Mercredi 12 janvier 1876

De Une correspondance familiale

Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

original de la lettre 1876-01-12 pages 1-4.jpg original de la lettre 1876-01-12 pages 2-3.jpg


Morschwiller 12 Janvier 1876.

Ma bien chère Aglaé,

Pendant la seconde quinzaine de Xbre j’ai été bien préoccupée et tourmentée en voyant mon pauvre mari[1] si souffrant. La sage médication du docteur Battenberg[2] de Mulhouse a amené peu à peu de l’amélioration et aujourd’hui j’ai le bonheur de voir mon cher mari presque complètement remis, mais on voit à sa maigreur et à sa pâleur combien il a souffert. Il faut beaucoup de précautions surtout dans cette saison de l’hiver et par le froid si vif qu’on ressent en Alsace. Il ne peut donc pas être question de quitter la chambre, et mon pauvre mari trouve souvent le temps long. A la suite de mes préoccupations, il m’est survenu une toux nerveuse, qui, par moments, était fort pénible, mais Léon[3] m’ayant rapporté de Mulhouse du sirop de Flon[4], j’en fais usage et m’en trouve parfaitement, ainsi cette nuit j’ai dormi sans être nullement inquiétée de la toux. A présent que je vois mon bon mari en si bonnes dispositions, je me trouve dans un autre monde. Je fais à mes chéries[5] tous mes remerciements pour leurs bonnes lettres qui nous ont fait le plus grand plaisir, je les prie de m’excuser si je ne leur écris pas dans ce moment, elles savent ces chères enfants combien nous les aimons, combien nous sommes heureux du résultat qu’elles obtiennent dans leur travail, et je me sens soulagé en sachant que malgré ses occupations notre chère Marie a bonne mine, j’espère que bientôt ce grand travail aura sa fin.

Parlons maintenant de l’affaire A.[6] dont nous sommes d’un de notre côté si vivement occupés. Tu sais que mon frère[7] compte partir ce mois-ci pour aller passer auprès de Paul une partie de l’hiver. J’ai donc cru bien faire en lui écrivant il y a une huitaine de jours pour lui dire que dans les circonstances actuelles il me semble, qu’avant son départ pour Perpignan, il devrait aller à Paris et te demander le jour et l’heure où il pourrait avoir un petit entretien avec toi au sujet de cette importante affaire. En écrivant à mon frère je me borne à lui transmettre les paroles de Mme A[8]. Ici ma bonne Aglaé, mon mari et moi étions tristes de savoir la jumelle[9] de Mlle Mathilde si faible et si changée depuis son mariage, puis tu me parles d’un accident survenu à cette si intéressante jeune femme, mais comme tu ne m’en dis plus rien, j’espère que tout aura repris son cours et qu’on est bien rassuré à présent. Deux grossesses si rapprochées[10] ont pu apporter quelque trouble dans la santé sans que le fond en soit altéré. D’après ce que nous avait écrit Charles[11] je pensais que tes chers parents[12] allaient aussi bien que possible, mais ce que tu me dis de ton excellente mère exige qu’elle ne s’expose pas à l’air extérieur, embrasse-la bien pour moi, ai-je besoin de dire que ma pensée va souvent la trouver. Je fais mes meilleures amitiés à tes bonnes sœurs[13] et je leur dis à toutes deux que je forme pour elles tous les vœux que dicte une amitié dévouée. Ne m’oublie pas, je te prie, auprès de Madame Trézel[14] à qui j’envoie mon respectueux souvenir.

Nous voilà bien près du jour anniversaire de la mort de notre si chère Eugénie[15]. Elle et notre Caroline[16] nous recommandent force et courage sur cette terre.

Adieu ma bien chère Aglaé nous vous embrassons tous comme nous vous aimons.
Félicité Duméril

Tu ne me dis rien de la mère de Cécile[17], je pense donc que cette pauvre femme a pu encore cette fois triompher du mal dont elle souffre depuis longtemps.
Je suis bien aise que Charles ait pu avec Émilie aller chez Mme Fröhlich[18] le jour où elle reçoit.


Notes

  1. Louis Daniel Constant Duméril.
  2. Probablement le docteur Émile Guillaume Battenberg, auteur en 1850 d'une thèse sur la hernie étranglée.
  3. Léon Duméril, son fils.
  4. On peut lire dans la presse de l'époque des publicités sur les préparations du pharmacien H. Flon.
  5. Marie et Émilie Mertzdorff, ses petites-filles.
  6. Projet de mariage de Paul Duméril avec Mathilde Arnould.
  7. Charles Auguste Duméril, père de Paul.
  8. Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
  9. Lucy Arnould, épouse d’Alfred Biver.
  10. Marguerite et Justine Jeanne Biver sont nées en 1875 et 1876.
  11. Charles Mertzdorff auprès de ses filles à Paris pour quelques semaines.
  12. Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
  13. Les belles-sœurs d’Aglaé : Cécile Milne-Edwards, épouse de Ernest Charles Jean Baptiste Dumas et Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  14. Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
  15. Eugénie Desnoyers (†), seconde épouse de Charles Mertzdorff.
  16. Caroline Duméril (†), première épouse de Charles Mertzdorff.
  17. Marguerite Besancenez, veuve de Pierre Joseph Besançon, mère de Cécile Besançon (la bonne des demoiselles Mertzdorff).
  18. Éléonore Vasseur, veuve d’André Fröhlich.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 12 janvier 1876. Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_12_janvier_1876&oldid=60694 (accédée le 26 avril 2024).

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