Jeudi 13 juillet 1871

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency)

original de la lettre 1871-07-13 pages 1-4.jpg original de la lettre 1871-07-13 pages 2-3.jpg


Ma chère Nie[1] en vous écrivant hier matin bon-papa[2] est arrivé en toute hâte au grand conseil, pour m'annoncer que la toiture du lessivage s'est effondrée, vers 8 ½ h matin ; heureusement l'on s'en méfiait & les 3 hommes qui y travaillaient on eu bien le temps d'en sortir, de sorte que je n'ai que des dégâts à constater.

Nous avons déjeuné un peu vite & vers 2 h j'étais sur place. bon-papa a si vite fait attelé & est venu ici qu'il n'avait pas pu constater les dégâts qui sont assez considérables & surtout nous arrêtent plus, bien plus longtemps que je ne pensais. Le bâtiment est là comme si un incendie l'avait détruit ; peu s'en faut ; les transmissions sont tordues, coupées, de même les tuyaux, quant aux cuves, il était trop dangereux d'y entrer je n'ai rien pu voir.

L'on a dû déblayer aujourd'hui, pour cela j'ai fait prendre les plus grandes précautions pour que cela en reste là & que nous n'ayons pas encore d'autres malheurs à craindre.

Je pense que cela s'est fait ; j'irai demain matin m'assurer de l'état des travaux & voir combien de temps cela nous prendra pour pouvoir recommencer le travail. Si c'est trop long, voir qui doit en souffrir, envoyer des lettres d'avis pour que l'on dispose de la marchandise que nous ne pouvons plus finir ou voir M Haeffely qui, s'il n'est pas surchargé de travail, peut nous blanchir & nous, finir à Morschwiller.

Je me fais en ce moment l'effet d'une bonne pipe bien culottée, plus rien ne me fait ; le feu, l'eau le tremblement de terre tout passe sans m'altérer beaucoup.

J'ai déjà passé par tant de presses, que j'accepte assez philosophiquement ce qui peut encore venir.

Si Le maître charpentier, qui est un ivrogne intelligent, il aurait pu éviter cela avec quelques pièces de bois, il pouvait nous éviter tous ces désagréments. Mais le pauvre homme est depuis longtemps malade sa fin est même très prochaine.

Enfin le mal est, il faut le réparer tant bien que mal. C'est du provisoire à faire pour 6 semaines, peut-être bien moins de travail.

Bonne-maman[3] avait la lessive elle était toute affairée & avait bien bonne mine. Du reste elle avait beau temps. Comme aujourd'hui le temps était très beau, l'on a pu rentrer du foin en quantité ; le baromètre comme celui de Paris a beaucoup monté. Il fait chaud.

Jean[4] met en couleur tes chambres du grenier. Ce que font tes bonnes[5], j'avoue que je n'en sais rien je les vois toujours occupées.

Ici l'on travaille toujours tous les soirs jusqu'à 10 h & minuit souvent. La besogne se fait bien, régulièrement, sans retard nulle part. Cependant j'avoue que lorsque ce mois d'Août sera passé, je n'en serai pas fâché & serai de bien de la responsabilité plus léger. J'aurais gagné quelque vacance que très probablement, je trouverai encore moyen de ne pas prendre.

Lundi ou Mardi je vais avec Kohl à Sigolsheim voir Monseigneur l'Evêque[6], tâcher d'avoir une solution pour les sœurs de l'orphelinat qui sont tourmentées par tu sais qui. Il faut absolument brusquer la solution ; car s'il ne veut pas nous nous trouverions forcés à nous retourner ailleurs. Si l'on nous laisse les sœurs il nous faudra un aumônier indépendant de la cure, autrement aucune de ces pauvres filles ne peut rester. Quant à l'orphelinat du Kattenbach[7], il paraît que mon jugement sur sœur Jérôme se confirme. Pauvre nature humaine.

Ce matin j'étais chez M. Berger pour affaires communales. j'y ai rencontré Marie[8] qui est une toute grande fille, m'a demandé des nouvelles de vous toutes, des amies[9] en particulier, de leur retour & leur ennui de ne pas les voir depuis si longtemps. Elle m'a dit aussi qu'Hélène[10] a reçu une bonne lettre d'Emilie ce que j'ignorais. La lettre a fait plaisir me dit-on, son auteur doit en être contente.

Il y a toujours peu de travail chez eux & il doit y avoir pas mal de gêne.

Ma chère amie en t'embrassant je te dirai que ma santé est bonne mes yeux ne valent plus ce qu'ils étaient il y a 3 semaines, mais ne vont pas trop mal, après les comptes du mois je vais les laisser un peu se reposer à nouveau. Je n'applique pas encore les compresses, tu vois que ce n'est pas si mal. Je ne me sens pas trop fatigué non plus, ce matin je me suis un peu retiré dans mon cabinet ; mais je n'y étais pas une ½ h que Messieurs Jaeglé[11] & oncle[12] sont venus me rappeler au devoir.

Tu voudras bien embrasser mes petites filles[13], remercier Marie de sa lettre de Mardi reçue ce matin, ne pas t'inquiéter trop de moi, ni d'ici, tout cela allant bien. Tu vois que je te donne les plus petits détails de tous nos faits & gestes & de loin tu peux nous donner ton absolution que nous croyons tous mériter. tout à toi ton ami

Charles M.

le papier te dit que je t'écris de ton petit salon, & ma prose que je vais me coucher.

tout Morschwiller[14] m'a chargé de tant d'amitiés pour tous[15] que je te laisse le soin de la distribution. C'est avec grand plaisir qu'elle a lu toutes les lettres des Enfants.

Pendant mon absence Mme Oscar Scheurer[16] est venue te faire visite & te fait dire qu'elle va faire une absence assez longue. elle a laissé sa carte.


Notes

  1. Lettre écrite sur papier deuil (celui de son épouse).
  2. Louis Daniel Constant Duméril, qui dirige l’établissement de Morschwiller.
  3. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  4. Jean, domestique chez les Mertzdorff.
  5. Thérèse Neeff et Annette, domestiques chez les Mertzdorff.
  6. André Raess (1794-1887) évêque de Strasbourg de 1842 à 1887.
  7. L'hospice du Kattenbach, à Thann.
  8. Marie Berger.
  9. Marie et Emilie Mertzdorff.
  10. Hélène Berger.
  11. Frédéric Eugène Jaeglé.
  12. Georges Heuchel.
  13. Marie et Emilie Mertzdorff (« les enfants »).
  14. Louis Daniel Constant Duméril, son épouse Félicité Duméril et son fils Léon.
  15. La famille Desnoyers.
  16. Catherine North, épouse d’Oscar Scheurer.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Jeudi 13 juillet 1871. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Montmorency) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_13_juillet_1871&oldid=39828 (accédée le 21 novembre 2024).

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