Vendredi 10 juin 1870 (A)
Lettre d’Eugénie Duméril, épouse d’Auguste Duméril (Paris) à sa sœur Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller)
Vendredi 10 Juin 1870. 11 h ¼
Mes bons amis,
La nuit a été calme, mais Auguste[1] a beaucoup souffert de la chaleur. Il a eu un battement, pendant sa toilette, et un, pendant le déjeuner. Il a pleuré, tout à l’heure : M. Geoffroy[2], m’a-t-il dit, avait mon âge, lorsqu’il fut pris d’un état purement nerveux, comme l’est le mien, et qui l’emporta. Cela me paraît difficile à croire, répondis-je, qu’il n’y eût chez lui qu’un état nerveux : mais, quoi qu’il en soit de l’avenir, nous sommes unis en tout, toi et moi, et chrétiens ; nous croyons en la bonté de Dieu, et nous sommes soumis à sa volonté. Aimerais-tu voir Constant[3] ?
Je ne voudrais pas le déranger de ses occupations. Si tu voyais Auguste, mon bon Constant, il te rappellerait le teint qu’avaient M. Rainbeaux[4] et M. Sévelle[5], avant leur fin. M. Lecointe[6] est explicite : « Il va se remettre de cette attaque ; d’autres la suivront, et il pourra y rester. » M. L. vient chaque jour : il m’a dit hier : « Je regarde comme un devoir de prévenir l’un des plus proches parents, de la gravité de l’état, et j’ai cru ne vous devoir rien cacher. »
Voilà le véritable état de choses, sans exagération, mes pauvres amis ! J’ai un grand reproche à me faire. J’ai eu les yeux rouges. Auguste s’en est aperçu, à déjeuner : cela lui a fait mal ! J’espère que cette faute sera la dernière, de sa pauvre femme ! Nous allons sortir en voiture, avec les enfants[7], après la visite de M. L. Auguste sait que je vous ai écrit hier. Que Constant fasse ce qu’il juge à propos, au sujet d’une visite de sa part. Je n’ose donner aucun avis. Peut-être la visite de M. Coquerel[8] lui serait-elle bonne ? Si je pouvais m’échapper, j’irais trouver Mme Dollfus[9], pour lui en parler, mais je me sens clouée auprès de lui, je voudrais ne pas lui dérober un instant !
Priez Dieu pour lui et pour moi !
Eugénie Duméril.
J’ai écrit à Fidéline[10], pour la prévenir de votre lettre à mon adresse.
Mme de Tarlé[11] a fait mardi sa première sortie, depuis la mort de son mari, pour venir voir Auguste, et les dames Dunoyer[12] sont venues le lendemain.
Midi. Auguste se décide à vous écrire, mes bons amis. Il est assis dans le jardin. Je guette l’arrivée de M. L. pour savoir de lui pourquoi il est assuré qu’il y aura récidives d’évanouissements.
Notes
- ↑ Auguste Duméril, époux d’Eugénie.
- ↑ Possiblement Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1805-1861).
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, frère d’Auguste.
- ↑ Emile Rainbeaux (1804-1861).
- ↑ Hypothèse : Marie André Firmin Sévelle, décédé en 1846.
- ↑ Le docteur Charles Édouard Lecointe.
- ↑ Marie et Léon Soleil, petits-enfants d’Auguste et Eugénie Duméril.
- ↑ Possiblement le pasteur Athanase Josué Coquerel.
- ↑ Noémie Martin, veuve de Frédéric Dollfus.
- ↑ Fidéline Vasseur.
- ↑ Suzanne de Carondelet, veuve d’Antoine de Tarlé.
- ↑ Clarisse Ghiselain, veuve de Charles Dunoyer et, probablement, sa fille Elisa.
Notice bibliographique
D’après le livre de copies : Lettres de Monsieur Auguste Duméril 2me volume (pages 598-600)
Pour citer cette page
« Vendredi 10 juin 1870 (A). Lettre d’Eugénie Duméril, épouse d’Auguste Duméril (Paris) à sa sœur Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_10_juin_1870_(A)&oldid=58800 (accédée le 22 décembre 2024).
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