Dimanche 17 et lundi 18 mars 1872

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers (Paris ou Montmorency)

original de la lettre 1872-03-17 pages 1-4.jpg original de la lettre 1872-03-17 pages 2-3.jpg


Vieux-Thann

Dimanche soir

Ma bonne petite Mère,

Je ne sais pas à qui de vous j'ai écrit en dernier ? enfin Aglaé[1] prendra sa part de ce bavardage et tout s'arrangera. J'ai reçu ta bonne lettre datée de Montmorency je te vois toujours bien active, voici un temps fait exprès pour ta santé et pour tes travaux. Ici les arbres poussent, feuilles, fleurs, tout va arriver comme le marronnier du 20 Mars, c'est un véritable printemps, on se serait crû aujourd'hui à la fin du mois d'Avril ; les enfants[2] ont joué au jardin et ce soir nous sommes sans feu.

Si je cherche les évènements du jour je trouve 3 carpes qui ont eu l'audace de se sauver dans le canal... mais qui ont été reprises à l'issu de la grand'messe, la visite de Léon[3], et à 5h une partie de croquet qui a été gagnée par Emilie.

Charles[4] est toujours dans ses combinaisons[5] pour arriver à se rendre un peu libre, mais comme je vous l'ai écrit, il n'y a encore rien de décidé, aussi comme nous ne disons rien, les imaginations et les langues marchent ; un jour on nous croit partis, un autre, la fabrique est vendue, un troisième c'est encore autre chose && il faut laisser les gens s'amuser si cela leur plait, et puis on comprend que ça intéresse le village. Voilà les petites nouvelles.

Les Duméril[6] que nous avons vus cette semaine, m'ont chargée de leurs meilleures amitiés pour vous tous et pour toi et Aglaé en particulier, ils vont bien. Mme Fröhlich[7] a écrit à Mme Duméril en disant qu'elle est souffrante et ne jouirait pas bien d'elle en ce moment et préfère qu'elle remette sa visite à cet été. Mme Duméril n'ira donc pas à Paris maintenant.

Notre jardinier[8] part demain, l'autre[9] entre Mardi.

J'ai fait emballer les plantes à tubercules comme nous en sommes convenus. Le panier est ainsi rempli : « Les cannes ordinaires (environ 80 pieds) sont au fond du panier ; les cannes pour bordures sont dessus, séparées par la mousse et une feuille de papier ; puis les dahlias et les caladiums dessus. » Voilà la note que m'a remise le jardinier ; car au moment où il allait emballer j'ai été empêchée d'assister. Je ne sais quel jour ce panier partira, mais il n'y a rien de perdu. Je ne veux pas le donner au jardinier partant qui s'en va cependant tout près de vous (chez Duval, en attendant qu'il puisse retrouver une place m'a-t-il dit.) Car ce n'est pas une visite agréable pour toi, ni pour ton monde. Avec les camélias si je puis arriver à t'en envoyer je mettrai des graines de reine-marguerite.

Le 22 grandes fêtes en Alsace en l'honneur de Notre empereur Guillaume[10] ! les illuminations sont d'ordonnance ; mais comme on ne trouvait pas un marchand voulant vendre des lampions, le journal local annonce qu'un marchand est venu s'établir et qu'on trouvera à acheter lampions et drapeaux à telle adresse, et même qu'on pourra louer ces derniers ! Les options sont considérables à Mulhouse, mais cela déplait aux Prussiens et on ne laisse plus les ouvriers venir par bandes comme ils avaient commencé à faire.

Demain nous reprenons nos travaux de classe[11] ; en plus, si cela vous intéresse, on tirera une pièce de vin, puis Mercredi et Jeudi on fera la lessive des rideaux, la vraie lessive ne se fera qu'après Pâques.

Voilà Charles qui remonte, il est 10h passées, bonsoir, ma bonne petite Mère, que je t'embrasse bien fort, en te disant que comme toi je pense à notre si regretté Julien[12], le cher enfant que Dieu nous a enlevé, que son doux souvenir ne nous quitte pas. Je ne te dis rien pour Papa[13], Alfred[14], Aglaé, Alphonse[15] tu sauras bien les embrasser pour nous.

Comment va Constance[16] ? Et Frédéric[17] ?

Bonsoir, chers Amis, de bonnes amitiés de nous quatre.

E. Mertzdorff

Lundi matin 1h

Bonjour, chère Maman, Comment vas-tu ? Tu dois être à Montmorency, nous t'embrassons de tout cœur.

Voici la pluie.

Nous allons tous bien.

Dis à petit Jean[18] que les cigognes sont installées sur leur nid et que ses amies[19] l'embrassent


Notes

  1. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  2. Marie et Emilie Mertzdorff.
  3. Léon Duméril.
  4. Charles Mertzdorff.
  5. Charles Mertzdorff a un projet d’association avec Frédéric Seillière.
  6. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  7. Eléonore Vasseur, veuve d’André Fröhlich.
  8. Probablement Gustave, jardinier chez les Mertzdorff.
  9. Édouard Canus.
  10. Guillaume 1er  (1797-1888), roi de Prusse (1861-1888), empereur d’Allemagne (1871-1888).
  11. Le cours par correspondance des dames Boblet.
  12. Julien Desnoyers (†).
  13. Jules Desnoyers.
  14. Alfred Desnoyers.
  15. Alphonse Milne-Edwards.
  16. Constance Prévost, épouse de Claude Louis Lafisse.
  17. Frédéric Duval.
  18. Jean Dumas.
  19. Marie et Emilie Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 17 et lundi 18 mars 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers (Paris ou Montmorency) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_17_et_lundi_18_mars_1872&oldid=60302 (accédée le 18 décembre 2024).

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