Vendredi 10 et samedi 11 novembre 1876
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 10 Novembre 1876
Mon cher Père,
Je t’ai tant et si bien parlé de moi dans ma lettre d’hier que j’ai complètement oublié de te répondre au sujet de ta visite ce qui cependant nous intéresse et nous occupe bien je t’assure ; quel malheur que ce ne soit pas dès Lundi que tu nous arrives ! Cependant si tu peux sans te gêner et sans abréger ton séjour remettre un peu ton voyage je crois que ce sera de beaucoup préférable, ta chambre dépourvue de lit (qui est en réparation), de rideaux, et de cheminée serait fort peu agréable, on pourrait il est vrai y remettre un poêle mais comme il est probable…
Samedi 11 9bre Ce que c’est que de s’arrêter au milieu d’une phrase ! on ne sait plus ce qui devait suive et ce qui est plus encore on risque, comme il m’est arrivé, de ne reprendre sa lettre que le lendemain.
Tout cela est fort blâmable et comme tu es loin et que malheureusement tu ne sais pas qu’on commence à t’écrire et que l’on pense à toi tu te demandes peut-être pourquoi nous ne te répondons pas sur l’époque de ton prochain voyage.
Je reprends donc tant bien que mal mon discours interrompu si mal à propos.
J’étais en train de te dire que ta chambre était insupportable en ce moment et aujourd’hui je ne dirai certes pas le contraire ; par contre le nouveau logement avance beaucoup et il est fortement question d’y coucher pour la fin de la semaine qui va commencer ; une fois là où toutes les cheminées marchent, et que les lits y seront, nous t’attendrons le jour même car pour nous voir tu n’as pas besoin que tous les meubles y soient n’est-ce pas ? Seulement comme toujours il y a un mais ; et cette fois le mais est fourni par les peintres qui ne font que commencer les escaliers et on se demande si avec la peinture fraîche et les ouvriers sur le chemin il sera facile de faire le déménagement, oncle[1] croit que non et alors il me semble qu’il serait bien [long] que tu attendes.
Nous nous réj Mais tante[2] prétend qu’elle ne veut pas te faire venir pour t’enrhumer et que comme il est probable que tu ne resterais pas toute la journée dans le petit salon, seule pièce de la mais du second où l’on ne puisse faire du feu, elle voudrait absolument te faire poser un petit poêle dans ta chambre ce qui, dit-elle, ne la gênerait nullement. Enfin vois et juge, mon bon petitto papa et surtout surtout ne nous prends pas du temps que tu nous destinais, il y a si longtemps que nous ne t’avons vu !
Nous nous réjouissons bien tous, je t’assure de quitter ce malheureux taudis où nous n’avons plus rien et où nous sommes fort mal installés, tante qui veut toujours voir le bon côté des choses dit que nous ne jouirons que plus de nous trouver bien installés là-bas, mais M. Edwards[3] lui-même a avoué ce matin qu’il aimerait mieux jouir tout de suite et nous avons fait chorus avec lui.
Depuis hier il fait très froid, au vent, c’est tout à fait l’hiver ; ce matin le thermomètre marquait dans la ménagerie 6 degrés au-dessous de 0, que c’est ennuyeux ! Je t’assure que ce petit air piquant et glacé n’augmente pas le charme des douches, il le diminue même d’une façon singulière. Quel dommage que M. Mandl[4] n’ait pas dit que c’était détestable pour ma gorge ; j’aurais bien dû le lui souffler au lieu qu’il dise que c’était parfait !
Je viens de prendre ma leçon avec Mlle Bosvy[5], hier nous avons recommencé avec Mme Roger[6] à laquelle j’ai formellement promis de bien travailler cette année, elle trouve que j’ai beaucoup plus gagné que perdu pendant mes vacances, à quoi je lui ai répondu que cela m’étais probablement venu en dormant.
Au revoir mon bien-aimé petit père, il me semble que tu es un petit peu fatigué ! les lettres deviennent plus rares.
Je t’embrasse de toutes mes forces,
Ta fille qui t’aime,
Marie
M. Camille[7] va mieux mais est toujours au lit.
Emilie[8] t’embrasse et te remercie beaucoup de ta lettre. La petite paresseuse t’écrira un autre jour !
Cécile[9] me poursuit depuis une heure pour que je te dise bien des choses de sa part.
Notes
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Le docteur Louis Mandl.
- ↑ Marguerite Geneviève Bosvy.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
- ↑ Antoine Camille Trézel.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 10 et samedi 11 novembre 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_10_et_samedi_11_novembre_1876&oldid=42810 (accédée le 18 décembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.