Jeudi 27 octobre 1842

De Une correspondance familiale

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Le Havre) à sa femme Alphonsine Delaroche (Paris)


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Havre jeudi 27 8bre 1842

j’espérais, Ma Chère amie, trouver aujourd’hui une lettre de toi au bureau : il n’y en a pas, mais peut-être en trouverai-je une à mon retour à la côte, où tu l’auras adressée directement, ne pouvant donc te répondre je continuerai de te mettre au courant de mes faits et gestes.

Hier le temps était passablement beau. après être allés faire une petite visite à Mathilde[1] que nous avions laissée au lit la veille, Dorlotant un Rhume de Cerveau et de poitrine, nous la trouvâmes mieux ; mais elle était très faible n’ayant rien pris la veille, il était dix heures et demie : nous avions déjeuné avec Madame DelaRoche[2] et Emilie. mais auparavant M. DelaRoche et moi avions fait une assez grande promenade dans les jardins et sur la côte.

j’oubliais de te dire, pour qu’il ne manque rien à mon récit et que j’aie bien le temps de n’être pas bref, qu’avant-hier soir Elise[3], M. Pochet[4], M. et Madame Rigault[5] étaient venus passer la soirée avec moi et pour moi M. DelaRoche avait organisé un boston qui a commencé tard et s’est prolongé au-delà de onze heures. Emilie n’a pu encore se faire entendre sa jolie voix, étant légèrement enrhumée.

Hier donc je suis descendu à la ville avec ton frère. De là je suis allé chez M. et Mme DuRoveray[6] pour lesquels ayant le dessein d’y faire visite, j’étais chargé d’une lettre d’invitation, pour les engager à venir dîner jeudi à la côte de la part de Madame delaRoche, invitation qu’ils ont acceptée d’une manière fort aimable pour moi.

De là je suis allé chez Madame De Tarlé, chargé d’une pareille lettre pour la Famille. le jeune Camille les quittait hier même pour retourner à Londres. j’ai trouvé Mme Suzette et sa fille[7] parfaitement bien : mais je n’ai pas encore vu M. De Tarlé, qui était absorbé depuis ces deux jours par Le Général Gourgaud[8] en Inspection de Tournée, de sorte que je ne le verrai qu’aujourd’hui au dîner.

en sortant de la Citadelle je suis allé faire une visite chez M. Paul Delessert. je n’ai rencontré que Madame[9] avec laquelle j’ai passé une demie-heure d’une manière à oublier la longueur de cette visite, tant cette Dame est agréable et a paru s’intéresser à tout ce qui nous concerne. son mari n’était pas chez lui ; mais je l’avais vu la veille à l’endroit où les négociants se promènent et qui remplace ce qu’on appelait la bourse aux canons.

je suis remonté à la côte : j’ai fait une visite à Elise chez laquelle je dîne samedi. puis je suis arrivé auprès de Madame DelaRoche qui avait décidé une excursion en char à bancs. nous sommes descendus par un nouveau chemin qui mène à Graville, près de Harfleur. ce chemin a éprouvé des dégradations affreuses par suite des orages qui avaient eu lieu dans la nuit du Samedi au Dimanche. nous sommes descendus en grande partie à pied et la voiture a eu bien de la peine à descendre elle-même à travers les horribles crevasses qui étaient véritablement effrayantes. Nous sommes rentrés en ville et arrivé à la côte, je suis allé faire visite à Madame Rigault qui était en ville ; puis de là chez Mathilde où je suis resté jusqu’à l’heure du dîner qui a été tout à fait en famille.

Le soir Elise et M. Pochet sont venus passer la fin de ce jour qui s’est écoulé en causeries fort aimables.

ce matin il faisait un temps affreux, des orages successifs, de la grêle. Après avoir beaucoup attendu, nous nous sommes décidés à profiter d’une éclaircie de temps mais en route M. DelaRoche et moi nous avons été surpris par une pluie épouvantable. moi, je me suis arrêté au Cercle où je me suis séché et où j’ai lu les journaux.

me voilà ici dans le cabinet de M. DelaRoche, je me suis installé près du feu pour t’écrire. Edmond Comte[10], qui dîne aujourd’hui à la côte en famille, vient d’aller retenir ma place pour Rouen. je partirai Dimanche d’ici. j’arriverai le soir et le lendemain lundi je prendrai le soir la voiture qui me mènera à Amiens où j’arriverai le mardi jour de la Toussaint.

si je n’ai pas de lettre de toi aujourd’hui j’en recevrai une demain j’espère, dans laquelle tu me donneras des nouvelles et de nos enfants[11] et de notre intérieur et j’aime à croire que tu pourras également me parler de toi-même. Tu sais combien tout cela m’occupe et m’intéresse en attendant reçois les tendres embrassements de ton ami

C. Duméril


Notes

  1. Mathilde Delaroche, épouse de Louis François Pochet.
  2. Cécile Delessert, épouse de Michel Delaroche, mère d’Emilie.
  3. Pauline Elise Delaroche, épouse de Charles Latham.
  4. Louis François Pochet.
  5. Alfred Rigot et son épouse Marguerite Duroveray.
  6. François Etienne Duroveray et Elisabeth Delessert son épouse.
  7. Suzanne de Carondelet (épouse d’Antoine de Tarlé) et sa fille Antoinette.
  8. Le général Gaspard Gourgaud (1783-1852), remis en activité après la Révolution de 1830, est inspecteur général d'artillerie.
  9. Pauline Roussac, épouse de Paul Delessert.
  10. Edmond Comte (1824-1884) est le fils de Charles Comte, décédé en 1837, et d’Adrienne Say.
  11. Louis Daniel Constant (et sa famille) et Auguste Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril à sa femme, p. 30-34)

Annexe

A Madame

Madame Duméril

7 rue Cuvier

au jardin du Roi

Paris

Pour citer cette page

« Jeudi 27 octobre 1842. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Le Havre) à sa femme Alphonsine Delaroche (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_27_octobre_1842&oldid=57518 (accédée le 29 mars 2024).

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