Dimanche 6 novembre 1881 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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6 Novembre 1881

Mon cher Papa,

J’avais commencé à t’écrire hier, mais apprenant que Marie[1] l’avait déjà fait, j’ai préféré remettre d’un jour pour que tu aies des nouvelles un peu plus variées. Ta lettre d’hier est venue un peu nous remonter, que je voudrais donc que la prochaine nous apporte de semblables nouvelles. Je sais bien qu’il faut compter 3 semaines avant de connaître un résultat définitif, mais cependant cet abaissement de température et ce bon repos de notre chère petite malade[2] donne lieu d’espérer que la maladie sera moins grave et moins violente qu’elle ne l’annonçait au début. Nous ne pouvons plus penser à autre chose qu’à elle, qu’à vous tous ; vous devez être si malheureux, si inquiets, surtout les pauvres parents[3] ; mais toi aussi, mon père chéri, je suis sûre que tu partages toutes leurs angoisses et que tu passes des journées bien tristes. Que je voudrais donc pouvoir être auprès de toi ! Heureusement que je n’ai que de bonnes nouvelles à te donner de tous ceux que tu as quittés. Nous avons vu Marie hier chez bonne-maman Desnoyers[4] où nous avons passé un long moment. Notre pauvre bonne-maman est vraiment aussi bien que nous puissions l’espérer ; son voyage ne l’a pas fatiguée et nous la trouvons même mieux que cet été. Elle prend plus d’intérêt à ce qu’on dit et parle aussi plus facilement. Elle a été bien heureuse de voir Jeanne[5] qu’elle ne connaissait pas encore et s’est empressée de lui faire des amitiés. Jeanne de son côté y a très bien répondu.

Bonne-maman et bon-papa Duméril[6] sont en plein déménagement : leurs voitures sont arrivées hier et lorsque nous avons été les voir, à la fin de la journée, tous les meubles étaient déjà montés et presque à leur place mais il leur faudra encore bien des jours pour déblayer toutes les pièces où sont entassés des caisses, des paquets de linge, les tableaux, la vaisselle &&, tu sais ce que c’est qu’un déménagement et quel travail il faut pour en sortir.

On voit que le départ de Vieux-Thann a été bien pénible à bonne-maman et qu’il lui a fallu toute sa raison et toute son énergie pour quitter sa petite Hélène si malade. On comprend bien que cela lui ait coûté ; mais cependant tout le monde approuve qu’elle l’ait fait et en effet elle souffrira peut-être moins étant très occupée ici qu’auprès de sa petite malade où elle ne se sentait pas nécessaire.

Marie t’a annoncé, je pense, que Jeanne était en possession d’une 4e dent et que la 5e était toute prête à se montrer.

J’ai repris Vendredi mes leçons de chant[7] mais elles seront habituellement le Mercredi, et hier mon allemand. Demain je retourne chez M. Flandrin[8], ce sera la 1e séance et je me réjouis bien de recommencer.

Tante Louise[9] part pour Mesnières Mardi aussi Marthe[10] viendra-t-elle se réfugier ici, c’est toujours un bon moment pour moi.

Nous avons été hier soir oncle, tante[11] et moi à l’exposition d’électricité ; étant moins endormie, j’ai un peu mieux compris que la dernière fois. Nous avons entendu le téléphone ; Marthe [  ] être presque dans la salle de l’Opéra, mais l’illusion n’a pas été aussi complète. Il est vrai que nous avons entendu une voix d’homme, tandis qu’elle a entendu une voix de femme et le timbre y fait peut-être quelque chose. C’est égal, c’est merveilleux de pouvoir entendre et apprécier de la musique à une si grande distance on se croit vraiment dans un conte de fées.

Adieu mon Père chéri, il faut bien que je te quitte puisqu’il ne me reste plus que cette petite place pour t’embrasser. Je le fais de tout mon cœur et je t’envoie toutes les amitiés d’oncle et tante.

Ta fille,

Émilie


Notes

  1. Marie Mertzdorff-de Fréville, sœur d’Émilie (voir la lettre de Marie du 4 novembre 1881).
  2. Hélène Duméril, atteinte de fièvre typhoïde.
  3. Léon Duméril et son épouse Marie Stackler.
  4. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  5. Jeanne de Fréville.
  6. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril ont quitté Vieux-Thann pour Paris.
  7. Leçons avec Pauline Roger.
  8. Paul Flandrin, professeur de dessin.
  9. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  10. Marthe Pavet de Courteille.
  11. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.


Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Dimanche 6 novembre 1881 (A). Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_6_novembre_1881_(A)&oldid=39679 (accédée le 25 avril 2024).

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