Samedi 10 février 1872
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers (Paris)
Samedi 10 Février 72
soir
Chère bonne petite Mère,
Voici près de huit jours que je vous ai quittés et je ne suis venue encore qu'une fois[2] vous trouver pour vous dire tout le plaisir que nous avons eu à être avec vous, et surtout vous remercier de toutes vos attentions et gâteries pour nous tous et en particulier pour mes petites filles[3].
Il me semble qu'il y a déjà bien longtemps que nous ne sommes plus près de toi, chère maman, Marie et Émilie éprouvent la même chose, et me demandaient ce soir si je savais qu'il n'y a pas encore une semaine de notre départ de Paris ? Et cela leur paraissait extraordinaire, car il leur semble, comme à moi qu'il y a bientôt un siècle que nous t'avons embrassée au chemin de fer. Cela tient peut-être à ce que nos journées ont été très remplies. Tu devines par quoi ? Le cours d'Émulation devant élire son domicile dans mon petit salon, il m'a bien fallu me mettre bien au courant afin de ne pas induire en erreur mes deux élèves qui ont tant de zèle que c'est un vrai plaisir que de les faire travailler. Aussi nous en sommes-nous donné à cœur joie ; et le résultat me paraît excellent ; nous sommes très contents de cet arrangement : nous avons reçu le 1er envoi[4] de ces dames Charrier Boblet[5] et demain matin les grandes composition iront se faire classer... Ah, voilà Morphée qui me fait une petite visite ; je le chasse... peut-être prend-il sa route vers toi ; il est 10h on peut honnêtement lui faire quelques condescendance d'autant plus que plusieurs fois je suis restée à travailler jusqu'à minuit, mais je n'en ferai pas autant ce soir.
D'après ce que tu me dis, je vois avec plaisir que ta santé t'a permis de faire bien des choses depuis mon départ. Aglaé[6] de son côté en a fait autant, je l'en remercie du fond du cœur, tant d'être le plus possible avec toi, que de savoir faire face à tant d'obligations. Elle m'a fait bien plaisir en s'occupant de Mlle Fidéline[7] en allant parler d'elle à Mme Harduin[8] de suite.
Je pense que Mme Duméril[9] ira vers la fin du mois à Paris, elle a écrit à Mme Fröhlich[10] qu'elle désirait aller la voir, ce à quoi Mme Fröhlich a répondu qu'elle aurait grand plaisir à la voir... Le sujet paraît-il n'est pas palpitant car voilà ma main qui erre sans le guide de l'autre...
Léon[11] nous a remis exactement les cartes ; pour la petite géographie illustrée dont tu me parles tu me ferais plaisir de me l'envoyer par la poste ; fais affranchir au grand bureau ce qu'exige la France et pour le reste on paiera à l'arrivée ici ; Nous avons reçu jusqu'à 5 Revues des deux mondes en un seul paquet par cette voie ; tu vois que ça n'offre aucune difficulté. Pour le bel objet que tu fais faire à mon intention tu pourras peut-être le confier à Mme Duméril en en indiquant le poids c'est la mesure qui sert de base à toutes les marchandises qui entrent en Alsace.
Dis à Aglaé que je pense bien à elle et que je lui écrirai prochainement, qu'elle en fasse autant. Mme Pavet[12] est-elle de retour ? Nous sommes contents de savoir petit Jean[13] tout à fait remis, son Emilie raconte à tout le monde les hauts faits de ce bon petit garçon.
Jeudi j'ai eu les Morschwillais[14] qui sont revenus causer avec Charles[15], on a fini par revenir après examens aux mêmes idées qu'à Paris, et Lundi Charles et Léon iront dans les Vosges pour voir le monastère qui les demande. s'arrangera-t-on ? on n'en sait rien.
Demain, (pour nos jours gras), nous serons seuls, et Lundi j'emmènerai patriarcalement mes petites filles et les bonnes[16] à Morschwiller, c'est une partie !! Mardi le petit foyer fera les frais du Carnaval ! Voilà chère bonne mère les faits extraordinaires que je puis avoir à te conter, hors cela je te dirais que le temps est splendide, je pourrais encore te parler Analyse ou histoire & mais ce que je ne pourrai pas te dire assez c'est toute mon affection, et combien le souvenir de notre Julien[17] m'accompagne dans toutes les occupations où je m'étais fait un si doux rêve de le voir s'associer un jour : Dieu ne l'a pas voulu, nous devons nous soumettre et être sûrs que c'est pour un bien que nous ne comprenons pas.
M. Heuchel[18] est souffrant depuis notre retour, mais il va mieux aujourd'hui.
Dis à Alfred[19] que la monnaie est arrivée à bon port. J'espère qu'il n'a plus eu de saignement de nez.
Adieu chère maman, nous t'embrassons ainsi que papa[20].
Eugénie Mertzdorff
Tu fais bien de t'occuper de ton Montmorency c'est le moment, ne te fatigue pas trop.
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Voir la lettre du 5 février.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Voir la lettre du 7 février.
- ↑ Caroline Boblet, veuve d’Edouard Charrier et sa sœur Aimée Sophie Élisabeth Boblet.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Fidéline Vasseur.
- ↑ Anne Pauline Lebeau, épouse de Jean Constant Harduin.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Eléonore Vasseur, veuve d’André Fröhlich.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Félicité Duméril, son époux Louis Daniel Constant Duméril et leur fils Léon Duméril, qui s’interrogent sur l’avenir de l’entreprise.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Probablement Cécile, Annette et la jeune Thérèse Neeff.
- ↑ Julien Desnoyers (†).
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ Jules Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 10 février 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_10_f%C3%A9vrier_1872&oldid=35295 (accédée le 15 novembre 2024).
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