Jeudi 23 avril 1874 (B)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Vieux-Thann le 23 Avril 74[1]
Ma chère Marie
Voilà 5 jours que je vous ai embrassées pour la dernière fois & je ne vous ai pas écrit, aussi suis-je un peu fâché contre moi de ma pauvre paresse qui ne fait qu'augmenter.
En vous quittant de bonne heure Dimanche matin je suis arrivé à la gare une ½ h avant le départ, mais M. Seillière[2] m'avait devancé car il y était déjà ainsi que M. Koechlin avec lesquels j'ai fait voyage. Assez nombreux nous avons fait le trajet en 8 h, sans trop d'ennui, passant en revue le monde politique & des affaires.
A Nancy j'ai trouvé Zaepffel[3] à la station m'attendant & comme il demeure à 2 pas de la station nous étions bien vite auprès de Tante Zaepffel[4] que j'ai trouvée en bonne santé & bonne mine, ces pauvres amis s'ennuient bien un peu à Nancy, l'on regrette toujours la maison & surtout le Jardin de Colmar. Avec cela l'on n'est pas occupé de sorte que la journée est bien souvent trop longue
Après le dîner nous avons passé la soirée chez M. Eugène Zaepffel, ce dernier qui a sa maison & son Jardin sait très bien faire le Jardinier & le temps passe agréablement.
J'ai rencontré Mlle Marie[5] qui est maintenant une jolie grande demoiselle & sa cousine[6] qui n'a que 13 ½ ans et aussi grande que toi sinon plus & d'une force étonnante, elle est à peu près aussi grosse que Jeanne Henriet & plus grande. Mais c'est une charmante jeune fille, bien rieuse & très bien élevée.
Il y avait là aussi le Jeune Edgar Zaepffel, frère de Marie, que vous connaissez & comme vous savez employé des postes, puis soldat volontaire d'un an & maintenant logeant chez son Oncle Edgar jusqu'à ce qu'il soit de nouveau placé dans les postes. C'est un bon garçon, mais il n'est pas bien agréable à l'avoir chez soi & tante Zaepffel sera contente le jour de sa nomination, ne rien faire pour un jeune homme peu instruit est toujours mauvaise chose.
Il y avait là encore M. le Cure de St Léon[7] nouvelle paroisse & nouvelle église charmante encore en construction. J'ai eu du plaisir à me trouver avec ce bon curé dont l'on me parlait souvent & qui a bien des mérites.
Le lendemain devait commencer une vente faite par ces dames de Nancy pour continuer la construction de son église & de laquelle l'on se promettait beaucoup.
J'ai passé une partie de la matinée du Lundi avec ma sœur[8], nous avons beaucoup parlé de vous[9] & ses regrets de ne pas vous voir plus souvent.
Elle est toujours intentionnée d'aller à Paris pour le 25 Mai.
La réunion de Senones a commencé à 2 heures & a duré... comme à 11 h du soir l'on était loin d'être d'accord j'ai quitté ces messieurs se disputant & en rentrant chez les Zaepffel j'ai trouvé ces amis bien inquiets sur mon sort.
Mardi matin j'ai quitté Nancy à 6 ½ h, arrivé à Strasbourg, seul dans le wagon, à midi ½ quitté à 1h & rentré à 6 ½h.
J'étais très fatigué & malgré un bain au son hier au soir je me ressens encore un peu de la fatigue ; cependant je vais très bien, bon appétit, sommeil un peu agité me réveillant souvent.
Je n'ai rien de bien particulier à te dire d'ici, les nouvelles de Morschwiller sont bonnes, Léon[10] vient d'arriver & j'attends M. Paul tantôt j'ai eu la visite de M. Baudry[11] de Cernay, par ces visites je suis un peu long à terminer ma lettre.
Georges[12] fait force teinture aussi a-t-il les mains d'un vrai teinturier, du reste ce travail a l'air de l'intéresser beaucoup.
Nanette[13] est toujours en guerre avec le Jardinier[14], celui-ci avec Jean du moulin protégé de la cuisinière. Je vais faire le Juge de paix, comme dans la question des propriétaires de prés & les usiniers de Cernay, question pour laquelle M. Baudry était ici.
Le Jardin est très beau, tous les arbres en fleurs, peuplés de quantité d'oiseaux, dans la journée grande chaleur, cette nuit une petite pluie.
La campagne est superbe d'après des cultivateurs depuis 20 ans & plus l'on n'a pas vu les champs aussi beaux & si rien ne vient détruire ces apparences nous pouvons avoir une année exceptionnelle
Je te quitte me promettant bien de ne plus rester si longtemps sans vous donner de mes nouvelles.
Embrasse bien pour moi ma petite fille bien aimée[15], Tante Oncle[16] & les grands-parents[17] tout à toi de tout cœur ton père qui t'aime
Charles Mertzdorff
M. Paul vient de venir.
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Frédéric Seillière, de l’entreprise textile de Senones.
- ↑ Edgar Zaepffel, beau-frère de Charles .
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Probablement Marie Zaepffel.
- ↑ Probablement Laure Zaepffel.
- ↑ Alexis Noël (1826-1879), curé de Saint-Léon de Nancy, église construite par l’architecte Léon Vautrin (1820-1884).
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Marie Mertzdorff et sa sœur Emilie.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Probablement Charles Baudry.
- ↑ Georges Duméril.
- ↑ Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Hypothèse : Édouard Canus.
- ↑ Emilie Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 23 avril 1874 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_23_avril_1874_(B)&oldid=60318 (accédée le 22 décembre 2024).
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