Jeudi 30 juillet 1868 (D)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer)
CHARLES MERTZDORFF
AU VIEUX THANN
Haut-Rhin[1]
Jeudi 30 10 h soir.
Je croyais avoir ce soir quelques minutes pour t’écrire un petit mot ; mais j’avais mal pris mon temps. Après & avant le dîner avec Léon[2] nous avons un peu examiné ses plans, vers 3 h l’ami Léon m’a quitté pour prier M. Berger de venir ici, j’avais donc un petit moment pour te dire que j’allais parfaitement bien, que mon dérangement est parfaitement oublié.
Lorsque entrent Georges[3] avec Alphonse Zurcher qui me cherchaient depuis assez longtemps, j’étais dans la maison de ma mère[4]. Impossible de continuer. tu auras reçu ce billet je tenais à le faire partir & que tu ne te mettes pas martel en tête.
L’ami Alphonse est resté fort longtemps avec moi, il continue à être content de sa ferme[5], sa récolte est belle sauf les fourrages qui ont manqué, ce sont surtout les Pommes de terre qui donneront beaucoup.
En fait de ce tubercule j’ai déjà acheté 2 500 sacs de fécule ce sont pour 9 mois d’assurés & crois avoir été très prudent de l’avoir fait, n’en ai aucun regret quoique cela < > un peu de jeu surtout pour le Vendeur, qui est une bonne maison de Paris.
Comme je te le disais, je me suis mis de bon matin à la chose publique. Dès 7 h. j’étais avec le contrôleur à vérifier les patentes & autres. J’ai quitté les Messieurs pour me faire porter à l’hospice de Thann où je suis arrivé très en retard. J’avais < > t’adresser ma prose étudié un peu la question, consulté le code, le droit etc... La commission de l’hospice, le maire[6] en tête, a été très aimable & nous a concédé Tout ce que nous lui demandions. Reste maintenant l’étude des plans, qui ne se fera pas par moi ; La nouvelle réunion sera prochaine.
Ma maison d’école avance, voilà plusieurs jours que je n’y ai pas été faute de temps. Je dirai même pour mon étendage que je n’ai pas vu que de loin en allant aux rames.
Pétrus est ici ; & ce n’est pas petite besogne que de ménager les susceptibilités d’un chacun & tâcher des conflits qui sont toujours prêt à éclater.
La besogne me semble assez bonne & je crois bien que d’ici peu nous serons complètement installés mais cela peut très bien me coûter mon rêve des mille & une nuits. La mer ! Mais soyons fort jusqu’au bout. Je saurai bien mieux cela fin de la semaine prochaine vers le 8.
Nous sommes en retard pour l’organisation du blanchiment des tissus fins, mais l’on va s’y mettre activement. Le hangar près de la fécule n’est pas terminé encore. Autres travaux pressent davantage.
Chez Mme André[7] tout le monde travaille pour moi en ce moment je les presse aussi.
Pourvu que tout cela ait un résultat favorable. J’estime que la dépense à Morschwiller pour cet hiver sera de 80 000 F. J’en ai le double ici, tu vois donc que j’ai bien fait d’avoir une petite réserve qui se fondra plus vite qu’elle n’a fait pour arriver. L’on croit que semer c’est récolter !!!
Mais je m’aperçois que je ne parle qu’affaires à <ma> chère Nie, mon grand chef.
Léon va mieux, bien mieux, j’espère que sa bonne mine reviendra il est toujours bien <à son> affaire se disposant à blanchir le monde entier.
La bonne-Maman[8] va bien aussi, me dit-il ainsi que le Père[9] ; mais tu sais qu’il est très avare de nouvelles de familles de ce genre. Son Cousin Georges[10] a passé par Morschwiller où il n’a fait que coucher, ayant donné rendez-vous à l’un de ses amis d’école Frossard[11] (fils du général du Génie) pour faire un grand tour en suisse, Venise, Trieste, Milan Gêne & Nice.
Toute sa famille est attendue avec lui dans 2 mois.
Chez Émilie[12] j’ai vu par une lettre d’Élise[13], que l’oncle Mertzdorff[14] a pris ma proposition au sérieux, il m’attend à Baden pour revenir avec moi à Vieux-Thann qu’il voudrait encore une fois revoir. Sa femme[15] compte aussi venir à St Amarin & espère ainsi rentrer avec lui. Voilà comme tu vois bien des projets hardis ! pour septembre.
Pour moi il ne peut plus être question d’aller chez Alfred[16]. le 7 ou 8 il aura son ami Lang, pour un mois, nous a-t-il dit ; Si rien n’est changé je ne vois pas comment Julien[17] irait là-bas. Je vois bien mieux qu’il retournera à la Mer <verte> protecteur de l’innocence persécutée & revienne avec vous ou mieux avec nous dans l’ex Capitale du blanc.
Henriet m’a dit ce matin que sa fille[18] à Geis se trouve mieux depuis que son mari est avec elle ; mais il doit rentrer demain & la pauvre petite femme sera bien seule. Cependant M. Charles Baudry[19] de Mullenheim que tu connais bien est fortement atteint de la poitrine sans grand espoir de succès le docteur l’envoie à Geis avec sa petite femme. Il a de forts crachements de sang. Voilà une pauvre dame qui aura bien vite compté ses bons jours !
l’affaire Baudry tombera entièrement à la charge de Charles Zurcher. Alphonse Zurcher m’a aussi annoncé que Juin prochain il quitte les affaires ainsi que son frère pour la laisser aux 2 jeunes[20]. Il pense construire une maison sur l’emplacement du grand Christ qu’il déplace. Ce n’est pas la place que j’aurais choisie mais étant entièrement seul à l’Orenfed il veut être près de sa ferme. La ferme payée il lui reste encore 25 000 de rente. C’est gentil pour un Garçon. Sa sœur[21] achète une maison à Strasbourg qu’il habitera avec elle partie de l’hiver, & elle l’été à la ferme. Il persiste toujours à me payer je n’ai pas accepté. Je lui ai promis de le prendre demain à 2 h pour aller ensemble à la ferme, je tiens à être rentré pour 4 h.
Je ne saurai t’écrire demain passant ma soirée avec mon conseil municipal & comme tu ne saurais te contenter de mon petit billet je me suis donné la place de passer ma soirée avec toi. Qu’en dis-tu ? De jeunes tourtereaux en pleine lune n’en sauraient faire mieux. Entendons-nous, pour ce qui est de la prose !
Je t’ai dit, je crois, que je ne suis plus si content de mon plan Ecole, depuis que j’y place mes meubles, je me heurte à des difficultés grandes. J’aurai besoin de voir à Thann mais cela ne sera pas ce que j’aurais rêvé si j’avais de suite fait la besogne d’aujourd’hui, j’aurais modifié la taille & la forme du bâtiment.
A la taille de mes épîtres tu sauras mesurer les agréments de ma maison. Cependant Thérèse[22] fait l’impossible pour que je sois bien, tout est d’un ordre parfait & mes dîners comme vous n’en avez pas. L’on m’a servi tous les brochets du filtre du Jardin <où> les pauvres bêtes ont trouvé la mort. Dimanche ils ont péri de chagrin faute d’Eau. Les ayant laissés pour compte je ne sais vraiment pas ce qu’elle en a fait.
Son commerce de Légumes va ou ne va pas, je n’en sais vraiment rien. Pour moi je suis carnivore depuis 2 jours. Aujourd’hui j’ai mangé 3 côtelettes de moutons, pour une journée c’est bien <avoue> tu vois pour un convalescent < >
Je vois encore une petite place blanche. Celle-là c’est pour t’embrasser bien bien fort & te dire que tu en fasses autant à Mimi[23] Founichon[24] de la manger pour de bon comme je le ferais si j’étais dans le petit chalet rouge. Manger très fort... Par ce que tu me dis je crois que l’oncle & tante Alphonse[25] ne sont pas toujours convenables[26]. J’écris par ce même courrier à la police pour avoir plus grande surveillance. Amitiés à tous & garde un bon bec pour toi de ton ami qui t’aime < > silence.
L’on dit pour répondre à ta question La vigne très, trop belle, à croire l’oncle[27] nous n’aurons pas assez de tonneaux même avec la Cave du Moulin. Buvons.
Notes
- ↑ En-tête imprimé.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff, décédée en février 1868.
- ↑ Alphonse Zurcher vient d’acheter une ferme à Charles Mertzdorff.
- ↑ Louis Alexandre Henriet.
- ↑ Marie Barbe Bontemps veuve de Jacques André.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Georges Léon Heuchel.
- ↑ Charles Albert Frossard (1840-1901), ingénieur, fils de Charles Auguste Frossard (1807-1875).
- ↑ Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Élisabeth Mertzdorff, épouse d’Eugène Bonnard.
- ↑ Fédéric Mertzdorff, père d’Élisabeth.
- ↑ Caroline Gasser.
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ Julien Desnoyers.
- ↑ Marie Henriet, épouse de Léopold Zurcher.
- ↑ Charles Baudry, époux de Louise de Mullenheim.
- ↑ Probablement Alfred et Léopold Zurcher.
- ↑ Fanny Anne Judith Zurcher veuve du baron Brincard.
- ↑ Thérèse Gross, cuisinière.
- ↑ Marie Mertzdorff.
- ↑ Émilie Mertzdorff.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
- ↑ Voir la lettre des 28-29 juillet.
- ↑ Georges Heuchel.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 30 juillet 1868 (D). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_30_juillet_1868_(D)&oldid=60083 (accédée le 21 novembre 2024).
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