril.
  6. Eugénie et Aglaé Desnoyers.
  7. Cécile Audouin, épouse d’Alfred Silvestre de Sacy.
  8. L’eau minérale puisée à Pulna en Bohême, qui contient sulfates et magnésie, est largement exportée ; elle est utilisée dans les affections intestinales.
  9. Jean Charles Moreau, curé de la paroisse Saint-Médard.
  10. Louise Matilde Pochet, dite Matilde.
  11. Julien Desnoyers, frère d’Eugénie et Aglaé.
  12. Probablement Amélie Rigot.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 12 février 1858. Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Isabelle Latham (Le Havre) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_12_f%C3%A9vrier_1858&oldid=60913 (accédée le 2 décembre 2024).

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