Vendredi 4 novembre 1881 (B)
Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
4 Novembre
Mon Père chéri,
J’aurais voulu dès hier venir t’embrasser de tout mon cœur pour l’anniversaire du 4 Novembre[1] que nous aimons tant, je sais qu’Émilie[2] t’a écrit et j’espère que sa lettre s’est chargée de nos amitiés à toutes deux. Combien je pense à vous, combien nous vous suivons et vous plaignons ! Quelle cruelle épreuve que cette maladie et que l’on voudrait donc vieillir vite pour arriver au terme ! Nos chers grands-parents[3] nous sont arrivés hier matin quelques instants après ta lettre, de sorte que je n’ai pas eu une trop grande surprise en les voyant, mais rien n’était prêt pour les recevoir heureusement qu’ils ne sont pas difficiles et que comme j’ai (grâce à mon papa chéri) beaucoup de place[4] on a pu vite les installer à peu près. Ils ne sont pas trop fatigués mais bien tourmentés bonne-maman surtout qui a passé une partie de sa nuit à penser à la petite Hélène[5]. Ce matin la lettre d’oncle Léon[6] l’a rassurée et lui a fait du bien, aussi n’ai-je pas parlé de la tienne dont je te remercie de tout cœur et qui était plus alarmante. Merci, mon Père chéri, de m’avoir écrit ainsi, je te conjure de vouloir bien continuer à me donner chaque jour en plus du bulletin adressé à bonne-maman, des nouvelles véritables de la chère petite, nous y pensons tant, je ne peux pas embrasser ma Jeannette[7] sans avoir le cœur brisé en pensant à la pauvre maman[8] d’Hélène ! Quelle cruelle chose que la maladie ! Pourvu qu’elle ait la force de résister à cette terrible fièvre ! Cette petite chérie devient l’occupation unique de nos pensées et pendant que je me dépêche à faire beaucoup de courses et de rangements mon esprit est à Vieux-Thann. Nous débutons mal pour le commencement de notre année ; le jour de notre arrivée il y a eu un petit incendie dans notre maison rue de Constantinople9 et un homme assez gravement brûlé ; ces événements ont bien bouleversé Marcel[9] et pendant ce temps-là on m’apportait du charbon ici et le charretier se blessait fortement la main contre la porte cochère ; tu devines mon tourment et apprenant le soir par Émilie la maladie d’Hélène c’était le complément d’une triste journée. Voilà le soleil qui paraît espérons qu’il va ramener joie et espérance et que le mieux va se déclarer pour la petite malade aimée.
Mon pauvre père je suis sûre que tu souffres bien.
Je t’embrasse du fond de mon cœur comme je voudrais pouvoir le faire réellement.
ta fille
Marie
Jeanne va très bien et perce sa 5ème dent, bon-papa et bonne-maman t’embrassent, ils m’attendant pour partir à l’appartement. encore mille adieux.
Notes
- ↑ Saint-Charles est fêté le 4 novembre.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril (« bon-papa et bonne-maman »).
- ↑ Dans le pavillon de la rue Cassette.
- ↑ Hélène Duméril, atteinte de fièvre typhoïde.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Sa fille Jeanne de Fréville.
- ↑ Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
- ↑ Marcel de Fréville.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Vendredi 4 novembre 1881 (B). Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_4_novembre_1881_(B)&oldid=36046 (accédée le 18 décembre 2024).
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