Vendredi 21 mai 1869 (C)

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Launay 21 Mai 69

Vendredi 5h

Comment vas-tu, mon cher Ami ?

N'es-tu pas complètement abîmé de fatigue ? Je serai bien contente lorsque j'aurai une lettre de toi me disant que tu es arrivé à bon port à ton home abandonné, et qu'après tes 36 heures de chemin de fer, de courses, de Morschwiller && tu as trouvé un lit fait pour t'étendre.

Te voilà renseigné pour les élections[1], pour tout ce qui s'est fait à Morschwiller, à Vieux-Thann en ton absence, et je te vois ne sachant par où commencer pour t'occuper utilement de tout avant de nous revenir ; aussi je n'espère que sur ce soir pour que tu trouves un moment pour m'écrire un peu longuement et me donner les détails sur tant de choses qui m'intéressent. M. Le Préfet[2] a-t-il rempli ses promesses en autorisant les 2 orphelinats au bout des 3 fameuses semaines qui doivent être expirées !

Ah ! Quel malhonnête que notre M. Ecureuil, il vient de me .... plein les mains, c'est une horreur ! mais une si gentil bête ! Oncle Alphonse[3] sera si content. Maman[4] le soigne avec un dévouement de grand'mère vraiment édifiant ! Les plaisanteries ne manquent pas et font diversion au calme de notre vie ; il pleut de nouveau aujourd'hui, nous avons fait du feu à la bibliothèque où nous venons de passer une bonne journée de travail.

Je suis très contente de mes petites filles[5], elles sont très sages, et vont parfaitement bien. Marie a repris tout son entrain et est tout occupée de bien faire ; on a fait des petits devoirs ce matin, on a lu, joué &. Hier nous avions un temps magnifique ; et toute la journée nous étions dehors, les enfants ont fait bonne promenade à la butte, et quantité de pâtés de sable et autres jolies choses semblables qui font du bien au cœur et à l'esprit, sans oublier la bête qui s'en trouve très bien.

Je n'ai rien de bien intéressant à te conter, car je ne veux pas t'étourdir toujours de la question ferme[6], nous tâcherons de faire pour le mieux, il faut bien se dire qu'on ne trouvera pas le parfait, il n'existe pas en ce bas monde et à force de le vouloir trouver, on se tourmente sans mieux faire pour cela. Ceci s'applique à toute chose, et à rien en particulier.

Les enfants me chargent de t'embrasser bien fort ; elles voudraient que tu prisses les ailes d'un rossignol pour nous revenir au plus vite, car sans toi, la chambre est grande et la maison vide.

Oncle Alphonse a écrit fort gaiement que le dîner en ville et le spectacle avaient très bien réussi à Julien[7] comme préparation à son examen, et qu'il faudrait recommencer à l'avenir : Le cher garçon a piqué 18. c'est fort joli.

Si rien de nouveau on restera encore ici quelque temps, papa retournera à Paris Mardi et reviendrait avec Alphonse à la fin de l'autre semaine et peut-être toi aussi ?

Adieu, mon cher Charles, j'ai beau chercher, je ne trouve rien à te dire. Papa et maman t'envoient mille amitiés et dame Aglaé[8] se permet d'en faire autant.

Un bon baiser de ta petite femme qui voudrait être près de toi pour veiller à ce que tu ne te fatigues pas trop

Eugénie M.

Mille amitiés à oncle et tante Georges[9] et à bonne-maman Duméril[10]. Je n'ai pas de nouvelle d'Emilie[11]

Maman me parait mieux qu'il y a quelques jours, elle a de l'entrain, et elle ne se plaint pas du manque de circulation comme elle l'a fait avec toi, aussi sommes-nous plus rassurés. Papa a bonne mine, il travaille à son article, et lorsque le mal de tête arrive un petit tour dans Launay avec parapluie et sabots le remet tout à fait.


Notes

  1. Les élections législatives de mai-juin 1869.
  2. Hippolyte Ponsard, préfet du Haut-Rhin.
  3. Alphonse Milne-Edwards.
  4. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  5. Marie et Emilie Mertzdorff.
  6. Michel Victor Ménager s’apprête à être engagé comme fermier.
  7. Julien Desnoyers.
  8. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  9. Georges Heuchel et son épouse Elisabeth Schirmer.
  10. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  11. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 21 mai 1869 (C). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_21_mai_1869_(C)&oldid=51640 (accédée le 14 novembre 2024).

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