Lundi 28 juillet 1879
Lettre de Léon Duméril (Saint-Moritz en Suisse) à son oncle Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Saint-Moritz[1] 28 Juillet 1879
Mon cher Charles,
Voici Marie et Emilie[2] arrivées à Paris en bonne santé d’après ce que nous dit Madame Stackler[3], du reste Emilie était tout à fait remise depuis déjà longtemps, puisque dans votre lettre de Lundi dernier vous nous racontiez qu’elle avait été se promener avec mon père[4] jusqu’à Aspach-le-Haut. Nous espérons bien aussi que votre pied ne vous fait plus du tout souffrir à l’heure qu’il est et que grâce au beau temps dont vous devez jouir en Alsace, comme nous en jouissons depuis 4 ou 5 jours ici, vous pourrez commencer votre saison de Wattwiller. Nous vous remercions bien des détails que vous nous donnez toujours sur Hélène[5], maintenant le moment approche où nous allons avoir le bonheur de la revoir ; notre intention primitive était de partir Samedi prochain, mais pour ce jour-là, ainsi que pour le lendemain les places de la diligence étaient déjà retenues depuis plus de 3 semaines, nous en avons trouvé pour le Lundi matin dans la poste qui passe par l’Albula[6], et nous avons saisi la balle au bond. Cette voiture part de l’Hôtel, malheureusement à une heure bien matinale 4h5 minutes, et nous serons à Coire[7] à 4 heures ou 5 h. Nous coucherons bien probablement à Coire afin de laisser Marie[8] se reposer.
Madame Stackler a été aussi assez souffrante ces derniers temps, mais elle va tout à fait bien en ce moment. Quant à Monsieur Heuchel[9] il paraît qu’il ne souffre plus, mais qu’il a énormément maigri. Nous sommes au courant aussi de l’état de santé de cette pauvre Madame Fillat[10] qui donne beaucoup d’inquiétudes. Marie a très bonne mine. Je ne crois pas qu’elle ait engraissé, mais ce séjour lui a certainement fait beaucoup de bien. Les journées de Jeudi Vendredi et Samedi dernier ayant été magnifiques, nous en avons profité pour faire des excursions en voiture après le dîner.
Le Jeudi nous nous sommes rendus, en compagnie de M. et Mme Pierson[11] (ancienne connaissance d’Albisbrünn[12] retrouvée ici), au glacier de Morteratsch. La voiture vous conduit jusqu’à environ 500 mètres du près du glacier, mais on peut monter sur une petite alpe d’où l’on embrasse une vue admirable sur l’ensemble de ce glacier, c’est ce que nous avons fait et quoique la montée soit assez longue et pénible, Marie l’a gravie en se jouant et sans aucune espèce de fatigue. Vendredi nous avons été seuls dans la vallée de Fex jusqu’au pied du glacier de même nom, et enfin Samedi en compagnie des Lauth[13] nous nous sommes rendus à la Passe du Bernina c’est une longue course qui nous a forcés à partir de Saint-Moritz à 9h le matin après avoir eu toutefois le temps de se baigner et de boire de l’eau. Nous avons suivi la route qui mène à Poschiavo. Arrivés à la Passe 2 400 m l’on trouve une grande auberge appelée l’hospice où chevaux et voyageurs peuvent s’abriter. Le paysage est extrêmement grandiose on se croirait tout à coup transporté au pôle Nord. La route est naturellement frayée, mais la neige existe des 2 côtés sur une bien grande profondeur, et dès qu’elle se trouve fondue par-ci par-là sur un rocher, cette place est couverte de fleurs, en ce moment de primevères roses et rouges, et de soldanelles. Au pied de ce bâtiment nommé l’hospice l’on voit un grand lac, le lago bianco dont les eaux se jettent dans l’Adda.
Ce lac est actuellement encore plus d’à moitié gelé et sur les parties dégelées l’on voit flotter de vraies banquises. Marie, et les Lauth sont restés près de l’auberge, M. Lauth ne pouvant encore beaucoup marcher mais moi j’ai utilisé les 3 heures que nous avions là de disponibles pour aller voir un point de vue magnifique non loin de là sur l’Italie ou du moins sur Poschiavo, le lac de Poschiavo, le Tyrol et le glacier du Palü. Malheureusement cette course qui s’effectue tout le temps sur la neige et qui se termine par une montée d’environ 20 minutes sur une pente neigeuse dans laquelle on enfonce jusqu’aux genoux parfois, est tout à fait impraticable pour des dames. Je suis revenu de là avec un magnifique coup de soleil.
[ ] à lancer une dépêche aux Lauth, pour leur annoncer qu’ils vont arriver ici le 3, et leur demander de s’occuper de leur trouver un logement. Mme Auguste Scheurer-Kestner[14] arrive ici le 1er.
Si le temps continue à être aussi beau M. et Mme Edwards[15] viendront probablement avec vos filles à la fin du mois prochain en Alsace et de là vous vous rendrez sur les bords du lac de Genève, mais c’est un projet encore bien en l’air.
Merci des détails que vous me donnez sur la fabrique. Grâce à ce temps les foins vont être finis, et les journaliers seront rendus à la fabrique.
Marie se joint à moi pour vous envoyer l’expression de nos sentiments bien dévoués et affectueux. Veuillez je vous prie ne pas m’oublier auprès de mes parents[16].
[ ]
Notes
- ↑ Saint-Moritz est une commune du canton des Grisons en Suisse.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff, filles de Charles.
- ↑ Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ La petite Hélène Duméril, fille de Léon Duméril.
- ↑ Le col de l'Albula est situé dans le canton des Grisons, en Suisse.
- ↑ Coire est une ville du canton des Grisons en Suisse.
- ↑ Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Marie Thérèse Hemann, veuve de François Antoine Fillat.
- ↑ Louis Pierson et son épouse Marie Agnès Baudouin.
- ↑ Albisbrunn, station thermale près de Zurich où Marie Stackler-Duméril, a fait une saison en 1878.
- ↑ Probablement Auguste Lauth et son épouse Berthe Scheurer.
- ↑ Céline Kestner épouse d’Auguste Scheurer.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 28 juillet 1879. Lettre de Léon Duméril (Saint-Moritz en Suisse) à son oncle Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_28_juillet_1879&oldid=40487 (accédée le 15 novembre 2024).
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