Samedi 28 février 1801, 9 ventôse an IX
Lettre de André Marie Constant Duméril (Paris) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens)
n° 132
Paris le 9 Ventôse an 9e
Mon cher Père.
je vous envoie copie d'une lettre que j'ai écrite au citoyen Chaptal[1]. Depuis huit jours je n'ai pu lui parler. hier il vient au jardin des plantes, où il était attendu et où j'espérais de le voir. mais il arriva si tard qu'on ne l'y attendait plus et que j'en étais parti. Il annonça à Cuvier qu'il me désignerait le jour même au premier Consul pour Professeur d'anatomie ; de sorte que ma nomination est probablement faite quoique je ne l'aie pas encore reçue.
J'ai été chez les citoyens Thierry, Bouteville Du metz et Delecloy pour les remercier. Soyez bien persuadé que je ne négligerai rien de ce qui sera en moi pour vous être utile et je vous instruirai du moindre succès.
Je viens de vous annoncer ma nomination. Vous auriez peine à vous figurer toutes les intrigues que j'ai eu à déjouer ; le nombre de démarches que j'ai été obligé de faire ; la variété des moyens que j'ai mis en jeu. Cette place est de 5 000ll fixes. C'est la première chaire de l'Ecole de Médecine. il n'y a de leçons à faire que dans le semestre d'hiver et tous les deux jours seulement. Je n'ai pas besoin d'être reçu médecin je le suis de droit. je ne pourrais être jugé par mes pairs et c'est moi qui recevrai les autres. Ce sont les professeurs de l'Ecole qui m'ont présenté au Ministre[2]. Sur 19 votants j'ai obtenu 15 suffrages au premier tour de scrutin.
parmi les trois candidats est mon ami Dupuytren avec lequel j'ai concouru pour la place de chef des travaux anatomiques. Quand j'y pense je crois rêver ! Si vous voyez comme moi la perspective qui m'attend ! Ce qui flatte un peu mon amour-propre c'est surtout de pouvoir vous reprocher les conseils, que par de bonnes intentions, vous me faisiez donner si souvent de ne point tant me livrer aux sciences accessoires ! Il faut avouer aussi que je suis bien heureux car jusqu'ici tout ce que j'ai entrepris m'a réussi. J'espère que Dupuytren aura ma place. Je perds mon logement mais je gagne 1 000ll et une place bien solide tandis que l'autre !... Je vais m'occuper de chercher un logement. Il me faut maintenant un certain décorum. Il faut dire à Maman[3] qu'elle se prépare à venir monter mon ménage sous un mois 1/2 à deux mois. Je la reconduirai à Amiens pour la Saint-Jean où je passerai huit jours avec vous. J'ai mis cela dans ma tête. Je suis si heureux que j'espère bien que ce projet-là réussira encore !
Priez je vous prie Désarbret[4] d'aller annoncer de ma part cette nouvelle à Fauchon[5] et à Trannoy[6].
Je vous embrasse et toute la famille
Votre fils C. Duméril
P.S. Vous verrez sûrement ma nomination dans le Moniteur un de ces jours.
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 87-88). A cette lettre est jointe une copie de la lettre à Chaptal (document 1801-03).
Annexe
Au citoyen Duméril. Juge suppléant
Petite rue saint Rémy N°4804
à Amiens
Département de la Somme
Pour citer cette page
« Samedi 28 février 1801, 9 ventôse an IX. Lettre de André Marie Constant Duméril (Paris) à son père François Jean Charles Duméril (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_28_f%C3%A9vrier_1801,_9_vent%C3%B4se_an_IX&oldid=61143 (accédée le 24 novembre 2024).
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