Jeudi 23 octobre 1873
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Je viens te dire[1], ma chère fille & amie que j'ai la lettre d'Emilie[2] qui me dit que vous allez tous bien ; pour moi une bien douce joie que de vous savoir en bonne santé, savoir ce que vous faites, & savoir que la tante[3] est toujours contente de ses deux grandes poupées. Je vois que l'activité ne vous manque pas & qu'en attendant l'ouverture du cours[4] l'on travaille tout en allant voir les petites amies.
Hier j'étais à Morschwiller où j'ai trouvé tout le monde en bonne santé ; bonne-maman[5] attend toujours cette visite avec impatience & je n'ai pas besoin de vous dire qu'elle lit avec plaisir lorsque je pense à prendre avec moi quelques-unes de vos lettres. J'étais content de ma visite à la fabrique où l'on commence à travailler, cela marche parfaitement bien & j'espère que nous serons satisfaits du changement que nous avons fait.
Rien ne paraît manqué & marche comme un ancien. J'ai donc quitté Morschwiller assez content & Léon[6] & moi sommes allés à la Bourse de Mulhouse où bien des amis ont été contents de me revoir.
J'ai trouvé les Paul bien portants, ils vont encore rester cet hiver à Mulhouse
C'est extraordinaire le monde qui voyage toujours sur nos chemins de fer c'est à peine si l'on trouve de la place & cependant les convois sont longs. Ce sont surtout les 3es qui sont excessivement bon marché qui sont encombrées. Je ne parle pas des Dimanches où l'on parque le surplus dans des wagons des marchandises.
Les grèves de Thann continuent, me dit-on, ce sont les filatures Jourdain & Lehr & quelques tissages, le militaire est consigné mais il n'y a pas de désordre. tout est calme & restera ainsi jusqu'à ce que la misère force ces gens à rentrer. Il paraît que quelque mauvais plaisant a fait accroire que l'empereur Guillaume[7] va faire mettre les dits fabricants à la porte & enverra des Prussiens pour l'exploitation des usines. Dirait-on que nous vivons au 19e siècle des lumières & dans l'un des Ex Départements les plus instruits de la France !
Cette grève n'a rien d'inquiétant grâce aux Prussiens ! & je quitte sans arrière-pensée de trouble. Je dis que je quitte, je viens en effet m'annoncer en Hollande pour le 28 pour cela je quitterai après-demain Samedi, coucherai à Cologne où nous arrivons, Legay m'accompagne, à 10h soir. le lendemain nous c'est Dimanche, nous arrivons d'assez bonne heure à Amsterdam, où je compte m'installer pour 3 ou 4 jours.
Je laisserai Legay soigner l'emballage & l'expédition des Machines, si toutefois j'en achète, & moi je pense reprendre le chemin de Paris par Bruxelles où je passerai une journée je prendrai un train de Nuit pour vous arriver sans m'arrêter à Lille où j'aurai bien à m'arrêter, mais je laisserai cela pour un autre voyage, j'en aurai assez comme cela. Je serai donc 8 jours sans nouvelles, cependant j'irai à la poste d'Amsterdam m'informer si mes petites filles[8] n'ont pas eu la pensée de m'y adresser une petite lettre. J'y serai pour sûr Lundi Mardi & Mercredi.
J'avoue que ce long détour pour aller embrasser mes filles ne m'amuse nullement, mais je ne dois plus tarder car je risquerai de faire une faute en manquant peut-être une bonne occasion, il est rarement permis, comme tu sais déjà, de consulter son bon plaisir.
Revenons au village, il paraît que notre bon curé[9] n'est pas content de sa jeunesse, ni des filles, ni des garçons, il se donne tant de mal pour avoir un résultat si négatif.
La nouvelle couche sociale se prépare mal & lorsqu'on s'adresse aux parents l'on est fort mal reçu, c'est ce qui est arrivé dernièrement au Curé.
Hier il y a eu une petite fête nationale au village; M. le maire[10] a dû régaler les ouvriers Maçons qui ont construit le pont il n'est pas achevé & ne le sera qu'au printemps prochain, mais l'on passera dessus cet hiver, mais les voûtes sont faites & c'est pour fêter ce grand évènement que l'on a voulu me chercher ; fort heureusement j'étais à Mulhouse.
Embrasse, ma petite Marie, bien fort Oncle & tante[11] ta sœur Emilie & foule d'amitié à Cécile[12]. Tu voudras bien me rappeler au Souvenir de M. Edwards[13] & pour toi ma chérie toute mon affection
ton père qui t'aime Charles Mertzdorff
Je t'assure que je me réjouis bien à l'idée de bientôt vous embrasser. Ce sera pour fin de la semaine prochaine.
Dis à Emilie que l'on n'a pas attendu sa tête de Linotte pour ranger tout ce que l'on a trouvé au Jardin. Depuis quelques Jours il pleut, mais peu & les rivières sont bien petites.
Je vais écrire à Mme Zaepffel[14] ce soir encore pour lui dire qu'il ne m'est plus possible d'aller les trouver à Colmar.
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Le cours des dames Boblet-Charrier.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Guillaume Ier (1797-1888) roi de Prusse, empereur d’Allemagne.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ François Xavier Hun.
- ↑ Thiébaut Zimmermann.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
- ↑ Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 23 octobre 1873. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_23_octobre_1873&oldid=39989 (accédée le 21 novembre 2024).
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