Jeudi 18 et vendredi 19 août 1870 (A)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris)
Ma chère Nie
J'ai bien reçu hier Mercredi ta lettre de Mardi ; mais ce qui nous manque ce sont les journaux. Voici 4 ou 5 jours que nous sommes sans aucunes nouvelles. C'est tout ce qu'il y a de pénible que de ne rien savoir.
Nous n'avons pas été à Mulhouse. Zimmermann qui en vient nous dit qu'on ne sait absolument que par les Journaux allemands que l'ennemi a bien souffert à ce dernier combat. Mais les Journaux n'arrivant pas en Alsace l'on ne sait que ce que les Bâlois nous rapportent.
Si donc tu peux me donner un résumé des faits importants du moment, tu vois que cela sera parfaitement bien reçu.
J'ai peine à croire que le prussien puisse résister aux efforts que fait la France, l'on a généralement confiance dans le sang-froid de Bazaine.
Ici il n'y a rien à te signaler ; nuit & jour les mêmes inquiétudes vous obsèdent sans qu'un instant l'on puisse s'en débarrasser. Si je t'écris aussi longuement c'est que ce sont là les seuls petits moments de bon. Je suis avec vous & c'est bien quelque chose.
J'ai reçu hier une lettre d'Edgar[1]. Ne sont appelé sous les armes que les anciens militaires de 25 à 35 ans. & non ceux qui n'ont jamais tenu de fusil. L'instruction que je reçois à l'instant est formelle, j'ai donc de suite envoyé un exprès à Morschwiller. Je le comprends non seulement ces hommes de 30 à 35 ans non mariés sont peu n'ayant pas été militaires sont peu nombreux & à 30 ans apprendre le métier de soldat c'est trop tard. Pourquoi n'a-t-on pas fait apprendre ce métier à tous, étant jeunes ; chacun le saurait & serait à même de défendre la patrie.
Je me demande si notre armée est bloquée autour de Metz ou a-t-elle encore ses mouvements ?
Nous ne savons rien de l'affaire de la Villette[2]. Tout ce que nous recevons ce sont des lettres de gens qui demandent leurs marchandises n'importe comment, écrus ou blanc, sec ou mouillé.
Le chemin de fer ne peut même pas nous donner de houille de Ronchamp où il y a 300 wagons qui attendent qu'on les enlèvent. Tout le monde sera arrêté forcément. Toujours même calme ici pas de troupes de l'autre côté du Rhin, 30 mille suisses à Bâle & environs.
Je vois que tu t'intéresses beaucoup, même de loin, à notre ambulance. Les draps & matelas sont faits. l'on va se mettre aux coussins de dessous mais il nous manque le crin végétal que l'on aura demain.
Les coussins de dessus sont à faire, faut-il les faire de toute la largeur du lit 90 cm, les faire en crin ou plumes ?
Les couvertures ne sont pas du pays. Les aurons-nous, comme les bois de lit ? C'est une question, les chemins de fer ne prennant aucune marchandise.
Depuis le temps que l'on est devant Metz il doit y avoir déjà bien des pertes. L'on m'assure qu'il y a sans les mobiles 50 à 60 mille hommes devant & dans Belfort.
De francs-tireurs 40 à 60 au plus.
D'anciens soldats ayant servi levée de 25 à 35 ans non mariés, il n'y a qu'un seul homme à Vieux-thann. cela ne fera pas une armée si dans toute la France il y a cette proportion (1 à 2 000 habitants)
Le courrier n'est pas encore arrivé aujourd'hui, il a, me dit-on, un retard de 3 h.
Mairel est venu me voir, il a tellement insisté pour me donner à dîner que j'ai accepté pour samedi prochain. L'on n'a pas le cœur de sortir de chez soi !
Il est midi je te quitte en embrassant de tout tout cœur femme & enfants sans oublier tous ceux qui les entourent avec tant de bonté & de sollicitude
tout à toi
Charles M
Jeudi 18 Août
Ma chère Amie
Melcher[3] attend depuis un moment pour la poste.
Je t'ai écrit longuement hier & n'ai pas le temps de te dire
Le curé[4] vient faire visite
Rien de nouveau ici
tout à vous
j'ai reçu ta lettre
tout le monde va bien.
Notes
- ↑ Edgar Zaepffel.
- ↑ Voir lettre du 15-16 août.
- ↑ Melchior Neeff, concierge chez les Mertzdorff.
- ↑ François Xavier Hun.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 18 et vendredi 19 août 1870 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_18_et_vendredi_19_ao%C3%BBt_1870_(A)&oldid=39890 (accédée le 15 novembre 2024).
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