Samedi 3 décembre 1881

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Samedi

Te voilà donc revenu dans tes foyers, mon cher petit Papa, j’espère que ces voyages successifs[1] ne t’auront pas trop fatigué, si tu savais combien nous avons été heureuses de te voir ! Je regrette de n’avoir pas mieux et plus profité de ton court séjour ici. Émilie[2] m’a transmis les nouvelles qu’elle avait reçues de toi, décidément tante Z.[3] ne va pas bien, comme c’est triste ! Je voulais t’envoyer dès hier les bonnes nouvelles que je reçois chaque jour de Londres car il est bien juste mon petit papa, que les échos d’enthousiasme qui m’arrivent aillent vers toi l’auteur du voyage, je t’assure que Marcel[4] t’en es bien reconnaissant. Il avait été faire visite au lord Maire[5] et devait hier luncher chez lui, il a fait plusieurs courses qui l’ont intéressé et doit aujourd’hui faire la visite très complète des usines à gaz, il paraît que M. Cochin[6] l’a bien mis au courant de la question. Il a été aussi au théâtre et est revenu enchanté parce qu’il a très bien compris, il paraît que la pièce qu’il a vue( à Drury Lane théâtre équivalant aux Français[7]) était des plus naïves et des plus morales en même temps et que les spectateurs ne faisant pas attention au jeu des acteurs applaudissaient à outrance ceux qui représentaient les bons et sifflaient les méchants. Sommes-nous loin de ces mœurs ! Les Anglais du reste font l’admiration de Marcel, dans toutes ses lettres il y a « quels beaux hommes, et quels beaux chevaux » !

Mais je me perds dans des détails que je te donnerai plus complets lorsque j’aurai revu mon mari et j’oublie ce par quoi j’aurais dû commencer, c’est de te remercier mille fois de la grande caisse de poires qui m’est arrivée hier soir et que je finis de ranger à l’instant. Thérèse[8] m’avait avertie par une lettre très bien écrite, je te prie de l’en remercier de ma part ainsi que de la peine qu’elle a prise pour préparer cet envoi, je suis trop pressée ce matin pour lui écrire moi-même quelques remerciements. Malheureusement cette pauvre caisse n’est pas arrivée en aussi bon état que ses sœurs aînées c’est la 1ère fois même depuis longtemps que j’ai vu autant de fruits écrasés, cela me fendait le cœur, elles étaient bien emballées, cela tient sans doute à ce qu’elles étaient trop mûres en partant ; malgré les nombreuses mutilées mon fruitier est cependant bien garni et nous allons en être quitte pour manger beaucoup de marmelade ; surtout père chéri, que le funeste sort d’une partie de cet envoi ne te décourage pas pour l’avenir, c’est un vrai accident qui tient à ce que les poires étaient trop mûres, la 1ère caisse est arrivée en parfait état et ces poires-là se conservent très bien. Adieu mon Père chéri, je te quitte à la hâte car je dois être à 1h ¼ à l’omnibus de l’Odéon où je dois retrouver bon-papa et bonne-maman[9], tante[10] et Émilie, nous allons en bande voir Mme Devot[11], une cousine que nous ne connaissons pas. Il est midi ½ je ne suis pas habillée, Jeanne[12] n’a pas déjeuné, tu vois qu’il faut que je me hâte bien. Je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime, Jeanne tâche d’en faire autant.

ta fille

Marie


Notes

  1. Voyages à Nancy et à Paris.
  2. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  4. Marcel de Fréville.
  5. Le lord Maire de Londres en 1881 est Sir John Ellis.
  6. Denys Cochin.
  7. Le Théâtre-Français ou La Comédie-Française.
  8. Thérèse Neeff, employée chez Charles Mertzdorff.
  9. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  10. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  11. Clémentine Declercq épouse de Félix Devot.
  12. Jeanne de Fréville.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 3 décembre 1881. Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_3_d%C3%A9cembre_1881&oldid=35581 (accédée le 18 décembre 2024).

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