Jeudi 6 mars 1879
Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Jeudi 6 Mars 1879
Voilà bien longtemps que nous n’avons eu de tes nouvelles mon père chéri, et tu nous laisses dans le doute et l’incertitude ayant annoncé dans ta dernière lettre que tu ne tarderais plus beaucoup à nous voir. Tu parles même de venir nous trouver cette semaine, et nous voilà déjà à Jeudi sans avoir reçu aucun avis plus précis : arrives-tu ? n’arrives-tu pas ? J’espère bien que tu n’as aucun empêchement et que nous pourrons t’embrasser dans peu de temps. Il y a si longtemps que tu es parti mon père chéri !
Mais je te fais des reproches de ne pas nous avoir écrit depuis Jeudi dernier sans penser que tu pourrais me gronder avec bien plus de justice car il y a aussi près de huit jours que je ne t’ai écrit et j’ai laissé toute la semaine ce soin à Marie[1]. Je ne sais pas pourquoi je me suis trouvée horriblement retardée pour tous mes devoirs, et pour mon piano j’avais si peu travaillé qu’il a fallu y consacrer trois heures Mercredi avant d’aller à ma leçon, chose que Mme Roger[2] n’aime pas beaucoup ; mais je ne sais pas comment je fais, mais ce qu’il y a de certain c’est que je suis toujours en retard.
Mardi oncle[3] et M. Edwards[4] allaient dîner chez M. Delesse[5] aussi tante Louise[6] nous avait-elle invitées toutes les trois[7] à dîner et nous avons passé une soirée fort agréable avec elle et Marthe[8]. Cette pauvre tante Louise avait déjà déménagé toutes ses affaires et celles de Marthe pour recevoir Mme Camille Trézel[9] avec ses deux enfants et une bonne. Elle a dû est arrivée ce matin, tante a déjà vu M. Camille et nous allons irons dans un instant chez tante Louise. Cette pauvre tante donne sa chambre à Mme Camille, celle de Marthe à la bonne et aux enfants afin qu’ils soient près de leur mère et pour elle, elle s’est dressé un lit dans le salon et Marthe a élu domicile dans la chambre de Jeanne[10].
Hier nous avons été voir Paulette[11] après notre leçon de piano, cette pauvre amie a encore beaucoup souffert ces jours-ci et elle n’a pas bonne mine. C’est bien triste de la voir reprise si souvent ; chaque fois qu’elle va mieux on espère que c’est fini. Le petit Becquerel[12], lui, va beaucoup mieux, on espère pouvoir le sauver : il a deux dents qui percent ce qui explique donne beaucoup d’espoir car c’est toujours une bien grande souffrance pour ces pauvres enfants ; enfin il faut bien que tout le monde passe par là, et jusqu’à présent il n’y a pas encore eu d’exception.
Hier nous avons passé toute notre soirée à couper les pages des titres d’oncle il y en a une quantité énorme, et pour faire passer le temps plus agréablement, oncle nous a lu des comédies de Labiche[13] très drôles.
Adieu mon papa chéri, nous allons chez bonne-maman[14]. Tante est déjà prête et je te quitte non sans t’embrasser de tout mon cœur.
Emilie
Notes
- ↑ Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Achille Delesse.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff, et leur « tante » Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Louise Ida Martineau, épouse d’Antoine Camille Trézel et mère de Henri et Félix Jean Trézel.
- ↑ Jeanne Pavet de Courteille, sœur aînée de Marthe.
- ↑ Paule Arnould.
- ↑ Jean Becquerel.
- ↑ Eugène Labiche (1815-1888).
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 6 mars 1879. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_6_mars_1879&oldid=40141 (accédée le 21 novembre 2024).
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