Mardi 20 juillet 1875
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 20 Juillet 1875
Mon père chéri,
Combien je te remercie de ta bonne lettre tu es vraiment bien bon de nous écrire ainsi, mais ce qui nous a fait bien moins plaisir cela a été d’apprendre le départ d’oncle Georges[1] tu sais, petit père, que nous te voulons bon gré mal gré pour tout notre séjour à Port[2] songe bien que voilà 3 mois entiers que tu nous as quittés et que nous avons le plus grand besoin de te revoir ; ce serait gentil des filles[3] qui ne connaîtraient même plus leur père ! Nous nous réjouissons excessivement pour ce départ et nous voyons avec bonheur le jour qui s’en rapproche beaucoup, nous ne savons encore si nous partirons le 31 ou le 1er je pense que c’est cependant ce dernier jour qui l’emportera. Tante[4] a préparé hier et aujourd’hui plusieurs caisses qu’elle va expédier par la petite vitesse ainsi que le fourneau.
Je n’ai rien de bien intéressant à te dire depuis notre dernière lettre écrite Samedi je crois ; Dimanche nous avons été à la grand’messe puis chez tante Louise[5]. A 1h nous avons été avec oncle, tante[6], Marthe[7] et Jeanne Brongniart au laboratoire où nous avons lavé Krabe[8] (opération qui est souvent utile) puis avec le reste de son savon nous avons voulu faire des bulles mais malgré tous nos efforts nous avons très-mal réussi, tandis que Dimanche dernier elles étaient splendides. A quoi cela tient-il ? A 4h Mme Brongniart[9] est venue et nous avons été toutes ensemble au bain qui je t’assure était exquis. Émilie commence à se jeter pas mal mais toujours du trapèze ; quant à moi je me borne à nager dans tous les sens mais je ne saute pas. Malheureusement le courant est tellement fort cette année qu’il m’est impossible de le remonter et Émilie et Jeanne n’y arrivent qu’avec des efforts inouïs quand elles y arrivent.
Hier Lundi nous avions l’intention de nous mettre à travailler pour terminer nos devoirs, car Mlle Bosvy venait dans la journée. Mais voilà qu’en prenant notre café oncle nous dit qu’il va avant le déjeuner aller du côté de l’hôtel de ville acheter de la poudre purgative pour Krabe et il nous offre de l’accompagner. La tentation était bien grande aussi n’avons-nous pas su y résister. Nous avons bien vite passé nos robes pendant qu’oncle allait au laboratoire faire manger les petits pigeons car je ne sais si nous t’avons dit qu’il y en a 2 jeunes qu’oncle élève dans sa couveuse. Nous sommes ensuite parties avec oncle pour nos courses et nous avons même acheté en plus un peigne de 9 sous toujours pour le même personnage et une canne pour la chasse aux rats.
Il faisait un temps splendide aussi cette petite course nous a-t-elle été fort agréable. Après le déjeuner nous avons rattrapé le temps perdu et nous avions cependant fini tous nos devoirs pour midi.
Après ma leçon j’ai aidé tante à faire ses caisses puis nous devions aller à 4h au bain froid mais voilà que juste au moment de partir un orage éclate et la pluie a tombé à flots jusqu’à six heures ; et nous avons dû nous contenter d’aller seulement jusqu’à la douche. Aujourd’hui je n’ai pas fait grand’chose. J’ai commencé par me lever fort tard, puis j’ai fait mon piano que je n’avais pas étudié hier. Après le déjeuner Mlle Poggi est venue, tante m’a peignée à fond (puisque je te dis tous les détails) car en ce moment-ci mes cheveux tombent d’une façon horrible. Puis nous avons été chez tante Louise où déjeunaient Mlles Viollet et Bosvy malheureusement cette dernière a été obligée de partir aussitôt notre arrivée car elle avait une leçon ; par contre Mlle Viollet est restée jusqu’à 3h. Nous rentrons à l’instant je vais travailler un peu pendant que tante est allée voir bonne-maman[10] puis nous irons probablement au bain.
A revoir donc mon petit papa bien aimé je t’embrasse de toutes mes forces et à bientôt. Que ce sera donc bon de se revoir !
Ta fille qui t’aime
Marie Mertzdorff
Notes
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Port-en-Bessin.
- ↑ Marie et sa sœur Émilie Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Krabe, le chien Alphonse d’Milne-Edwards.
- ↑ Catherine Simonis, épouse d’Edouard Brongniart.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 20 juillet 1875. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_20_juillet_1875&oldid=56938 (accédée le 15 novembre 2024).
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