Vendredi 22 novembre 1878 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1878-11-22B pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-11-22B pages 2-3.jpg


Vendredi 22 9bre 78.

Ma chère Marie

Je viens de lire la bonne lettre d’Emilie[1] qui me confirme tout le plaisir qu’elle a avec son cours de Chant.
Comme l’on y rit beaucoup & de tout cœur, elle est à son affaire ; dommage que le téléphone ne puisse pas m’apporter toutes ces choses ravissantes.

Comme vous le savez déjà j’ai passé ma journée d’hier dans la famille Flühr[2]. Tu penses bien que je n’y étais pas pour le plus grand de mes plaisirs. C’était au contraire pour voir s’il était possible de lui venir en aide d’une position gênée momentanément & je me suis décidé à aventurer une assez grosse somme à cet effet.
Comme tu le vois, ce sont de ces aventures que l’on ne cherche pas, mais dont il est souvent difficile de se garer :
A cet occasion j’ai pu admirer les peintures sur porcelaine que fait Marie[3] ma filleule, ces sont les mêmes que celles que tu as vues chez tante Marie[4] faites par Mlle Bernard[5] & qui ont servi à cette dernière comme modèles.
Marie va s’inspirer elle-même dans les dessins sur indiennes qu’elle arrange à son idée & suivant l’objet qui doit recevoir sa peinture, elle a fait quelques paysages sur porcelaine mais c’est moins bien que ses fleurs. C’est très gentil fait beaucoup & agréable effet, mais pour moi une bonne bosse est préférable & bien plus difficile à faire. mais je crois que cette peinture doit être plus amusante à faire. quoiqu’un peu long parce que l’artiste veut lui donner un fini qui prend énormément de temps sans apprendre grand chose.
Marie est toujours la bonne grosse fille que tu as vue dans le temps.

Pendant que j’étais à Mulhouse sœur Bonaventure voulait me faire une visite son idée fixe est de me voir aider un fabricant à Thann riche d’une nombreuse famille, un digne & brave homme qui est trop bas pour qui l’on puisse songer à le tirer d’affaire.
Il faudrait des millions pour sauver ceux qui sont en train de sombrer en Alsace & sans trop penser à soi, il ne faut cependant pas s’oublier entièrement. Je viens de lui écrire que je ne puis rien faire pour son protégé & ce n’est pas sans un gros serrement de cœur que je le fais.

J’ai passé ma soirée chez les Léon[6]. l’on avait mis en couleur à l’essence leurs parquets, de sorte que toute la maison en était imprégnée ; aussi la petite Hélène[7] s’en est ressentie, elle a eu deux petits vomissements sans perdre un moment sa gaîté, c’est un petit espiègle qui aime bien rire.

Ce soir il paraît qu’il y a une petite réunion de la société Vieux-thannoise chez les Berger[8] ; c’est le commencement des réunions qui doivent se succéder chez les uns & les autres toutes les semaines. Il paraît que Mercredi en voyageant avec ces Dames Berger j’ai été invité & ai accepté, d’après Marie[9], sans le savoir. Je suivrai de loin ces réunions, mais mon intention ne va pas au-delà, je préfère ma solitude avec ma robe de chambre.

Ce matin un peu de neige mais qui ne tient pas, il ne fait pas froid, avons à peu près la température de Paris, pas de gelée, mais j’ai déjà trouvé mon thermomètre à Zéro. C’est l’hiver à Vieux-Thann il n’est pas agréable, je préfèrerais le soleil d’Alger.

Nous travaillons à la fabrique, les pièces n’abondent pas, mais permettent d’occuper les ouvriers. Mercredi j’ai [ ] de bonnes indiennes à 40 [ ] le mètre.
Je vais acheter quelques pièces pour l’[ouvrier] c’est ce que fera aussi Mme Miquey[10] pour la ville.

tu embrasseras bien tante Oncle[11] & Emilie pour moi sans oublier la grosse Marthe[12]. tout à toi  ton père ChsMff

J’ai une lettre de tante Zaepffel[13], ils vont bien et me donne peu de détails sur son temps. Mme Eugène[14] est complètement remise, sa figure cependant se ressent encore de sa maladie.


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  2. Jérôme Xavier Flühr, son épouse Eugénie Sick et leurs enfants.
  3. Marie Flühr.
  4. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  5. Marie Bernard.
  6. Léon Duméril et son épouse Marie Stackler.
  7. Hélène Duméril.
  8. La famille de Louis Berger et son épouse Joséphine André.
  9. Marie Berger.
  10. Joséphine Fillat, épouse d’Étienne Miquey.
  11. Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
  12. Marthe Pavet de Courteille.
  13. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  14. Probablement Marie Bossu, épouse d’Eugène Zaepffel.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 22 novembre 1878 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_22_novembre_1878_(B)&oldid=35908 (accédée le 29 mars 2024).

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