Vendredi 9 juillet 1875 (A)
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 9 Juillet 1875.
Mon petit Père chéri,
Je viens t’annoncer une nouvelle qui certainement va te faire plaisir. Tu devines probablement déjà ce que cela va être ! C’est que Mlle Emilie[1] a eu Mercredi dernier le prix d’excellence[2] ! Cela ne doit pas te surprendre mais cela est tout de même bien gentil d’autant plus que cette fois-ci cela le prix a été vraiment disputé puisqu’elle a manqué plusieurs cours et que Marthe Michelez avait fait de grands efforts ; du reste le prix a été partagé entre elles deux ce qui fait que tout est au mieux.
Je ne te parle pas de moi car comme je te l’ai dit dans ma dernière lettre je ne pouvais pas m’attendre à grand honneur ; j’ai eu cependant d’assez bonnes places dans mes concours de prix en sorte que j’ai dépassé Marthe Tourasse avec laquelle j’ai partagé un second prix (car tout le monde (ou à peu près) a eu quelque chose). J’ai eu aussi un livre pour mes six attestations de dictées sans faute. Je suis sûre que d’après l’orthographe de mes lettres on ne se douterait jamais que dans l’année j’ai fait aux cours 6 dictées sans faute.
Mercredi nous avons eu toute la journée une chaleur accablante puis le soir après le dîner un orage splendide avec des éclairs magnifiques. Bon-papa et bonne-maman Desnoyers[3] dînaient avec nous. Hier Jeudi nous avons eu Mlle Poggi, puis à midi ½ nous sommes partis en voiture pour la gare Montparnasse où après avoir retrouvé tante Louise[4] et ses enfants nous sommes parties pour Bellevue où nous allions faire visite à la famille de Sacy[5] et Audouin[6]. Nous nous sommes très bien amusées avec Rachel et surtout avec Henriette[7] car la 1ère est un peu trop gamine à mon avis.
Nous avons passé ensemble toute la journée et nous n’étions ici que pour dîner. M. et Mme Baudrillart[8] devaient [venir ici] hier soir au grand bonheur de leurs enfants qui ne les avaient pas vus depuis près de 2 mois. Quand donc nous aussi reverrons-nous notre petit père ?
Tu sais qu’il n’y a plus que 22 jours jusqu’au 1er et que par conséquent tu ne peux plus beaucoup tarder. Voilà bien bien longtemps que nous n’avons reçu de lettres de toi, aurais-tu des ennuis pauvre petit père ? Si tu en as c’est d’autant plus mal de ne pas nous les avoir écrits.
Nous venons de prendre notre leçon avec Mlle Bosvy et sur 22 problèmes que j’avais fait il n’y en avait que 3 ou 4 de mauvais il est vrai qu’ils étaient faciles mais c’est mieux cependant.
Nous allons continuer à travailler avec nos leçons jusqu’à la fin du mois afin d’avancer nos devoirs de vacances et de pouvoir jouir ensuite plus librement.
Nous allons dans un instant partir pour chercher Marie Flandrin qui passera une partie de la journée ici, nous devions aller ensemble au bain froid mais après avoir plu toute la journée hier il fait assez froid et la pluie menace encore ; nous renoncerons donc à ce projet. C’est désolant nous n’avons pas encore pu prendre un seul bain froid cette année.
MmeDumas[9] est arrivée hier au soir à 10h avec son mari ; tante[10] y a été ce matin et il paraît que le voyage s’est très bien passé seulement M. Dumas doit encore garder son appareil pendant un mois ; que c’est long ! Quant à Jean[11] il est toujours chez sa tante[12] où il s’amuse énormément, je crois, car il ne travaille pas du tout et joue dehors toute la journée. Seulement le petit paresseux ne nous écrit pas beaucoup malgré toutes ses belles promesses. Oncle[13] [va] avoir fini son cours de demain en huit il fait aujourd’hui sa 35e leçon je t’assure qu’il ne sera pas fâché d’en être débarrassé il est assez fatigué.
MmeLima qui vient également de nous donner notre leçon nous engage toujours à parler avec toi[14] mais je crois que cela ne serait pas bien amusant. Elle m’a beaucoup grondé aujourd’hui des fautes de verbe impardonnables, disait-elle, et dont papa aurait rougi.
A revoir, mon petit père mignon, je t’embrasse de toutes mes forces et te prie de dire bien des amitiés et des tendresses de ma part à bon-papa et à bonne-maman[15].
Ta fille affectionnée.
Marie
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Les demoiselles Mertzdorff suivent le cours Boblet-Charrier.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Alfred Silvestre de Sacy, son épouse Cécile Audouin et leurs enfants : Rachel (14 ans), Gabriel, Mathilde Silvestre de Sacy.
- ↑ Paul Audouin, son épouse Antoinette Silvestre de Sacy et leurs enfants : Emile, Marguerite, Etienne et Pierre Audouin.
- ↑ Henriette Baudrillart, 15 ans.
- ↑ Probablement Henri Baudrillart et son épouse Félicité Silvestre de Sacy, parents d'Alfred, Henriette, André et Marthe Baudrillart.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse de Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Noëlie Dumas, épouse d’Hervé Mangon.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Mme Lima, professeur d’allemand, engage à parler cette langue.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 9 juillet 1875 (A). Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_9_juillet_1875_(A)&oldid=54299 (accédée le 18 décembre 2024).
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