Mardi 18 mai 1875 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1875-05-18B pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-05-18B pages 2-3.jpg


Mardi matin 18 Mai 1875

Ma chère Marie

Mon intention était de t’écrire hier Lundi, fête[1] et t’écrire bien longuement. je pensais en avoir le temps, puisque & Dimanche & Lundi j’étais seul à la maison. C’était dans mes projets & j’ai fait tout autres choses qui ne se trouvaient pas dans le programme. C’est pour cela, ma toute chérie, ce ne sera qu’un tout petit bout de lettre que je puis t’offrir aujourd’hui.

Mais rétrogradons de quelques jours & voyons un peu ce que j’ai à te conter.

Samedi j’étais à Morschwiller, l’on ne m’y attendait pas du tout, mais l’on a eu du plaisir à me revoir[2], il y avait longtemps que je n’étais plus à cette usine & je n’avais pas encore vu bon-papa[3]. Bonne-Maman[4] va bien, dit-elle, mais en somme, elle n’a pas bonne mine, elle est excessivement maigre & a un fond jaune qui ne me plaît pas du tout. Elle se fatigue trop ; veut tout faire par elle-même, au lieu de compter un peu avec ses forces. Depuis quelques jours Rosalie[5] est à Senones auprès de son frère marié, elle y fait une visite de quelques jours avec son père.

J’ai passé ma journée tant avec bonne-maman à la maison, qu’avec bon-papa & Léon[6] à la fabrique qui ne travaille que peu ; c’est décidément une usine qui a bien de la peine à se mettre en train, c’est toujours d’une végétation pénible.

Il faisait un temps superbe, mais aussi une bonne chaleur pour y arriver.

Bonne-maman se prépare à une lessive & une fois f dans les armoires, elle se dispose à aller passer quelques jours à Besançon[7] ; car l’on espère toujours que M. Soleil[8] soit nommé directeur dans quelque succursale plus éloignée peut-être, & alors il deviendrait plus difficile à se voir, l’on veut encore profiter de ce rapprochement. Si ce voyage lui réussit elle se décidera peut-être plus facilement à aller vous voir ; car ce qui la retient c’est toujours sa santé ; un rien lui occasionne des dérangements, comme tu sais, & il faut qu’elle évite cela autant que faire se peut.

En rentrant, j’ai trouvé l’oncle[9] qui venait de finir sa paye, mais il était bien souffrant & il a eu de la peine à rentrer. Aussi hier & Dimanche il a passé les fêtes dans son lit, j’espère qu’il en sera quitte pour quelques jours de repos ; j’ai passé quelques instants avec lui hier, il souffrait de la tête & sa femme[10] est très occupée à préparer le logement des Stoecklin qui vont arriver dans une 10ne de jours.

Dimanche du matin au soir j’ai rangé un peu mes livres, sans oublier les vôtres, & en somme j’y ai encore passé toute ma journée d’hier. Et il était temps de mettre en ordre toutes mes livraisons, brochures etc. & je n’ai pas fini car il m’en manque & il s’en trouve dans tous les coins de la maison. Aussi le soir étais assez fatigué.

Dimanche j’ai fait visite à Mme Berger[11], j’ai trouvé Messieurs & Dames, elles ils vont bien tous, sauf Hélène[12] qui a de nouveau un bandeau & se trouve être avoir sa joue enflée comme à Conflans[13]. mais l’on espère que ce n’est qu’une suite de froid et de fatigue par la maladie de la grand-mère[14] ; elles ont passé quelques nuits blanches.

C’est [Mlle] Marie André[15] qui est la plus à plaindre de la perte de sa mère.

Nos jeunes messieurs[16] ont profité de leurs vacances pour aller à Strasbourg visiter les environs de Wissembourg & Woerth Reichshoffen ; j’entends que l’on raconte à côté de moi à M. Jaeglé les détails de ce qu’ils ont vu. C’est te dire que M. Jaeglé est maintenant, depuis ce matin, seulement, à son poste, il a va assez bien pour se mettre peu à peu à la besogne. il est grand temps, car il y a bien des choses en retard.

D’ici je n’ai rien de nouveau à te communiquer ; hier Nanette[17] et Thérèse[18] se sont fait conduire par Vogt[19] dans le coupé gris à St Amarin, faire visite à une amie de Nanette, une femme de chambre qu’elle n’avait pas vue depuis 25 ans & qui depuis des années n’existe plus, de sorte que la promenade n’a pas été aussi gaie ; cependant l’on est rentré très contentes.

J’ai gardé la maison pendant ce temps & suis content de la besogne que j’ai faite pendant ce temps.

Il m’arrive rarement d’aller passer quelques instants au Jardin & cependant il est si joli que je m’en fais souvent des reproches.

Cette semaine je pense commencer ma saison de Wattwiller, & pour commencer j’irai prendre les 1ers bains à la source même, plus tard je ferai venir la source ici, ce qui prend moins de temps & est plus agréable. Me voilà déjà à la fin de mon petit papier il me reste que juste la place pour vous embrasser tous comme je vous aime

tout [à] vous  

Charles Mff

La campagne est bien sèche, cependant cette nuit une bonne pluie d’orage [d'un] peu de durée aura fait quelque bien aux prés ; le temps est couvert & il tombera encore de l’Eau dans la journée ou cette nuit. La campagne est bien belle.

J’oubliais de remercier tante[20] pour sa bonté d’écrire en lieu & place de sa grosse fille[21] ; te voilà de nouveau acceptée par le Monde, je comprends ton plaisir à pouvoir faire comme tout le monde.


Notes

  1. Lundi 17 mai 1875 : fête de la Pentecôte.
  2. Charles Mertzdorff est revenu de Paris début mai.
  3. Louis Daniel Constant Duméril.
  4. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  5. Rosalie, domestique chez les Duméril.
  6. Léon Duméril.
  7. Besançon où résident sa sœur et sa nièce (la famille Soleil).
  8. Félix Soleil.
  9. Georges Heuchel.
  10. Elisabeth Schirmer.
  11. Joséphine André, épouse de Louis Berger.
  12. Hélène Berger.
  13. Conflans St Honorine, où elle était en pension.
  14. Marie Barbe Bontemps (†), veuve de Jacques André.
  15. Marie André, la plus jeune fille de Marie Barbe Bontemps.
  16. Georges Duméril et Léon Duméril.
  17. Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
  18. Thérèse Neeff, domestique chez Charles Mertzdorff.
  19. Ignace Vogt, cocher chez Charles Mertzdorff.
  20. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  21. Voir la lettre du 15 mai.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 18 mai 1875 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_18_mai_1875_(B)&oldid=51788 (accédée le 19 avril 2024).

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