Mercredi 26 et jeudi 27 février 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1879-02-26B pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-02-26B pages 2-3.jpg


Mercredi 26 /27 février 79

Ma chère Marie sans ta chère lettre reçue hier je ne me doutais pas qu'il y eut un si long silence de ma part. Ce ne sont pas les grandes distractions du carnaval car il a fait un temps abominable, neige & froid avec un vent qui vous transperçait de neige & de froid. Malgré ce temps il y avait foule de [ ] masques, & foule à 5 ou 6 bals à Thann. L'on se demande ces jours où donc est la misère de la veille & du lendemain. Les boulangers se font pâtissiers depuis cette année, je crois, & ne suffisent pas ces derniers jours à satisfaire les gourmands de Vieux-thann. Hier Mardi gras, nous n'avons pas travaillé, c'est du reste chaque année.

Cette semaine rien de particulier, aujourd'hui, Marie[1] est à Mulhouse auprès de son docteur avec Léon. elle ne va pas mal ; hier par ce temps abominable elle a fait ses visites à Bitschwiller bien entendu en voiture
Toute la famille Lomüller qui était ici il y a quelques jours, est avec Georges & sa femme[2] à Sélestat d’où ils doivent revenir aujourd'hui ou demain.

Cette semaine j'ai dû acheter l'ancien presbytère, c'est à regret que je me suis exécuté, mais la commune se serait trouvée endettée & j'aurais toujours dû intervenir, il valait donc mieux avoir quelque chose pour son Argent.
Que vais-je faire de la maison c'est ce que je ne sais pas.
Il paraît que notre voisine la femme [Baechelen][3] la grande maison à côté de l'église est au plus mal. encore une maison qu'il faudra acheter mais alors pour l'usine, dans le temps déjà j'aurais voulu l'acheter.

Du moulin je ne saurais donner que de bonnes nouvelles : bonne-maman[4] est journellement auprès de sa petite fille[5], elle arrive tard & s'en retourne n'importe le temps après 7 h du soir, avec ou sans lanterne il est vrai que bon-papa est de la partie. Hélène aime beaucoup son bon-papa qui sait aussi très bien jouer avec elle des heures.
la petite [Perette] commence à gazouiller & saurait marcher si elle n'avait pas si peur de tomber sur son ... qui est cependant bien rembourré. Mme Stackler[6] est, me dit-on, dans son lit d'hier.

Depuis qu'il fait si mauvais temps Oncle Georges[7] ne sort plus, il a une mine de chanoine, devient toujours plus gros & ses jambes le portent à peine pour faire un tour dans sa chambre. Depuis qu'il n'est plus forcé de venir journellement au bureau, il ne se donne plus assez de mouvement & moi qui prêche je fais beaucoup trop comme lui !

Tous les matins je constate 5 à 6° de froid, jour beau, soleil, sans vent. Mais tout est blanc 20 cm de neige. Aussi nos voitures ne sont pas à Mulhouse aujourd'hui.
Nos deux gérants[8] sont à Mulhouse, ce qui fait que je suis seul maître ce qui ne me va plus du tout. Peu à peu je me suis déchargé de tous les tracas de l'usine & bientôt j'espère qu'il ne m'en coûtera plus de me faire rentier invalide.

Par toute la france il y a des inondations heureusement que le Thuir est tout ce qu'il y a de plus calme & je ne pense pas que la Neige des Montagnes puisse nous donner des inquiétudes même en s'en allant avec la pluie, ce qui est probable, car il faudrait des semaines un soleil comme aujourd'hui pour fondre la couche entière.

Nous avions un commencement d'incendie dans la Maison Coullerez par suite d'accident de pétrole, mais l'on s'en est rendu maître de suite. c'était à 6 h du soir, nos ouvriers sortaient justement. Mais la femme Kohler[9] qui est voisine a eu grande frayeur qui l'a rendue malade.

J'allais oublier que je t'ai écrit hier, il est Midi passé. Je t'embrasse
ton père qui t'aime bien. il compte bien t'embrasser la semaine prochaine
espérons qu'il ne fera plus si froid.
ChsMff


Notes

  1. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  2. Georges Duméril et son épouse Maria Lomüller.
  3. Hypothèse : Walbourg Bucher (née vers 1801), veuve de Jean Baptiste Baechelen.
  4. Félicité Duméril et son époux Louis Daniel Constant Duméril (« bon-papa ») vivent au Moulin.
  5. Hélène Duméril.
  6. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  7. Georges Heuchel.
  8. Léon Duméril et Frédéric Eugène Jaeglé.
  9. Possiblement Christine Augustin, veuve Kohler.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 26 et jeudi 27 février 1879. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_26_et_jeudi_27_f%C3%A9vrier_1879&oldid=62218 (accédée le 22 décembre 2024).

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