Vendredi 24 octobre 1873

De Une correspondance familiale

Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à son beau-frère Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1873-10-24 pages 1-4.jpg original de la lettre 1873-10-24 pages 2-3.jpg


Vendredi

Mon cher Charles, quel désappointement a apporté votre lettre de Mercredi ; on vous espérant depuis longtemps, il semblait qu'on touchait au moment tant désiré, et en quelques instants il a fallu renoncer au bonheur de vous voir ; aussi vos chères petites filles[1] ont-elles eu le cœur un peu gros en apprenant qu'elles ne vous embrasseraient pas ce mois-ci. Comme elles sont très raisonnables elles se résigneront et font ce nouveau sacrifice, mais la pensée que vous êtes si tristement, si isolé, loin de ce qui vous reste de plus cher fait bien de la peine à vos deux chéries ; et à l'instant Marie me disait combien elle souffrait de vous savoir sans aucune distraction, entouré de si tristes souvenirs[2] et de préoccupations continuelles ; elle craint que votre santé n'en souffre et que vous vous habituiez trop à <vivre seul>. En effet, mon cher Charles votre vie est bien triste et nous sommes bien désolés de vous voir si loin de vos chères fillettes et d'être si impuissants à vous donner quelque bonheur.

Ecrivez-moi bien franchement comment vous vous portez car lorsqu'on est loin on a besoin de savoir l'exacte vérité. On comptait bien sur vous en Novembre et on croyait que vous seriez resté beaucoup plus de 5 ou 6 jours ; enfin les enfants seraient désolées que vous fassiez ce grand voyage pour si peu de temps mais elles espèrent un long séjour pour Décembre.

Je n'ai que d'excellentes nouvelles à vous donner de toutes les deux, elles vont parfaitement et je suis tout à fait contente d'elles de toutes les manières. Marie n'est pas bien rouge mais M. Brouardel et M. Dewulf[3] me disent qu'il n'y a pas à nous tourmenter que c'est un moment à passer et qu'elle reprendra bien le dessus. Du reste, elle ne souffre pas, fait de grandes courses sans jamais être fatiguée ; enfin elle va très bien. Quant à la petite Emilie il n'y a qu'à regarder ses bonnes joues pour être tranquille ; la purgation a arrêté ce petit dérangement qui nous ennuyait déjà à Vieux-Thann, et depuis longtemps elle mange poires et pommes comme tout le monde.

Vous voyez, mon cher Charles que tout marche bien, mais ce dont on aura besoin c'est de vous voir jouir de ces chéries.

Notre bonne mère[4] est un peu souffrante depuis 4 jours, elle a eu de la fièvre amenée par un petit embarras dans le bas du poumon, mais elle va beaucoup mieux et je pense qu'elle pourra <    >

elle m'a chargée ainsi que papa[5] de mille choses pour vous.

Je vous écris pendant que Marie prend sa leçon de piano[6] et qu'Emilie apprend avec activité son histoire. Elles vous embrassent toutes deux bien tendrement.

Alphonse[7] se joint à moi pour vous envoyer nos meilleures amitiés.

AME

Je vous quitte vite car il est l'heure de la poste.


Notes

  1. Marie et Emilie Mertzdorff.
  2. Après le décès de son épouse Eugénie Desnoyers.
  3. Paul Brouardel et L. J. A. Dewulf, médecins.
  4. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  5. Jules Desnoyers.
  6. Probablement avec Mlle Poggi.
  7. Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 24 octobre 1873. Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à son beau-frère Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_24_octobre_1873&oldid=35936 (accédée le 18 décembre 2024).

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