Mardi et mercredi, avril 1872

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)


original de la lettre 1872-04 mardi pages 1-4.jpg original de la lettre 1872-04 mardi pages 2-3.jpg


Vieux-Thann

Mardi soir

Ma chère petite Gla,

Je suis seule, Charles[1] est parti ce matin pour Senones[2], j'ai reçu ta bonne longue lettre à 4h, et quoique Morphée ne soit pas loin je veux encore te griffonner quelques lignes car le matin le temps me manque. Comme toi je me donne plus de besogne que je ne puis en faire et malgré les tristesses et les regrets comme tu le dis, le temps passe, et les journées sont trop courtes. Le travail, le travail, c'est la punition du genre humain et c'est en même temps un de ses meilleurs remèdes contre toutes les misères de cette vie, n'importe dans quelle position on se trouve.

Je te remercie bien de tant t'occuper de Mlle Fidéline[3] ; ne dis pas que tu n'arrives à rien, tu fais beaucoup, et tu rends service à tant de personnes, il faut savoir se contenter même dans le désir de bien faire et c'est beaucoup plus difficile qu'on ne croit.

Je veux répondre de suite à tes questions :

- Pour les images à donner aux petites filles, très bien.

- Médaille de 1re Communion en argent, il me semble que la taille de celles des petites Berger[4] est bonne à peu près comme une pièce de 1 F ou un peu plus, c'est solide, mais si tu trouves l'autre mieux, j'approuve. faire marquer M. E. entrelacés (cela signifiera Marie Emilie[5], c'est cette dernière qui la donnera) 5 Mai 1872[6] S'il y a beaucoup de place tu peux faire mettre 3 Mai 1859 en plus, c'est la date de son baptême.

- Pour l'imitation de Jésus Christ[7] je préfère le format ordinaire (j'ai dans le secrétaire l'édition diamant avec fermoir que Cécile Audouin[8] donnée à Caroline[9]) donnée avec. Si tu trouves l'Imitation avec réflexions à la fin de chaque chapitre de La Mennais[10] et à la fin du livre une table divisée « selon les différents besoins des fidèles », je trouve cela plus commode.

- La pendule n'est pas trop chère à 95 F et c'est tout à fait dans ces prix-là que nous désirions l'avoir, même un peu au dessus n'aurait rien fait, ainsi c'est encore très bien pour cette acquisition, comme pour toutes les autres.

- Tu as deviné juste puisque tu ne peux nous donner que peu de temps c'est le 4 qu'il faut nous arriver afin que Marie puisse jouir aussi de toi ; pendant la retraite elle sera avec les autres enfants, et pas avec nous, et ça lui ferait gros cœur de te savoir à la maison ; la semaine suivante sera un repos complet et tout libre de rester avec nous et chacun l'esprit plus calme.

Maman[11] m'a écrit qu'elle ne viendra pas, tâche donc de lui faire changer d'avis, dis-moi si je puis espérer qu'elle vienne, si je ne craignais de la contrarier, j'insisterais. Réponds-moi.

Je comprends ton petit ennui d'avoir juste manqué l'arrivée d'Alphonse[12] après être partie à 6h30 de la maison, enfin il a vu (au retour) ta bonne intention.

Je fais compliment à Jean[13] sur son activité matinale. Je crois t'avoir déjà dit qu'il y a eu beaucoup de croups cette année à Vieux-Thann c'est pourquoi je ne demande pas qu'on te laisse emmener petit Jean pour venir voir son Emilie.

Je te disais que Charles était parti pour les Vosges pour quelques jours. L'affaire Seillière est arrangée et dans des conditions qui laisseront à Charles sa liberté, il leur donnera ses conseils, eux pourront venir aussi ici, mais tant que ça plaira des deux côtés. Charles et moi sommes contents, de cette façon il ne sera plus question de créer une nouvelle fabrique. Nous n'avons pas les éléments de directeurs pour nous remettre encore un 3e blanchiment sur les bras ; car en industrie c'est l'homme qui fait l'affaire, on voit cela de plus en plus partout. Jusqu'ici la besogne, sans être très abondante, ne manque pas, ça marche. A Morschwiller on installe le blanc d'impression.

Voilà qu'il est tard, il faut que je me couche, sans quoi mes deux chéries me gronderaient demain matin ; elles dorment auprès de mon lit, je t'embrasse

EM.

Mercredi 1h

Je laisse les 2 fillettes finir leur fromage à la crème pour venir te griffonner encore quelques lignes ; elles prétendent que quand le papa n'est pas là je me sauve bien vite de la salle à manger, c'est ce que tu ferais. On a fait un travail dans nos cabinets de toilette qui a nécessité le maçon, alors aujourd'hui je fais enlever les tapis, et il y a toujours tant de poussière qu'il faut nettoyer et renettoyer. Pendant qu'on y était j'ai pris de l'alcali pour les peignes ou autres. Le linge de la lessive qui ne se repasse pas, à ranger ; les enfants de la 1re Communion dont je me suis occupée et dont je m'occuperai encore demain pour les habits à donner ; Cette après-midi je veux aller à Thann, et cependant les devoirs des enfants à faire faire, je ne suis pas encore descendue au jardin et cependant il est utile que j'y aille ; la chambre de jeu que je voudrais faire ranger à ses propriétaires, une chemise que je veux faire, des relevés de compte que je voudrais mettre au net en l'absence de Charles, enfin tu devines le reste et comme je te vois avec des occupations aussi et même plus nombreuses, je t'embrasse bien fort en te priant d'en faire autant à maman et papa[14]. Fais bien des amitiés à ton mari[15].

Eugénie Mertzdorff

Bien des amitiés à Alfred[16], ça nous fait plaisir de savoir que son affaire marche bien et qu'il est content de sa construction dis-le lui.

Bien des choses à Cécile[17] et à Louise[18]. J'espère que Cécile est rentrée en bon état.

Marie et Emilie t'embrassent bien fort.

Cécile[19] me charge toujours de ses compliments pour la famille.


Notes

  1. Charles Mertzdorff.
  2. A Senones pour régler l’avenir de son entreprise avec Frédéric Seillière.
  3. Fidéline Vasseur.
  4. Marie et Hélène Berger.
  5. Marie et Emilie Mertzdorff (les « deux chéries », « les 2 fillettes »).
  6. 5 mai 1872, date de la communion de Marie Mertzdorff.
  7. Imitation de Jésus-Christ, ouvrage de piété catholique du XVe siècle.
  8. Cécile Audouin, épouse d’Alfred Silvestre de Sacy.
  9. Caroline Duméril (†), première épouse de Charles Mertzdorff.
  10. Félicité de La Mennais (1782-1854), L'Imitation de Jésus-Christ traduction nouvelle avec des réflexions à la fin de chaque chapitre…[très nombreuses éditions].
  11. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  12. Alphonse Milne-Edwards.
  13. Le petit Jean Dumas.
  14. Jeanne Target et son époux Jules Desnoyers.
  15. Alphonse Milne-Edwards.
  16. Alfred Desnoyers.
  17. Cécile Milne-Edwards, épouse d’ Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  18. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  19. Cécile, bonne des petites Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi et mercredi, avril 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_et_mercredi,_avril_1872&oldid=43137 (accédée le 24 avril 2024).

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