Samedi 28 mai 1859

De Une correspondance familiale


Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris)


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Vieux-Thann

28 Mai 1859

Ma chère Maman

Je viens de recevoir tes vos bonnes lettres qui m'ont fait bien plaisir et dont je vous remercie bien papa[1] et toi. J'ai été bien silencieuse cette semaine mais nous avons eu à passer par de petites épreuves.

D'abord moi j'ai eu le retour de couches qui s'est montré très fort et j'ai perdu bien du sang encore cela tu le comprends a fait beaucoup de tort à mon lait et la pauvre petite[2] en a bien souffert. Lundi, Mardi elle a tant crié que je me suis laissé aller à une grande inquiétude ce qui a encore troublé mon lait et les cacas sont devenus aussi verts que de la pistache et tout liquides ; en outre Mme Cornelli avait un abcès dans la bouche dont elle souffrait cruellement et il m'a justement fallu me passer d'elle pendant deux nuits. Enfin tout cela maintenant est fini et bien fini, je suis remise et baby aussi, du sirop de cachou lui a fait grand bien, les selles sont devenues bonnes et depuis deux jours elle est bien sage et bien tranquille, depuis quelques jours elle rit bien gentiment ce qui nous amuse beaucoup ; l'abcès de Mme Cornelli a été percé et tout va bien, M. Conraux qui revenait depuis Lundi, n'a pas paru aujourd'hui ; c'est dans mes agitations que nous avons regretté de ne plus t'avoir là, ma chère maman, car tu sais combien tu me rassurais et combien j'avais confiance dans ce que tu me disais. Les éruptions règnent toujours dans le pays, chez les André on va mieux, la petite fille la plus jeune[3] a donné beaucoup d'inquiétudes ; à la scarlatine a succédé la rougeole pour ces pauvres enfants ; Marie Henriet[4] est prise aussi, les voilà pour nous de vrais pestiférés, la petite Mairel[5] est également atteinte ; le petit Conraux[6] va bien. Hier, je suis allée avec Charles[7] à la messe à Thann et l'après-midi j'ai mené la petite chez ma tante[8] mais par derrière car je n'ose pas traverser le village ; cette pauvre tante était bien souffrante, elle a toujours maintenant une chose ou l'autre. Nous aussi nous parlons bien de Léon[9] mais Charles va répondre à papa à ce sujet car il veut avant tout ne pas avoir la responsabilité d'empêcher Léon de finir ses études malgré son et notre désir de l'avoir près de nous.

J'écrirai à Mme Rainbeaux[10] au sujet de Wildbad[11] ; je pense bien au voyage projeté des Latham et je m'en réjouis, nous allons hâter l'arrangement des chambres. Pulfer rentre chez nous Lundi et commencera les peintures.

Je suis bien contente de mes domestiques Marie[12] vient de refaire mon mantelet et personne ne pourrait croire qu'il n'est pas neuf ; j'ai eu les couturières qui sont très bien aussi ; j'ai mis aujourd'hui la robe grise qui a été lavée et qui a aussi parfaitement réussi ; ce que j'attends avec impatience ce sont mes chapeaux. Je vous griffonne bien ce papier mais je me hâte de finir car j'ai déjà été interrompue par le réveil de baby, le bain, la soupe, le souper etc. et je veux que vous ayez des nouvelles car je crains que vous vous inquiétiez. Je suis toujours très heureuse d'avoir Mme Cornelli ; sans cela je m'inquièterais plus encore et me fatiguerais je crois beaucoup. Le docteur nous a ordonné de sortir le plus possible et nous passons 5 à 6 h au jardin par jour, voilà ma vie en ce moment. Me promener pour gagner de l'appétit, satisfaire cet appétit le mieux possible et aussitôt en rechercher un autre et tout cela pour remplir les bouteilles de notre héritière. J'ai repris toutes mes habitudes et mes occupations et j'en suis bien contente. Maman[13] a reçu et lit avec grand plaisir le livre sur la duchesse d'Orléans.

Émilie[14] a été très souffrante après son séjour ici, elle ne va bien que depuis deux jours et n'ose pas entreprendre un nouveau voyage au Vieux Thann.

Les Henriet chargent toujours de beaucoup de choses pour toi et de même je leur fais tes commissions.

Adieu, ma chère maman, je finis cette lettre pendant que Charles est un moment à la fabrique et nous allons nous coucher. Nous t'embrassons tous deux bien tendrement ainsi que notre cher père ; sa petite-fille met en réserve le plus joli de ses sourires pour lui et ses lunettes. Ta toute affectionnée fille Crol

As-tu dit à papa combien je le remercie pour les manches qu'il m'a envoyées et combien elles m'ont fait plaisir ?

Nos souvenirs au jardin et embrasse bien Adèle[15] pour moi.

Il me semble que le mois de septembre est encore bien loin.

Je te répète que nous sommes tous maintenant dans une excellente voie ; je n'ai pas voulu t'écrire avant de pouvoir te donner cette assurance ainsi tu peux être bien tranquille.


Notes

  1. Louis Daniel Constant Duméril.
  2. Marie Mertzdorff, née le 15 avril 1859.
  3. La plus jeune des cinq enfants André est Marie, née en 1848.
  4. Marie est la fille aînée de Louis Alexandre Henriet et de Célestine Billig. La famille habite à Thann.
  5. Fanny Mairel, fille du médecin de Thann.
  6. Paul Conraux, né en 1855.
  7. Charles Mertzdorff, le mari de Caroline.
  8. Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  9. Léon Duméril, frère de Caroline.
  10. Cécilia Sévelle, épouse d’Emile Rainbeaux.
  11. Ville d’eau du Bade-Wurtemberg, en Allemagne.
  12. Marie Martin.
  13. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
  14. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  15. Adèle Duméril, cousine de Caroline.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 28 mai 1859. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_28_mai_1859&oldid=60143 (accédée le 21 novembre 2024).

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