Dimanche 8 décembre 1918

De Une correspondance familiale

Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)

original de la lettre 1918-12-08 pages 1-4.jpg original de la lettre 1918-12-08 pages 2-3.jpg


8 Décembre 18

Mon cher Louis,

Nous avons reçu ce matin la visite de ton brave messager qui nous a remis ta lettre. Nous allons nous occuper de ton fusil et de tes cartouches. Tu te plains que je te laisse sans nouvelles. Cela fut peut-être vrai la semaine dernière, mais, quoique je n’en aie pas tenu note, je crois bien avoir répondu par une petite carte puis par une lettre[1] à ta lettre du 29 et tu n’es plus sans nouvelles de la famille. Je me suis adressée plus souvent à Michel[2] avec qui j’avais des affaires urgentes à traiter au sujet du fanion de sa section, et puis parce qu’il en a peut-être encore plus besoin que toi... Les revers de fortune rendent la pauvreté particulièrement sensible…. Et il a dû être encore bien affecté par la mort de Baleine. C’est affreux ! Justement Michel avait pu le saisir au passage à pendant sa permission et l’avait invité à déjeuner ; il nous avait tant intéressé par ses récits plein d’esprit, et en particulier sur ceux qu’il nous a faits sur notre nouveau neveu de Miribel[3]. Il semble que ce soit tous les meilleurs qui s’en vont, ceux qui promettaient le plus ! La liste en est si longue déjà. Il semblait que, la guerre finie, elle ne devait pas s’allonger encore et cette malheureuse grippe n’a peut-être pas fini de faire des victimes.

Nous avons l’intention d’aller à Vieux-Thann ton père[4] et moi dans une huitaine de jours et à Mulhouse pour y reprendre nos valeurs, si nous pouvions faire passer notre itinéraire par Strasbourg !... mais tout cela est incertain, surtout l’itinéraire par Strasbourg [car] il y a encore de grosses difficultés de sauf-conduits, n’y compte donc pas, mais tiens-nous au courant de tes déplacements le plus exactement que tu pourras et par les moyens les plus rapides, nous en ferons de même. Je pense que, le cas échéant, tu obtiendrais de venir nous voir à Strasbourg.

Ton aimable hôtesse Mlle Audéoud[5] est presque parent ou au moins alliée de la famille de Vassard (le Général de Vassard[6] est lorrain) tu peux lui parler de Françoise Robert de Fréville[7].

Ne sachant plus quel jour je t’ai écrit, je te signale que nous avons vu passer depuis Vendredi matin : Mme Vandame[8], Françoise et René[9] (l’ancien prisonnier) retour de Paramé, partis hier soir pour Lille ; Jacques et Elise[10] revenus de Lille Samedi matin, Jacques reparti ce matin. Vendredi après-midi Cécile Max[11] avec ses enfants pour laquelle ton papa s’est bien démené afin de lui assurer des places, enregistrer les bagages, sauf-conduits & ils ont pu partir hier matin. Enfin ce matin Henri[12] retour de Lille et Hazebrouck. Il va être démobilisé sous peu de jours comme ConseillerGénéral et le Conseil Général met à la disposition de chacun une auto avec autorisation de circuler et essence. C’est charmant. Du coup Lucie[13] va quitter Bègles et s’installer à Campagne (car le Colonel[14] est toujours à Brunehautpré). Elle amènera l’institutrice[15] qu’elle a là-bas seulement du matin au soir, mais qui sera volontiers à demeure. Pierre[16] est en Bochie et s’y trouve très bien reçu, mais il ne dit pas où.

Je t’embrasse tendrement, cher enfant.
Amitiés de ton papa,

Emy

Nous avons reçu hier le cuissot d’un chevreuil qui s’est pris dans un piège au bois de Dampierre où l’on en compte un troupeau de huit au moins.


Notes

  1. Voir la lettre du 5 décembre.
  2. Michel Froissart, frère de Louis.
  3. Fernand de Miribel, époux de Françoise de Fréville.
  4. Damas Froissart.
  5. Thérèse Audéoud.
  6. Henri de Vassart d’Andernay.
  7. Françoise de Vassart d’Andernay, veuve de Robert de Fréville.
  8. Zélia Vandewynckele, épouse de Paul Vandame.
  9. Françoise et René Vandame, enfants de la précédente.
  10. Jacques Froissart et son épouse Elise Vandame.
  11. Cécile Dambricourt, épouse de Maximilien Froissart et mère de plusieurs enfants dont Jean Paul Maximilien Marie Cornil et André Froissart.
  12. Henri Degroote.
  13. Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
  14. Le colonel Robert Bacon.
  15. Il y a 5 enfants Degroote, de 4 mois à 10 ans.
  16. Pierre Froissart, frère de Louis.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 8 décembre 1918. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_8_d%C3%A9cembre_1918&oldid=53646 (accédée le 19 avril 2024).

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