Dimanche 16 et mardi 18 janvier 1859
Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa cousine Adèle Duméril (Paris)
16 Janvier 1859
Voilà bien des jours, ma chère Adèle, que je veux prendre la plume pour causer un peu avec toi et te remercier de tes bonnes lettres qui m'ont fait tant de plaisir ; mais, comme tu le comprends, j'ai eu à écrire à bien des personnes pour le jour de l'an, cette année et c'est ce qui m'a empêchée de m'adresser à toi plus tôt. Aujourd'hui, Dimanche, je suis tranquille et vais me dédommager un peu. Je te dirai qu'ici, les Dimanches sont tout différents de ceux de Paris, c'est le jour de solitude et de calme pour nous. D'abord, le matin nous allons en ville à 7 h. 1/2 pour la messe, et nous partons presque de nuit, lorsque nous revenons, nous trouvons nos messieurs réunis pour la chasse et nous ne les voyons guère qu'un instant ; à midi nous dînons une fois chez Emilie[1] et une fois chez maman[2] nous ne sommes généralement que nous trois dames, et encore est-ce aujourd'hui notre dernier Dimanche de réunion puisque les Zaepffel nous quittent Mardi au plus tard. Vers trois ou quatre heures nos chasseurs rentrent mais bien fatigués et il est rare qu'à 9 heures ou 9 heures 1/2 nous ne soyons pas tous couchés. Je te donne ces détails parce que tu m'as dit si gentiment que tout ce que fais t'intéresse ; je voudrais bien, va, que tu visses Vieux-Thann et notre habitation où j'ai tant de plaisir déjà maintenant ; nous avons acheté en grande partie nos ustensiles de ménage et de cuisine, vaisselle etc., puis maman et moi nous avons confectionné bien du linge de maison, draps, torchons, tabliers, nappes et c'est une bien grande jouissance pour moi de ranger tout cela dans les armoires et d'organiser un peu notre ménage. Puis je m'occupe de ma layette ; il y a une jeune dame de Thann dont la petite fille a six mois et qui vient de me prêter beaucoup de modèles que je vais me mettre à copier mais tout ce que je ferai sera très simple car Charles[3] a prohibé les broderies et j'ai eu grand peine à obtenir la grâce de toutes petites dentelles car enfin il faut bien quelque chose pour entourer une petite figure d'enfant, pourtant je l'approuve tout à fait dans ses projets d'élever notre enfant le plus simplement possible, et sur ce sujet comme sur tous les autres, du reste, nos idées sont bien absolument les mêmes.
Vous avez dû éprouver un grand mécompte en voyant votre comédie remise et je suis sûre que cette pauvre Mme Desnoyers[4] était toute attristée de vous priver de ce plaisir ; il faut bien espérer qu'avec de bons soins comme ceux que savent lui donner ses filles[5], elle ne tardera pas à se remettre et que cette vilaine indisposition ne la tourmentera pas tout l'hiver comme d'autres années. Je pense que tu continues à voir de temps en temps Antonine[6] et Emilie[7] tu leur diras bien des choses amicales de ma part, je te prie. J'ai appris, avec chagrin pour vous, que Louise allait se marier ; d'après ce qu'on m'a dit de son futur, pour elle, j'en suis contente ; dis-lui je te prie que je prends bien part à ce grand événement et que je fais beaucoup de vœux pour son bonheur. Il paraît que tu t'occupes beaucoup de tes poules, d'après ce que m'écrivent papa et maman[8] ; as-tu beaucoup d'œufs ; les nôtres pondent de temps en temps malgré le froid et la mauvaise exposition où elles se trouvent ; mais au printemps nous allons avoir un nouveau poulailler bien mieux situé et comme le ruisseau le traversera nous y aurons aussi des canards et un réservoir à truites.
Je sais que tu as continué cette année tes leçons avec M. Blondel ; que faites-vous ensemble maintenant ? je suis sûre que tu l'aimes toujours bien et que tu dois trouver ses leçons de plus en plus intéressantes ; c'est ce qui m'est arrivé à moi ; j'avais justement ton âge quand j'ai commencé à travailler avec lui et pendant ces trois années qu'il est venu à la maison, j'ai trouvé de jour en jour plus d'intérêt à mes études. Tu me rappelleras je te prie à son souvenir, car je lui ai gardé bien de la reconnaissance pour les peines qu'il s'est données. < > aller chez M. Bodin ; combien fais-tu de piano par jour ? Je suis sûre que maintenant tu y prends goût car enfin tu vas bientôt devenir ce qu'on appelle une jeune personne et c'est justement à ton âge qu'on prend intérêt et plaisir à <tout ce qui> instruit.
Mardi matin
Figure-toi que j'ai été interrompue dans ma lettre sans pouvoir la reprendre et aujourd'hui que les Zaepffel nous quittent dans quelques heures, je suis obligée de te quitter dire adieu à la hâte. Sois l'interprète de tous mes sentiments de respect et d'affection près de bon-papa[9], de bonne-maman[10] et de tes chers parents[11], et reçois pour toi-même, ma chère et bonne petite Adèle, avec l'assurance de ma tendre amitié, quelques bons baisers comme j'aurai tant de plaisir à t'en donner encore.
Ta toute dévouée
Crol
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, belle-sœur de Caroline, a épousé Edgar Zaepffel le 7 septembre 1858 ; le ménage doit s’installer à Colmar.
- ↑ Marie Anne Heuchel, belle-mère de Caroline, veuve de Pierre Mertzdorff.
- ↑ Charles Mertzdorff, époux de Caroline.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Eugénie et Aglaé Desnoyers.
- ↑ Antonine de Gérando Teleki.
- ↑ Probablement Emilie Sergent.
- ↑ Louis Daniel Constant et Félicité Duméril.
- ↑ André Marie Constant Duméril.
- ↑ Alexandrine Cumont, veuve d’Auguste Duméril l’aîné.
- ↑ Auguste et Eugénie Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 16 et mardi 18 janvier 1859. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa cousine Adèle Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_16_et_mardi_18_janvier_1859&oldid=58212 (accédée le 9 décembre 2024).
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