Mardi 18 mai 1875 (A)
Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
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Mon papa chéri, voilà bien longtemps que je ne t’ai écrit malgré toutes mes belles promesses, tu dois bien reconnaître là ta toute petite qui est très active à promettre et un peu paresseuse à exécuter.
Marie[1] va toujours admirablement, elle sort pas mal et hier elle a pris sa leçon de Mlle Bosvy, aujourd’hui elle va recommencer sérieusement son piano.
Tu vas trouver que de Dimanche à Mercredi sans lettre c’est bien long mon pauvre papa, mais là encore, je t’allèguerai le manque de tête, l’heure de la poste nous surprend chaque jour et on dit alors : demain j’y penserai. Les journées passent si vite on ne fait pas la moitié de ce qu’on voudrait faire, et cependant je fais toujours de si beaux projets le soir ; je voudrais me lever de bonne heure et je fais tout juste le contraire. Ainsi ce matin je croyais qu’il était 71/2 et j’ai trouvé que c’était si tard, que je suis restée sous mes couvertures à penser à bien autre chose qu’à mon lever, heureusement que je m’étais trompée d’une heure et qu’il n’était que 7 heures lorsque j’ai fait violence à ma paresse.
Hier il a plu à peu près pendant une heure mais il y a du vent, le temps s’est rafraîchi et le baromètre est à variable.
Dimanche nous sommes allées à la messe de 8 heures et nous sommes restées à la maison jusqu’à 2 heures. J’ai fait mon piano, j’ai lu, Marie a écrit à bonne-maman[2] et oncle[3] a rangé des livraisons. A 2 heures nous sommes montées avec tante[4] chez Jean[5] parce qu’il devait venir dans la journée et que Mme Dumas[6] avait écrit à tante qu’il s’était levé deux fois mais avait toujours demandé à [ ] pendant que nous étions là, il s’est levé encore et est resté levé jusqu’au soir après le dîner. En nous en allant nous sommes entrées chez Mme C. Trézel[7] qui est un peu souffrante et couchée depuis trois jours, elle va partir à la campagne aussitôt après la 1ère communion de Marthe[8]. Nous avons trouvé là, tante Louise[9], Jeanne et André[10] qui nous ont dit que Marthe était à la maison. Nous sommes rentrés peu de temps après et Tante Louise est allée dîner chez Mme Trézel[11] (bonne-maman).
Nous avons reçu chacune une lettre de nos amies[12] très gentille. Je te prierai de leur faire toutes nos amitiés quand tu les verras.
Hier, Lundi, nous avons été immédiatement après le déjeuner commander nos chapeaux passage de l’Orme Delorme, nous sommes rentrées vers midi et nous avons travaillé jusqu’au dîner. Nous avons fini ensuite la Chaîne de Marguerites[13].
Aujourd’hui nous aurons Mlle Poggi[14] à midi ; je ne sais pas si nous irons nous promener, car le temps menace.
[ ] pour attendre les visites qui ne viendront pas. (Je ne sais pas si elle[15] est très fâchée de cette dernière chose).
Comment vas-tu mon père chéri, voilà longtemps que nous n’avons reçu de tes nouvelles ; je voudrais déjà être au mois de Juin pour te voir !
Il n’y a encore rien de décidé pour le bord de la mer, il n’y a pas de maisons à Portrieux[16], Oncle avait pensé aux environs de La Rochelle ou à l’île de Ré parce que M. Edwards[17] a son parcours sur la ligne de Bordeaux mais il paraît que ce n’est pas très joli. Et puis c’est bien loin. Si on ne trouve pas ailleurs nous serons obligés de retourner à Port[18], mais avant il faut chercher, Dieu sait encore si la maison est à louer maintenant que M. Paul Blum est marié. C’est dommage qu’il n’y ait pas de maison convenable pour nous loger tous à Saint Briac. Dis dans ta prochaine lettre si tu serais ennuyé de retourner à Port.
Adieu mon petit père chéri que j’aime, je t’embrasse bien bien fort, ainsi que bon-papa, bonne-maman[19] et oncle Léon[20].
Ta fille qui t’aime beaucoup
Émilie Mertzdorff
Papa je vais te dire quelque chose dont tu ne te serais douté : c’est que je te ressemble au dire de Mme Roger[21]. Tu dois te rappeler aussi que [le cocher] de Portrieux trouvait que tes trois enfants[22] te ressemblaient beaucoup.
Autre chose surprenante, je prends tous les jours [mon eau] d’œuf pourri[23], je n’en sens presque [plus] le goût, je l’aime [même] assez parce qu’en [ ] c’est toujours bon de se rafraîchir. Pauvre papa comme cela doit t’amuser de lire toutes ces bêtises, enfin tu sais c’est ma nature je parle toujours beaucoup et je ne dis jamais rien d’intéressant.
Notes
- ↑ Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Le jeune Jean Dumas.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Louise Ida Martineau, épouse d’Antoine Camille Trézel.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Jeanne et André Pavet de Courteille.
- ↑ Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Charlotte Mary Yonge, La Chaîne de marguerites (plusieurs éditions françaises après la traduction de 1857).
- ↑ Mlle Poggi, professeur de piano.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Saint-Quay-Portrieux, leur lieu de villégiature en 1873.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Port-en-Bessin, leur lieu de villégiature en 1874.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ Léon Duméril, leur fils.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
- ↑ Ses filles Marie et Emilie Mertzdorff, et un enfant alors en vacances avec eux (Jean Dumas ?).
- ↑ Eau sulfureuse (voir lettre du 15 mai).
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Mardi 18 mai 1875 (A). Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_18_mai_1875_(A)&oldid=56944 (accédée le 9 octobre 2024).
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