Dimanche 12 novembre 1876
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 12 Novembre 1876
Mon Père chéri,
C’est aujourd’hui Dimanche (vérité de M. de La Palisse me diras-tu) je viens d’écrire deux lettres ; l’une à bonne-maman Duméril[1], l’autre à Marie Berger, tu vois que je suis en bonne veine car deux lettres pour moi c’est chose admirable à laquelle je ne suis pas habituée malheureusement, je ne sais si j’aurai le temps de terminer cette troisième missive avant le dîner mais c’est à mon papa, il n’est pas difficile et ce sera toujours une avance pour demain bien que ce ne soit pas de la besogne ennuyeuse d’écrire à toi mon bon petit père. J’ai reçu ce matin ta bonne lettre dont je te remercie mille fois ; nous aussi nous avons eu très froid hier et avant-hier mais aujourd’hui on se croirait au printemps aussi venons-nous de faire un grand tour dans le jardin avec oncle[2], Marthe[3] et Jean[4] ; en ce moment on joue à la chasse c’est ce que je te dis tous les Dimanches mais aussi est-ce le jeu préféré.
Comme je te le disais hier nous avons repris Vendredi nos leçons de piano avec Mme Roger[5] ce dont nous sommes bien contentes, Emilie[6] surtout est ravie parce que Mme Roger a supplié tante[7] de la lui laisser au cours de chant ou autrement dit aux chœurs et tante n’a pas du tout dit non au contraire je crois que très probablement elle les suivra ; ils ont lieu le Vendredi juste après notre leçon rue Bonaparte et cela ne nous gênera en rien, je crois que ce sera bon pour Emilie car cela ne lui apprendra pas positivement à chanter mais cela lui donnera l’habitude d’entendre et de suivre la musique et aussi de chanter juste car on y est bien forcé quand tout le monde autour de soi le fait ; pour moi j’y assisterai aussi mais ce sera en spectateur avec les mamans ; pour deux raisons : la première et la principale, c’est que cela me ferait mal à la gorge et la seconde que je serais loin d’être agréable aux autres et à moi-même avec mon peu d’oreille et ma voix fausse ; un peu de piano honnête que j’abandonnerai probablement plus tard me suffit, ce que je voudrais ce serait d’arriver à bien déchiffrer.
Quant à mon dessin je trouve que tu loues infiniment trop cette malheureuse tête que je t’ai envoyée et qui était bien imparfaite ; depuis quelques temps mon ardeur s’est un peu ralentie ou le temps m’a manqué mais le fait est que je n’ai pas fait grand-chose entre mes leçons, Mlle Duponchel[8] cependant n’est pas trop mécontente et quoique je trouve toujours les modèles qu’elle apporte trop difficiles, elle compte me faire commencer la bosse à mes leçons quand nous serons bien installés de l’autre côté et que je n’aurai plus de prétextes à lui alléguer pour ne pas travailler.
J’ai été aujourd’hui faire mon tour d’inspection dans notre futur hôtel où je n’avais pas été depuis longtemps ; les deux étages sont terminés et je les trouve fort à mon goût ; quelques papiers seulement laissent un peu à désirer mais ils ne sont même pas laids ; notre chambre et celle de tante sont ravissantes je me réjouis énormément d’y habiter.
M. Trézel[9] va mieux, il était levé aujourd’hui mais il tousse encore beaucoup et sa femme venait de faire redemander le médecin.
O mon Père chéri, que je me réjouis de te revoir ! toute la nuit j’ai été avec toi à Vieux-Thann, que n’y étais-je en réalité !
Jean qui jouait tout à l’heure si joyeusement vient de se plaindre de mal de tête et a été pris d’un accès de fièvre, on vient de le coucher. Nous avons dîné et maintenant oncle et tante sont auprès de lui j’espère que ce ne sera rien. Demain matin je te donnerai de ses nouvelles avant de fermer ma lettre.
En attendant bonsoir mon petit papa je t’embrasse bien fort et vais me mettre à lire un peu avant de me coucher.
Notes
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marie Louise Duponchel, professeur de dessin.
- ↑ Antoine Camille Trézel, époux de Louise Ida Martineau.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 12 novembre 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_12_novembre_1876&oldid=39323 (accédée le 15 novembre 2024).
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