Mercredi 25 et jeudi 26 septembre 1872
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)
Mercredi soir
25 7bre
Ma chère petite Gla,
Ne croirait-on pas que nous nous oublions, et cependant il n'en est rien ; aujourd'hui encore il a été bien souvent question de vous ; et les fameux cornets à la crème que j'avais promis à l'oncle Alphonse[1] sont venus se mêler aux souvenir de la date mémorable[2] en l'honneur de laquelle ils devaient paraître. Cette date devrait peut-être me faire te formuler quelques souhaits de circonstance, je m'abstiendrai, le seul que je me permettrais, c'est que vous restiez encore bien longtemps tous deux ce que vous êtes l'un pour l'autre, et pour vos amis. Ceci dit, je t'embrasse bien fort, tu en feras autant à ton mari de notre part en lui disant que nous l'aimons aussi beaucoup.
Maman[3] continue à bien aller, quelquefois elle a un peu mal à l'estomac, mais le moral est bon ; cette bonne petite mère est courageuse et se laisse distraire ; elle sait jouir de tout ; elle paraît contente quoique la vie soit bien calme et sérieuse. Si vous aviez pu nous rester c'eut été bien plus agréable pour tous. Papa[4] aurait bien envie de faire un tour en Suisse pour revoir les musées ; le temps est trop froid pour que maman puisse l'accompagner et cette bonne mère a déclaré qu'elle restait avec moi ce qui est le plus sage. Hier en rentrant de notre promenade sur la voie romaine par une journée magnifique, papa a décidé son départ pour ce matin, mais ce matin pluie et vent, le voyage remis et papa a passé sa journée à ranger les bulletins de la Société Industrielle de Mulhouse dans le cabinet de Charles[5], maman et moi avons travaillé ensemble ; ta petite bande bleue avance ; nous avons fait un tour au jardin qui est en très bon état. Je crois que nous serons contents du nouveau jardinier[6], maman en a bonne opinion. J'ai de magnifiques poires duchesse, ça te ferait-il plaisir si j'en donnais à maman un panier pour toi ? Cécile[7] continue à avoir bien mal à la jambe ; Dans la maison tout marche bien, pas d'ennui ; ce matin, Jean le valet de chambre a demandé conseil à papa pour savoir s'il fallait opter à cause de ses deux fils. Tu vois que le patriotisme est général. Mais c'est réellement navrant de voir tous ces départs. Ce matin à la messe de 7h il y avait un père, une mère et un fils de 17 ans seuls à communier avant leur départ ils quitteront cette nuit à <>h. Ça avait quelque chose de solennel et de vraiment touchant. Et combien comme cela qui quittent leurs foyers, ça donne réellement la larme à l’œil. Mulhouse est si triste qu'on ne veut pas y aller.
Charles est parti hier matin pour Senones[8] il reviendra Vendredi ; il aurait bien engagé papa à l'accompagner, mais il va pour s'occuper de plans et de fabriques et assister demain à la réunion des actionnaires qui aura lieu à Nancy. Léon[9] qui est avec lui continuera sur Paris où il va rester quelques semaines chez son oncle[10] quai de Béthune afin de revenir avec son passeport complètement en règle. Pour l'affaire que tu sais[11] rien de nouveau.
Marie[12] va très bien, elle a très bonne mine, dévore et est très en train ; Emilie[13] est toujours la douce rieuse, elle amuse bien maman. Elles travaillent jusqu'au dîner et le reste de la journée on joue avec les petites Berger[14].
En lisant ta bonne longue lettre maman disait : Elle se fatigue trop. Mais je ne puis que t'approuver de t'occuper comme tu le fais, utilement pour tous, et tout en conservant ta liberté, c'est bien mieux. Tu vas avoir bien à travailler en faisant toutes les petites robes pour Novembre.
Les chaussettes vont très bien à Charles, tu peux me les mettre de côté.
Hier soir j'ai écrit à Constance[15], combien il est triste de savoir Bathilde[16] ainsi reprise.
Bonsoir, ma Chérie, 11h viennent de sonner, mais dans le jour je suis trop dérangée pour écrire. As-tu de bonnes nouvelles de Jean[17], Cécile[18] doit commencer à avoir froid à la mer. Je suis bien contente pour vous tous si Alphonse[19] peut s'habituer dans sa maison où vous l'avez mis. Ce sera bien bon pour Louise[20].
Tu vas passer quelques bons jours au chalet, ça te fera du bien, mes amitiés à Mme Brongniart[21]. Les fillettes[22] embrassent bien Jeanne.
Jeudi midi 1h ½
Nous n'avons rien à ajouter, maman vient de t'écrire, nous t'embrassons de tout cœur, écris-nous.
M. Duméril[23] est ici je pense que nous ferons un petit tour aux carrières avec papa.
Notes
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Le mariage d’Alphonse Milne-Edwards avec Aglaé Desnoyers, en septembre 1862.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Jules Desnoyers.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Édouard Canus, arrivé au mois de mars.
- ↑ Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
- ↑ Pour rencontrer Frédéric Seillière et associés.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Charles Auguste Duméril.
- ↑ Un projet de mariage de Léon Duméril.
- ↑ Marie Mertzdorff.
- ↑ Emilie Mertzdorff.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
- ↑ Bathilde Prévost, épouse d’Alphonse Duval.
- ↑ Le petit Jean Dumas.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas et mère de Jean.
- ↑ Alphonse Pavet de Courteille.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille et mère d’Alphonse.
- ↑ Catherine Simonis, épouse d’Edouard Brongniart et mère de Jeanne Brongniart.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mercredi 25 et jeudi 26 septembre 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_25_et_jeudi_26_septembre_1872&oldid=60307 (accédée le 21 novembre 2024).
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