Mercredi 17 avril 1878

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie et Émilie Mertzdorff (Paris) à leur père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1878-04-17 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-04-17 pages 2-3.jpg


Paris 17 Avril 78.

Merci bien mon Père chéri, pour ta bonne lettre et tes bons souhaits de fête, ton bouquet m’est arrivé dans toute sa fraîcheur et m’a fait le plus grand plaisir. Puissent tous les vœux qu’on m’a faits se réaliser : je crois qu’à 20 ans je serais une personne parfaite.
Si tu savais comme j’ai été gâtée Lundi ; d’abord comme 1er cadeau on m’a remis mes 2 chères lettres d’Alsace, la tienne et celle de bonne-maman[1], tante[2] m’a donné 2 ravissants petits cache-pots chinois comme ceux qui sont sur le piano à Vieux-Thann avec des petits rosiers dedans, Émilie[3] un col brodé et un gros bouquet de giroflées, enfin Jean[4] et Marthe[5] m’ont écrit tous les 2 en m’envoyant une petite boîte de superbes anémones rouges. Je suis vraiment trop heureuse d’être ainsi aimée et je voudrais à mon tour pouvoir montrer mon affection à toutes ces personnes chéries.

Émilie t’aura dit sans doute combien la nouvelle du mariage de Georges[6] nous avait surprises et intéressées ; je regrette maintenant de n’avoir pas fait plus attention à Mlle Lomüller[7] lorsque je l’ai vue au mariage[8], cependant je me la rappelle à peu près, il me semble qu’elle est très gentille. J’espère que tu nous donneras prochainement plus de détails car tu sais que nous les aimions assez et que nous descendons en ligne directe de notre mère Eve, pour la curiosité au moins.

Nous avons depuis quelques jours un véritable temps du mois d’Août. Avant-hier notre thermomètre marquait à l’ombre 22° on dit qu’au soleil il est monté jusqu’à 40°. Aujourd’hui les choses ont l’air de se gâter il a déjà plu plusieurs fois et la température s’est naturellement rafraîchie. Ce qui est trop beau ne dure généralement pas.

Tante a eu hier la visite de cousine Elise[9] ; sa petite fille[10] va presque tout à fait bien maintenant elle sort déjà aussi a-t-elle l’intention de partir au commencement de la semaine de Pâques pour le Grand-Lemps où elle restera jusqu’à la mi-Juin à cette époque la tante compte aller la remplacer et comme Elise reviendra de manière à se trouver ici quand en même temps que tante Zaepffel[11].

L’oncle[12] va bien physiquement mais il paraît qu’il baisse beaucoup moralement. Émilie t’a dit que nous avions rencontré Dimanche dans le tramway Jeanne Laroze[13] mais il paraît que M. Paul[14] est toujours malade et que sa pauvre femme est bien fatiguée et affectée.

Hier c’était le jour aux leçons : Mlle Poggi[15] n’est pas venue cependant car elle était souffrante ; Mme Lima[16] est venue dans la journée, au moment où elle s’en allait une affreuse averse a éclaté et nous avons été forcées de faire la conversation pendant un quart d’heure encore. Si nous étions des jeunes filles du temps de Berquin[17], nous aurions évidemment remercié cette pluie bienfaisante qui nous donnait ainsi l’occasion de prendre une leçon plus longue, mais c’est avec raison qu’on dit que les temps sont changés, car nous n’avons éprouvé aucun de ces sentiments-là. Lundi j’ai été à l’atelier et j’ai eu le bonheur que M. Flandrin[18] me fasse mon esquisse.

Mon papa chéri, je reprends la lettre de Marie ne sachant si elle rentrera à temps pour la terminer. Nous sommes allées à un sermon à Notre-Dame et Cécile[19] m’a ramenée ici pour que je travaille pendant que Marie est allée avec Tante chez le dentiste[20]. C’est donc moi qui vais t’embrasser au nom de Marie d’abord et au mien ensuite et te charger pour nous de [ ]

Hier bonne-maman[21] est venue passer la journée ici elle m’a chargée de toutes ses amitiés pour toi.
Les nouvelles de Cannes[22] sont toujours très bonnes, je dis très bonnes parce qu’on nous annonce un prochain retour car la santé de tante Cécile et de Jean n’est encore que passable.

Tes filles,
Marie Émilie    

Marie rentre à temps pour embrasser elle-même son Père chéri aussi fort que possible et lui dire qu’elle l’aime beaucoup.
Marie


Notes

  1. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  2. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  3. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  4. Jean Dumas (voir son mot).
  5. Marthe Pavet de Courteille.
  6. Georges Duméril.
  7. Maria Lomüller.
  8. Au mariage de Léon Duméril et Marie Stackler en avril 1877.
  9. Elisabeth Mertzdorff, épouse d’Eugène Bonnard.
  10. Andrée Bonnard.
  11. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  12. Frédéric Mertzdorff.
  13. Jeanne Laroze, nouvelle épouse de Joseph Jules Frédéric Merlhe.
  14. Paul Nicolas, époux de Stéphanie Duval.
  15. MllePoggi, professeur de piano.
  16. Mme Lima, professeur d’allemand.
  17. Probablement Arnaud Berquin (1747-1791), pédagogue, journaliste et écrivain, fondateur de « l'Ami des enfants ».
  18. Marie Mertzdorff prend des leçons de dessin avec Paul Flandrin.
  19. Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  20. E. Pillette, dentiste.
  21. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  22. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas et Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille séjournent à Cannes avec leurs enfants Jean Dumas et Marthe Pavet de Courteille.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 17 avril 1878. Lettre de Marie et Émilie Mertzdorff (Paris) à leur père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_17_avril_1878&oldid=42799 (accédée le 18 avril 2024).

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