Mercredi 3 octobre 1860
Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris)
3 Octobre 1860
Ma chère Maman
Je croyais que Léon[2] vous écrivait et je voulais ajouter un mot à sa lettre, lorsque je m'aperçois qu'il n'a pas encore pris la plume. Il n'aura sans doute pas eu le temps car il est très occupé avec l'injecteur qu'il fait travailler selon les idées de Charles[3] et il met énormément d'entrain à cette organisation, ce qui nous fait grand plaisir. Tous les matins maintenant, il est à 5 h 1/2 à la fabrique et il se porte à ravir. Ce matin sa nièce[4] lui a offert un bouquet pour ses 20 ans.
Je t'avoue que j'ai été toute désappointée en apprenant que vous ne partiriez qu'après avoir vu mon oncle l'ingénieur[5] ; cela peut durer encore un mois, car mon oncle ne vient jamais quand il le dit, il a toujours des retards indéfinis. J'espère que mon oncle Auguste[6] ne se ressent plus trop de ses rhumatismes, il faut dire que le temps est terriblement favorable à ces vilaines douleurs et ce pauvre Charles s'en aperçoit trop souvent. Mimi vient de percer sa première dent d'œil, j'en suis bien contente car ce sont des dents que j'ai toujours beaucoup redoutées. Elle n'est pas autrement incommodée que par un léger dérangement que l'eau de riz maintient dans des bornes tout à fait raisonnables.
Je suis enchantée de ce que Mme Mertian[7] t'a dit de la sage-femme, maintenant nous voulons en parler à M. Conraux[8] avec qui elle a fait déjà plusieurs accouchements, puis je la ferai venir pour m'arranger avec elle. Je te remercie mille fois pour les peines que cela t'a encore données. J'ai reçu cette semaine une lettre d'Eugénie[9], ces dames[10] restent jusqu'au 15 avec M. Alfred[11] qui ne peut se résoudre à les voir partir, mais M. Desnoyers[12] et Julien doivent être de retour. Voilà aussi Mme Dollfus[13] à Paris, vous pourrez encore la voir. Gustave entre en pension Lundi prochain. Je vous remercie bien pour toutes mes commissions. Les boutons [ ] moitié d'une sorte et moitié d'une autre. Je te prierai aussi d'acheter pour Mimi 6 petits mouchoirs avec petites vignettes, bon marché comme on en fait pour les petits enfants. Ma seringue d'enfant est démantibulée, j'aimerais que vous m'en apportiez une avec canule de caoutchouc. Les cravates de Charles doivent être cassées et grandes. Ma tante[14] vous prie de vouloir bien lui acheter un flacon d'huile de marrons d'inde contre les rhumatismes du prix de 5 F. je voudrais en avoir un aussi, cela se trouve chez tous les grands pharmaciens. Ma tante vient de renvoyer Marie qui était une bien vilaine fille. Notre pauvre Tom est de nouveau au lit, c'est bien ennuyeux ; nous n'avons pas de chance avec nos domestiques cette année, je ne sais si vous vous rappelez un nommé Herrgott[15] qui a eu une fluxion de poitrine pendant votre séjour ici. Il est tombé en voulant descendre d'une de nos grosses voitures sans l'arrêter, la roue lui a attrapé la jambe et la lui a abîmée, quelques jours après la gangrène s'y est mise et il est mort. C'était un honnête garçon qui avait été 14 ans militaire et qui allait se marier.
Adieu, ma chère Maman, nous t'embrassons bien fort ainsi que papa[16] tâchez de venir le plus tôt possible car nous vous attendons impatiemment
Ta fille dévouée
Crol
Embrasse Adèle[17] bien tendrement de ma part, je te prie.
Vous ne savez rien de nouveau pour les logements du jardin ?
Notes
- ↑ La lettre est rédigée sur papier deuil, après le décès, le 14 août, d’André Marie Constant Duméril.
- ↑ Léon Duméril, frère de Caroline.
- ↑ Charles Mertzdorff, époux de Caroline.
- ↑ Marie Mertzdorff, Mimi, fille de Charles et Caroline.
- ↑ Charles Auguste Duméril, frère de Félicité.
- ↑ Auguste Duméril, beau-frère de Félicité.
- ↑ Caroline Désirée Roussel, épouse d’Henry Mertian.
- ↑ François Joseph Conraux, médecin.
- ↑ Eugénie Desnoyers, amie de Caroline.
- ↑ Eugénie Desnoyers, sa sœur Aglaé, sa mère Jeanne Target.
- ↑ Alfred Desnoyers, frère d’Eugénie.
- ↑ Le père, Jules Desnoyers, et Julien, son plus jeune fils.
- ↑ Noémie Martin, veuve de Frédéric Dollfus, mère de Gustave Dollfus.
- ↑ Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Jean Pierre Herrgott.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Adèle Duméril, jeune cousine de Caroline.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Mercredi 3 octobre 1860. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_3_octobre_1860&oldid=60490 (accédée le 21 novembre 2024).
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