Vendredi 9 juillet 1875 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à sa petite-fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1875-07-09B pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-07-09B pages 2-3.jpg


Morschwiller 9 Juillet 1875

Ma chère petite Marie,

Je trouve qu’il y a bien longtemps que je n’ai écrit à mes chères petites-filles[1], mais elles savent fort bien que d’écrire ou ne pas écrire n’influe en rien sur mes sentiments pour elles, sentiments qui sont tellement vifs que sans cesse toutes deux sont présentes à mon esprit avec leur chère tante Aglaé[2], cet ange que Dieu nous a envoyé dans nos malheurs[3]. Vous voilà, mes chères enfants, arrivées au terme de l’année dont le travail[4] soutenu vous fera goûter le temps des vacances si indispensables après le travail.

Cette année, outre les connaissances acquises, a encore bien développé le moral de mes chères petites qui prennent peu à peu sous l’égide de leur tante, l’expérience de la vie sans que cela nuise en aucune façon à l’aimable gaîté de la jeunesse. Enfin nous sommes bien contents de nos chères petites et impatients de les voir avec leur tante et leur oncle[5].

Il y a quinze jours que je suis de retour de Besançon. Ce petit voyage qui a parfaitement réussi me laisse de doux souvenirs. On m’a bien gâtée, ma sœur[6] a voulu absolument louer une voiture afin que je puisse sans me fatiguer, connaître les environs de Besançon qui sont très remarquables par les divers sites qu’ils présentent. Nous avons visité les ruines d’anciens châteaux, admiré les bords du Doubs et toute la campagne qui est parfaitement cultivée. Tous les enfants ont été bien gentils pour moi, et ta petite filleule[7] est des plus gracieuses fort avancée pour son âge. Quand on lui parle de sa marraine[8] elle écoute attentivement et ne perd rien des paroles qu’on dit. Le soir nous jouions aux petits jeux, elle voulait se mêler à la partie et n’entendait pas qu’on se mît sur le petit fauteuil que tu lui as donné. Tu aurais ri en voyant l’entrain de Léon[9] qui travaille fort bien et fait des progrès marqués. Le Corbillon étant le jeu favori, Léon eut l’idée de se munir du dictionnaire, il sautait de joie en lançant ses mots terminés en on, puis on terminait par une ronde dans laquelle figurait la petite Louise qui est ravissante le soir quand elle cherche à se déshabiller, quant au petit Auguste[10] c’est un bel enfant toujours disposé à rire quand on lui parle. Il faut voir ma nièce Adèle[11] de près pour bien apprécier sa valeur, c’est une femme aussi capable que modeste. Ma chère sœur m’a promis de venir nous voir cette année lors du séjour de mon frère[12] ici, ce dont je me réjouis bien d’avance.

Tu as su le nouveau grand malheur survenu dans la famille Delaroche par la mort de Julie Kablé[13]. Cette jeune femme qui était charmante laisse trois enfants[14] dont le dernier n’a que deux ans. Adieu mes chères bien chères petites-filles nous vous embrassons comme nous vous aimons ainsi que votre tante, votre oncle et votre bonne-maman[15].

Félicité Duméril.

Mes meilleures amitiés à vos bonnes tantes Dumas[16] et Pavet[17].

Je ne parle pas à mes chères petites de leur bon père[18] qui va fort bien.

Que de désastres, que de calamités causés par le débordement de la Garonne[19] !


Notes

  1. Marie et sa sœur Emilie Mertzdorff.
  2. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  3. Le décès de Caroline Duméril puis Eugénie Desnoyers, première et seconde épouses de Charles Mertzdorff.
  4. Travail au cours des dames Boblet-Charrier.
  5. Alphonse Milne-Edwards.
  6. Eugénie Duméril, veuve d’Auguste Duméril.
  7. Louise Soleil, 3 ans.
  8. Marie Mertzdorff.
  9. Léon Soleil, 7 ans.
  10. Auguste Soleil, 6 mois.
  11. Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil, mère de Marie, Léon, Pierre, Louise et Auguste Soleil.
  12. Charles Auguste Duméril.
  13. Julie Delaroche, épouse de Charles Kablé.
  14. Dont Margueritte Kablé.
  15. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  16. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  17. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  18. Charles Mertzdorff.
  19. Voir la lettre du 27 juin.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 9 juillet 1875 (B). Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à sa petite-fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_9_juillet_1875_(B)&oldid=52351 (accédée le 29 mars 2024).

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