Samedi 17 juillet 1875
Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Samedi 17 Juillet 75.
Mon bon petit papa chéri,
Je t’aime énormément, et je voudrais bien que tu reviennes car, comme je te le dis toutes les fois, il me semble qu’il y a bien longtemps que tu es parti.
Jeudi nous nous bien sommes bien amusées, comme Marie[1] a dû te l’écrire nous sommes allées voir Paulette[2] à Sceaux. Nous sommes allées à la gare en voiture car nous étions pressées, ce petit chemin de fer qui tourne tout le temps est bien drôle. Arrivées à Sceaux nous avons trouvé Paulette et ses deux sœurs[3] sur la route, avec la petite Marguerite[4] la fille de Lucy c’est un ravissant bébé on nous [a] montré la sa petite jambe qui est toute potelée et du rose le plus joli et qui fait les délices de Mme Arnould[5]. Paulette nous a promenées dans tout le jardin, ensuite Marcel[6] nous a montré les lapins, les poules et sa petite tortue ; ensuite Paulette nous a fait visiter toute la maison qui est très jolie et parfaitement distribuée[7]. Puis nous avons goûté en mangeant des groseilles après les arbustes et enfin comme des filles raisonnables nous nous sommes assises dans le jardin et nous avons cousu, car nous avions apporté les blouses que nous faisons ici avec nos amies. Il n’a pas plu du tout, et cependant il faisait si mauvais le matin, juste pour le cours d’oncle[8]. On nous a reconduites au chemin de fer et à Paris nous sommes rentrées à pied ; nous avions l’intention de prendre une douche, mais il y avait du monde et mais comme il était tard et que et comme l’as dit la baigneuse il n’y avait « Mme[9] n’a pas de patience », nous sommes parties sans avoir passé sous le jet bienfaisant qui rend la force, la santé, et les couleurs. A propos de couleurs Marie a très bonne mine.
Avant le dîner nous sommes montées au pigeonnier avec oncle et imagine-toi ma surprise, les pigeons gris étaient remplacés par de magnifiques pigeons blancs à queue de paon et faisant tous la roue, je croyais rêver, aussi suis-je restée quelques temps sans parler parce qu’il fallait que je remette mes esprits. Et, nouvelle surprise ! après les avoir bien admirés j’aperçois dans un nid bien garni de paille et de plumes, deux petits qui n’ont pas encore leur duvet, seulement comme les parents les ont abandonnés oncle les a portés dans la couveuse et il leur donne à manger dans sa bouche après avoir bien mâché le grain c’est moi qui serai bientôt chargée de cet ouvrage car s’ils se rétablissent, je les emmènerai à Port.
Mon papa chéri je te supplie de ne pas oublier l’accordeur afin que nous puissions étudier notre piano à Vieux-Thann. Marie voudrait bien que tu rapportes Guy Mannering de Walter Scott[10] afin que nous le lisions à Port, puis le Tableau des Juifs qui est accroché dans notre chambre d’études entre l’armoire et le canapé.
Hier nous avons eu notre leçon d’allemand puis notre leçon de français ; Marthe[11] a passé une grande partie de la journée ici et à 4 heures nous sommes allées au bain avec Jeanne Brongniart elle nous nous sommes énormément amusées. Elle s’est jetée
Adieu père
5 fois moi une seule et du trapèze car je ne suis pas encore assez brave pour sauter du bord. Nous y retournerons probablement demain.
Aujourd’hui nous avons eu notre leçons de piano à midi ½ ensuite tante est partie en voiture faire les courses et Cécile[12] nous a ramenées afin que nous travaillions.
Adieu mon père chéri je t’embrasse de toutes mes forces comme je t’aime, j’en fais autant à bon-papa et bonne-maman[13].
Figure-toi que Mme Roger[14] m’a dit que je nous pourrions probablement aller l’année dans les chœurs aussi je suis dans le ravissement.
Ta fille qui t’aime
Emilie Mertzdorff
Notes
- ↑ Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
- ↑ Paule Arnould.
- ↑ Lucy Arnould, épouse d’Alfred Biver, et Mathilde Arnould.
- ↑ Marguerite Biver.
- ↑ Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
- ↑ Marcel Arnould, 3 ans.
- ↑ Villa construite à Sceaux par Victor Baltard.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards a donné un cours à la ménagerie du Jardin des Plantes.
- ↑ « Tante », Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Guy Mannering roman de Walter Scott, maintes fois réédité depuis 1815.
- ↑ Probablement Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 17 juillet 1875. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_17_juillet_1875&oldid=43232 (accédée le 10 octobre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.