Lundi 14 février 1859

De Une correspondance familiale

Lettre d’Isabelle Latham (Le Havre) à sa cousine Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Lundi 14 Février 1859 Havre

Quoique j'aie fort peu de temps aujourd'hui, ma chère Caroline, il faut que je t'écrive quelques lignes pour te remercier de ta bonne lettre du mois dernier, et te dire le plaisir que j'ai eu à recevoir de tes nouvelles directement. Je m'en veux de ne t'avoir pas déjà répondu, mais tu le sais si même on n'écrit pas on ne pas moins, aux et je t'assure que si tu avais une petite lunette, ce ne serait pas rare que tu me visses par la pensée auprès de toi. Comme ta nouvelle habitation doit être fraîche et jolie, j'espère une fois que je t'y verrai.

Tu auras appris notre petite escapade à Paris, si tu savais combien il a moins de charmes pour moi, maintenant que je t'y trouve plus. Je regrette tant de ne jamais t'y trouver maintenant. Il faut que je me contente d'avoir de tes nouvelles en détail par ta mère[1] mais ce qui ce qui me fait grand plaisir mais c'est bien différent que si je te voyais. Quand iras-tu à ta chère capitale, et ton beau projet de normandie l'accompliras-tu cette année, ou bien est-il aussi tombé dans l'eau. Cela me semble si étrange de penser à toi comme madame et maîtresse de maison ; mais ce qui me paraîtra encore bien plus drôle c'est que je m'imagine ma vieille Crol mère de famille ; ce qui ne tardera pas pourtant.

Tu me demandes si je danse beaucoup, jusqu'à présent je n'ai été qu'à un seul bal, car nous sommes en deuil de mon oncle Willent[2] depuis le commencement de Janvier. Ma pauvre tante Willent est bien éprouvée voilà qu'en moins de sept mois elle perd sœur, fille et mari.

L'hiver est assez gai ici, il y a eu plusieurs soirées entre autre un bal superbe la semaine dernière chez Mme  Gustave Quesnel[3], on en a dit que c'était très gai. Marie Labouchère que je vois toujours chez souvent s'y est beaucoup amusée. Ils doivent donner une soirée bientôt les Labouchère, je pense que j'irai j'aurai alors une couronne de camélias blancs et de violettes de parme ne crois-tu pas que ce sera joli. La serre est charmante en ce moment, il y a surtout des camélias ravissants.

Nous avons eu un bal superbe le 11 décembre donné par les jeunes gens, tu en auras sans doute entendu parler, Émile et Georges[4] étaient au nombre des commissaires ; c'était superbe je m'y suis beaucoup amusée, mes cousines étaient encore ici, j'étais bien contente de les avoir, on s'amuse toujours plus mieux quand on est plusieurs que seule. La salle de Frascati était très joliment décorée, nous avons un bon orchestre et le tout a très bien réussi.

J'ai toujours mes mêmes maîtres, je peins maintenant des fleurs, j'aime bien cela ; mais ce que j'aimerais pouvoir faire une fois ce sera de peindre des figures.

Nous avons de bonnes nouvelles d'Edmond[5] il est maintenant à la nouvelle-Orléans, il se plait beaucoup en Amérique, j'espère pourtant qu'il n'y restera pas trop longtemps et que nous le verrons en Juin. Il est là-bas en pays de connaissance tu sais qu'il est parti avec M. Hamilton, et il a retrouvé là Frédéric Testu[6] et d'autres.

Tous les Delaroche[7] vont bien, la dernière petite est très mignonne, Matilde[8] a beaucoup grandi, elle est toujours bien gentille, et elle prend un petit air demoiselle qui lui va très bien. Mlle Pilet[9] te fait dire ses amitiés et comme moi elle fait mille bons vœux pour le futur petit baby ; nous serons bien heureux d'apprendre son arrivée, cela nous a fait grand plaisir d'apprendre par ta mère que tu allais bien. Adieu ma chère Crol, je t'embrasse de cœur. Ton affectionnée cousine

Isabelle

Lionel[10] te fait ses amitiés et t'embrasse, il fait un musée en ce moment et il a une collection de vieilles et sales coquilles et médailles qui lui sont très précieuses.

Je crains que ton titre dame ne m'effraie pas assez et que je te griffonne aussi mal que lorsque tu étais mademoiselle. Indulgence pour ton incorrigible cousine.

Nos souvenirs affectueux à M. Mertzdorff[11], j'espère que nous tarderons pas à faire plus ample connaissance.

Ta mère t'a-t-elle dit que nous avons perdu Mlle Anthoine elle se fait religieuse, nous le regrettons beaucoup, elle était si gentille. On ne comprend pas cette décision, tout le monde est étonné elle était si nécessaire à sa pauvre mère.

Le rocher est bien nu, les fougères sont flétries mais il a été charmant cet été comme lorsque nous y étions te rappelles-tu les charmants moments que nous y avons passés ensemble.

Tu te rappelles de mon cousin Ernest Latham, il a passé quelque temps ici sans son ami <Craven>. Il m'a demandé des nouvelles de Caroline. Vraiment je ne te respecte pas assez madame, je te griffonne trop de bêtises, mille pardons et pense quelquefois à ta cousine qui t'aime bien (IL)


Notes

  1. Félicité Duméril.
  2. Probablement, l’un des beau-frères de Charles Latham. Celui-ci a trois sœurs qui ont épousé des hommes d’affaires ou banquiers anglais.
  3. Marie Claire Chaussé, épouse de Gustave Quesnel.
  4. Émile et Georges Pochet, cousins d’Isabelle Latham.
  5. Richard Edmond Latham, frère d’Isabelle, est âgé de 22 ans.
  6. Branche de la famille Duméril : la sœur aînée d’André Marie Constant Duméril a épousé Augustin Testu. Ils ont eu plusieurs enfants, dont Frédéric.
  7. Enfants de Michel Delaroche et de Cécile Delessert, décédée en 1852.
  8. Louise Matilde, née en 1844, est une fille de Matilde Delaroche et de Louis François Pochet.
  9. Mlle Pilet est gouvernante chez les Latham.
  10. Lionel Henry Latham, né en 1849, est le jeune frère d’Isabelle.
  11. Charles Mertzdorff, mari de Caroline.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 14 février 1859. Lettre d’Isabelle Latham (Le Havre) à sa cousine Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_14_f%C3%A9vrier_1859&oldid=60910 (accédée le 21 novembre 2024).

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