Dimanche 28 et lundi 29 juillet 1872

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Launay) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

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Launay

Dimanche 28 Juillet

Ma chère Gla,

Depuis ce matin je t'écris dans ma pensée pour te dire notre satisfaction sur la gestion intelligente que vous avez exercée l'année dernière à Launay. Mais il a fallu d'abord examiner tout avec soin et au lieu d'avoir à constater les dégâts des Prussiens, ce sont au contraire les traces de ton passage qui s'offrent à ma vue par l'accroissement du mobilier en quelques objets utiles tels que tables, ustensiles de cuisine et voire même il me semble accroissement en nombre d'objets innommables.

Nous voici parfaitement installés et dans le même enthousiasme que tu sais lorsqu'on revoit Launay ; chacun jouit, admire, les uns d'un côté, les autres d'un autre, c'est que tu ne puisses pas en être mais nous sommes déjà trop contents de la perspective de ce que tu viendras à la mer pour ne pas complètement approuver que tu restes le plus longtemps possible avec Alphonse[1] à Paris.

Maman[2] a écrit à Alfred[3] ainsi tu sais déjà que nous avons fait très bon voyage, sans fatigue, ni chaleur, comme des princes en wagon réservé, que l'omnibus nous attendait et qu'à 5h caisses et bagages étaient défaits et rangés et qu'avant 6h nous dînions d'un appétit excellent avec pot-au-feu exquis (façon mère Michel[4]) haricots verts &. Mais ce que maman n'aura peut-être pas dit c'est que depuis Chartres (midi) je n'avais rien offert à mes aimables compagnons et la bonne-maman et la petite Emilie[5] m'ont taquinée sur la façon admirable de régler les choses pour que la besogne se fasse !

Papa[6] est arrivé à 10h frais et dispos et il se fait du bien dans la <butte>, au grand air en cherchant des petits cailloux !

Charles[7] est à la recherche de l'eau et des serpettes ; avant-hier l'eau a cessé de couler à la cuisine ! et comme vous le dites les branches avancent de tous les côtés, mais c'est bien joli. Le cabinet est en très bon ordre, merci à l'oncle Alphonse, la seule chose qu'on cherche en vain ce sont les papiers de location et d'inventaire & plans de Launay. je crois que vous ne les avez pas vus.

Ce matin à 7h à la messe en omnibus puis jusqu'à 11h soin de ménage à la grande satisfaction de tous, les fillettes[8] sont dans l'enthousiasme du balai, les soins du service de la salle à manger leur appartient en entier, mère Michel aide Cécile[9] à la cuisine et je pense que ça marchera très bien comme cela sans gêne.

Maman désire aller faire un tour je te quitte, cette bonne petite mère est bien triste demain on travaillera, je t'embrasse de tout cœur.

2h Lundi. Chacun est à la besogne, c'est charmant à voir et si tu étais là tu ne resterais pas en arrière, aussi personne n'a le temps long, et notre bonne petite mère est bien ce matin, son œil va mieux, un peu d'eau de rose suffit, je pense qu'un peu de poussière de houille lui sera entrée dans l'œil hier Samedi pendant le trajet. En ce moment je l'ai laissée au lavoir donnant une leçon à nos deux nouvelles servantes, il s'agissait de faire disparaître les petites places sales aux chemises et aux bas && et je t'assure que la bonne-maman et les petites filles y mettent du cœur, elles n'y vont pas de main morte, il n'y a plus que ces dernières qui s'acquittent de la besogne, les gens d'âge inspectent de l'autre côté du lavoir. Charles va descendre à Nogent, M. Dugué est malade dit-on. Hier on ne s'est pas occupé d'affaires, maman et moi avons seules reçu la visite du fermier[10], et, comme on est en pleine moisson on n'aura pas le temps de venir bavarder à la cuisine. Le bout du corridor est splendide, une bonne besogne de faite, merci à ceux qui y ont présidé.

Maman me charge de te dire que ta lettre nous a fait bien plaisir que nous sommes bien heureux de te savoir si reposée en deux jours. Il va falloir écrire à Mme Clavery[11] pour la complimenter ! Pour le fil ne te tourmente pas, j'en ai suffisamment. Si Alfred vient tu lui en mettras dans la poche. Dis-lui qu'on sera très content de le voir et qu'on lui servira du lapin au serpolet et des fraises des bois matin et soir !

Les autres fruits sont absents cette année. J'ai oublié de parler à Mme Charrier[12] de Mlle Augusta[13], je suis au regret, elle m'avait donné une petite note. Elle gagne 12 000 F ; sait le français et l'Allemand ; a ses diplômes ; a été sous-maîtresse 6 ans en Allemagne et institutrice depuis 10 ans dans deux maisons.

Adieu ma Gla, Marie t'envoie cette petite bruyère qu'elle a redescendue de la butte à ton intention hier. Papa, maman, Charles et les 3 autres[14] t'embrassent sans oublier Alphonse

Eugénie M.

Écris-moi


Notes

  1. Alphonse Milne-Edwards.
  2. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers (« la bonne-maman »).
  3. Alfred Desnoyers.
  4. Louise Jeanne Françoise Peltier, épouse de Louis Michel Pieaux.
  5. Emilie Mertzdorff.
  6. Jules Desnoyers.
  7. Charles Mertzdorff.
  8. Marie et Emilie Mertzdorff.
  9. Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
  10. Probablement Michel Victor Ménager.
  11. Amica Le Roy de Lisa, veuve d’Amédée Clavery ; son fils, Paul Clavery, vient d’avoir un 4e enfant, Berthe.
  12. Caroline Boblet, veuve d’Edouard Charrier.
  13. Mlle Augusta, institutrice des petites Berger.
  14. Eugénie Desnoyers et Marie et Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Annexe

Mlle Augusta

Pour citer cette page

« Dimanche 28 et lundi 29 juillet 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Launay) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_28_et_lundi_29_juillet_1872&oldid=39592 (accédée le 27 avril 2024).

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