Vendredi 15 octobre 1875

De Une correspondance familiale



Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1875-10-15A pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-10-15A pages 2-3.jpg


Vendredi 15 8bre 75.

Ma chère Marie

Tu auras sans doute reçu ma lettre d’avant-hier Mercredi, & consultant mon agenda je vois en effet que j’ai fait le paresseux de Vendredi à Mercredi ce qui n’était pas du tout régulier & je mérite bien les petits reproches que ta lettre d’hier me porte. Cette dernière est à Morschwiller[1], Léon[2] étant justement là lorsque elle a fait son apparition à Vieux-Thann.

Les Zaepffel[3] viennent de nous quitter, ils avaient l’air contents ici, malgré le mauvais temps ; car jamais je n’ai vu le baromètre aussi bas. C’est à dire que le mercure est tombé au-dessous de tempête, chose qui ne s’était vue depuis 1821, dit-on. Le temps était calme & je n’étais pas sans une petite inquiétude de voir arriver du coup une formidable bourrasque. Mais rien, le voilà qui remonte & depuis pluie, pluie encore, mais pas un souffle de vent.
Comme je te le disais, les Zaepffel sont arrivés Mercredi matin. L’oncle Georges[4] a dîné avec nous et tu sais que là où il est il y a toujours un petit brin de gaîté.

Pendant ce temps tante Georges[5] préparait dans des corbeilles, caisses etc. une grande exposition de fruits, abeilles etc. pour le concours régional de Thann, qui a été contrarié par la pluie hier, mais qui était, me dit-on, assez complet.
Ayant les Z. je n’y suis pas allé, le temps du reste n’y était pas engageant.
2e prix à Mme G. H pour fruits.  
1 ‘’      ‘’         ‘’      pour abeilles
etc. etc.....
tu vois le succès & le plaisir de la bonne tante.

Les Zaepffel ont passé une partie de leur séjour ici en Visites & auprès de tante Georges. tante Emilie va parfaitement bien, mais son mari n’est pas fort & un rien le rend souffrant. Il faut qu’il se soigne continuellement.
M. Jaeglé aussi a été assez souffrant, mais le voilà de nouveau sur pied.
Te voilà à peu près au courant des évènements importants depuis ma dernière.

Il paraît qu’à l’Incendie de l’école Normale de Colmar, les flammèches tombaient sur la maison des Zaepffel, aussi avaient-ils une pompe dans leur jardin, heureusement n’était-ce que par prudence, car en somme il n’y avait pas grand danger.
Mais malheureusement il y a 4 hommes qui, voulant sortir de la fournaise un méchant Piano, sont restés dans le feu. Il y a deux jeunes gens de bonne famille & deux pères de famille[6].

Tante E. a longtemps parlé à Nanette[7] & cette dernière ne lui a pas même dit qu’elle allait quitter la maison, de sorte que ma sœur n’a pas été contente & cependant d’après la bonne de tante, il paraît que le fils de Nanette doit venir ici après-demain, sans que l’on me dise un mot. J’attends. Mais il est bien ennuyeux d’avoir des personnes aussi boudeurs dans la maison.
Si je ne vous parle pas de ma santé c’est que je n’ai rien du tout à m’en plaindre malgré ce mauvais temps & sans les Zaepffel je crois que je n’aurais pas encore fait de feu chez moi ; mais ils sont tellement frileux qu’à leur arrivée je croyais que Zaepffel ne pourrait pas se réchauffer aussi avions-nous toujours une chaleur à étouffer.

Il nous arrive toujours beaucoup de travail pour la fabrique & je prévois que nous allons nous trouver à refuser des marchandises ne pouvant pas y suffire, à Morschwiller aussi le travail ne manque pas.
Mais où il y a aussi encombrement, c’est dans la cave aux fruits, l’on va envoyer 2 caisses à Nancy avec une caisse de vins fins d’Alsace.

Le petit garçon de Jeangele[8] va aussi bien que possible, en tombant d’une voiture travaillant pour les Kestner, il a la jambe cassée, mais il se remettra.

Te voilà à peu près au courant il ne me reste qu’à te charger de mille amitiés pour tous & quantité de becs pour toi & ta sœur[9]

tout à toi
Charles Mff

tu sais que les Stoecklin[10], M. & Mme, sont à Epinal pour leur maison. hier Marie Stoecklin a donné à dîner aux amies Berger[11], l’on s’est bien amusé, surtout après le dîner il paraît que le grand-père Georges[12] est monté déguisé en pauvre aveugle jouant du flageolet. C’étaient des rires, qui n’ont été interrompus que par l’arrivée de deux sœurs de charité qui ont fait fuir l’aveugle.
Je ne vois pas du tout vos amies & me fais de vifs reproches de ne pas déjà avoir fait ma visite aux Berger, mais le temps passe & je ne fais pas ce que je voudrais.


Notes

  1. A Morschwiller, chez les grands-parents Duméril.
  2. Léon Duméril.
  3. Edgar Zaepffel et son épouse Emilie Mertzdorff (« tante Emilie » « tante E. »), sœur de Charles.
  4. Georges Heuchel.
  5. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel (« Mme G. H », « cette bonne tante »).
  6. Une photographie de Gerst et Schmidt « Incendie de l'Ecole normale de Colmar », 11 octobre 1875, est vendue au profit des familles des victimes.
  7. Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
  8. Soit « M. Jeangele », soit un diminutif du prénom « Jean ».
  9. La jeune Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  10. Jean Stoecklin et son épouse Elisa Heuchel.
  11. Marie et Hélène Berger.
  12. Georges Heuchel, grand-père de Marie Stoecklin.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 15 octobre 1875. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_15_octobre_1875&oldid=51743 (accédée le 29 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.