Jeudi 7 mai 1874
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Jeudi 7. Mai 74
Ma chère Marie c'est à ta tante chérie[1] que je devrais écrire, car c'est elle qui veut bien se charger de la correspondance. Mais puisqu'elle est bonne, comme nous le savons tous & que je sais d'avance qu'elle me pardonnera cette irrégularité, c'est toi que je charge de la remercier & de l'embrasser doublement.
Sais-tu quelle est la morale de ma mauvaise action actuelle ? C'est que l'on est toujours tenté d'abuser des bonnes choses.
Je comprends que le temps vous manque pour votre correspondance & je t'assure non seulement je vous le pardonne bien, mais suis bien content de voir mes chéries aussi ambitieuses dans leur travail & le désir de bien faire. Tante Aglaé sera sûrement aussi de mon avis, je ne parle pas de l'oncle[2] qui nous donne à tous l'exemple.
Hier & aujourd'hui j'aurais dû aller à Mulhouse à 2 enterrements dont l'un est M. Vaucher[3] dont tu as sans doute retenu le nom. l'autre un M. Schlumberger[4]. Mais depuis quelques jours je suis un peu patraque sans être malade & suis resté paresseusement à la maison. Je pense avoir pris froid, j'ai l'estomac un peu en Compote, cependant je mange mais en le ménageant un peu, car il ne se contente pas d'air pur. Par contre j'ai toujours un peu soif & la nuit je dors mal avec quelques petits accès de fièvre, mais si peu que souvent je me demande si c'est bien de la fièvre. Je cours du reste toute la journée ateliers, cours & jardin & cela dès 6h du matin, je me crois quelquefois un peu fatigué mais voilà tout. J'attends le beau temps qui se fait bien attendre & je suis persuadé que je reprendrai avec quelques rayons de soleil le chemin droit que je n'aurais pas dû quitter.
Je ne vous aurais certes pas parlé de ma santé, si je n'avais pas promis à tante de vous informer de la moindre irrégularité & puisqu'il y a promesse, je tiens.
Mais encore une fois ce n'est rien, mon dernier voyage par Nancy m'avait fatigué, comme les autres ne l'ont pas fait. La chaleur puis le froid, tout cela réuni a un peu détraqué la machine, qui je t'assure est encore bien solide & je ne m'en plains pas autrement.
Il y a 3 à 4 jours le Casino de Colmar a brûlé, il est à côté de la maison de Mme de Rheinwald[5], cette dernière a aussi à ce qu'il paraît bien souffert. Ainsi sa petite maison qu'elle s'était réservée qui longe la cour si tu t'en souviens, poulailler, serre etc... tout cela a brûlé. Mlle Elisa[6] est à Colmar dans la maison de tante Zaepffel[7] & cet été Mme de R. avec cette demoiselle Elisa, Marie Z.[8] & la bonne doivent aller passer l'été à Colmar avec tante chez elle, ce qui ne l'amuse pas & elle qui se réjouissait tant d'aller passer quelques semaines tranquilles chez elle aura bien du plaisir promis d'enlevé.
Je viens de recevoir une lettre de tante Z. où elle me parle de sa déconvenue & de sa joie d'aller bientôt vous voir à Paris. Déjà maintenant elle dispose sa maison de Nancy pour la laisser vide cet été.
Puisque je suis aux Incendies ; à Thann la fabrique de Messieurs Paraf a brûlé, il paraît que la population n'a mis aucun empressement à aider à éteindre & que même ce pauvre M.[9] a été insulté par le vox populi, qui le soupçonne, comme il est en mauvaises affaires, de ne pas avoir pris les précautions nécessaires pour éviter l'accident. C'est sans doute une fabrique qui ne sera plus rebâtie & fermera. Depuis quelque temps les affaires continuent à aller toujours mal, plusieurs ateliers se sont fermés.
Dis, je te prie, à tante que cette dernière gelée qui aura sans doute fait énormément de mal, a du même coup gelé beaucoup de mes projets & que je progresserai que très pianissimo à ma réorganisation, car ce n'est pas un agrandissement, bien s'en faut, je réduis au contraire au faire se peut.
Nous travaillons toujours plus pour la France que pour l'Allemagne. Mais trop peu !
Plus de garnison prussienne à Thann, nous ne verrons plus circuler le casque dans ces environs, ce n'est pas comme tu penses une aussi grande déception que pour M. Pulster qui n'a plus ses coreligionnaires à coiffer.
M. & Mme Paul se préparent toujours à déménager pour aller occuper le logement que Mme a loué près Montmorency, ils quittent définitivement l'Alsace fin du mois.
Je crois vous avoir dit que j'étais à Wattwiller mais je n'ai pas vu Jeanne[10] qui était à la 1ère communion de l'Orphelinat de Thann Kattenbach. l'on a fait grand luxe de toilette avec les Enfants, certaines Dames s'en sont trop occupé. C'est du reste ce que j'ai pu constaté à vieux-thann les sœurs & Curé[11] poussent à la dépense pour ce grand jour, aussi était-ce trop bien pour certaines bourses & certaines gens.
Il est midi passé depuis un ¼ h je me presse de t'embrasser si je veux que ma lettre doit aller vous trouver demain Matin, bien de bons baisers à ta petite sœurette[12] Chérie à Oncle & tante de ton père qui t'aime de tout son Cœur.
Charles Mff
Notes
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Edouard Vaucher, décédé le 5 mai.
- ↑ Jean Edouard Jérémie Schlumberger, décédé le 4 mai.
- ↑ Louise Zaepffel, veuve de Camille Charles Auguste de Rheinwald.
- ↑ Probablement Elisa de Rheinwald.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Marie Zaepffel.
- ↑ Probablement Mathias Paraf-Javal.
- ↑ Possiblement Jeanne Heuchel.
- ↑ François Xavier Hun, curé de Vieux-Thann.
- ↑ Emilie Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 7 mai 1874. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_7_mai_1874&oldid=40158 (accédée le 21 novembre 2024).
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