Samedi 8 mai 1915

De Une correspondance familiale


Lettre de Guy de Place (Besançon) à Jacques Meng (Fellering)


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Reçu 11 Mai 1915 par Mura
Répondu le 12 Mai 1915
17 Mai 1915 par Mura

Besançon[1]
8 Mai

Mon cher Monsieur Meng

Vous avez très bien fait de nous envoyer Mura à Besançon et je vous en remercie ainsi que de votre lettre du 5. La correspondance avec vous n’est pas encore des plus faciles et je crains d’après ce que me dit Mura qu’une de vos lettre à mon adresse, relative aux bons en Marcs ne me soit point parvenue.

Je n’écris que quelques lignes à ZWingelstein. Vous voudrez bien lui donner la présente lettre à lire afin qu’il soit au courant.

D’après ce que me dit Mura, c’est à Lyon que se fera l’inventaire de la marchandise. Il faudra qu’il que M. Hochstetter emporte les tarifs de [ ] principaux des clients et avant de partir il faudra même qu’il passe chez Gros-Roman pour qu’on lui donne des Indications sur les prix actuels des tissus qui doivent être plus élevés afin qu’il tâche de faire évaluer au maximum. Il faudra que Scheer Emile l’accompagne, en emportant ses cahiers de prix de façon et ses cahiers de ports. Si possible il faudra faire évaluer la marchandise en mettant à part le prix d’écru, le prix du Blanc (sans aucun escompte ni prime).

Pour les marchandises allemandes (Bach et Bloch ont une maison allemande) il y aura lieu de faire observer à l’administration (qui sans doute les mettra sous séquestre sans avoir l’intention d’en indemniser les boches plus tard) qu’il nous est dû sur les pièces la façon, qui sera à indiquer au prix normal sans escompte ni prime, et les ports déboursés. Tout cela sera un long travail. Vous direz à Hochstetter et Scheer de s’arrêter à Besançon, si j’y suis encore pour me voir en passant.

A propos de tissus j’appelle votre attention sur un autre point. Mura, me parlant de ventes de coupons, a cru, à tort ou à raison, qu’Hochstetter a vendu récemment des coupons pris sur des pièces à moitié brûlées au bombardement. Ce serait une erreur, il ne faut pas le faire. Après la guerre en effet nos clients essaieront de se faire indemniser de leurs pièces avariées. Celles qui sont à moitié brûlées sont à eux et non à nous. Si nous les vendons (et ils ne nous en ont pas chargé) c’est nous et non l’état qui devra les rembourser comme neuves. Nous en aurons donc seulement tiré quelques coupons et nous aurons à les payer intégralement. Il faut que nous puissions dire au client : vous avez eu tant de pièces entièrement brûlées et voilà ce qui reste des autres, débrouillez-vous. Donc ne vendez rien de ce qui reste et qui appartient aux clients.

Bien entendu si vous avez besoin de pièces pour envelopper des machines etc. prenez ce qu’il vous faut, mais il faut bien comprendre que ces pièces-là, les clients nous les factureront intégralement ; nous n’avons pas d’intérêt de prendre des pièces déjà [éventrées].

J’ai vu hier M. Scheurer[2]. Il a été convenu que ces Messieurs suivant leurs besoins pourront prendre chez nous jusqu’à concurrence de 500 tonnes de houille. Au Il ne sera pas établi de facture, mais seulement une note de prélèvement. Il est convenu que cette houille, ou bien nous sera rendue en nature (mêmes qualités, mêmes calibres) à la paix, ou bien nous sera payée alors au prix auquel nous devrons nous [convenir] nous-mêmes. Lorsqu’on viendra vous en demander vous écrirez à Scheurer Lauth[3] pour vous faire confirmer par écrit cette convention verbale.

Si Gros Roman avait besoin de houille vous pourrez aussi en donner environ 500 tonnes dans les mêmes conditions, et de même pour la Fécule qu’il vaut mieux vendre que de laisser s’abîmer dans ces conditions.

Mura me dit que nos tissus voyagent jusqu’à Lyon à nos risques. Vous allez de suite faire remettre à l’autorité qui a réquisitionné (Intendance ou administration de Thann) qu’en votre qualité de procuriste vous devez faire toutes réserves à ce sujet étant donné :
que la marchandise a été enlevée par des ouvriers à la disposition du gouvernement
qu’elle a été chargée sur des voitures dont nous n’avions ni la surveillance ni le choix
que la lettre de transport a été établie en dehors de nous et le sans que nous puissions intervenir.

Au sujet des Bons l’essentiel est que nous n’ayons pas à perdre encore l’agio là-dessus. Nos sacrifices actuels sont déjà gr suffisants et d’ailleurs ce ne sont pas nos ouvriers qui en profiteraient, mais les commerçants seuls. Je crois que ceux-là en général et les marchands de vin en particulier n’ont rien perdu à la guerre, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire un nouveau sacrifice. Si de nouveaux bons devaient être établis il faudrait qu’ils soient signés de moi. Mais avez-vous encore besoin de bons comme monnaie ? N’y aurait-il pas avantage à les retirer en les payant en francs, agio décompté bien entendu, et ne plus en mettre en circulation. J’en recauserai tout à l’heure avec Mura qui vous donnera le résultat de notre conversation.

Voulez-vous faire Mura vous transmettra peut-être aussi des instructions relatives à divers papiers personnels que je voudrais savoir en sûreté.

Il est entendu que M. de Fréville[4] qui est à proximité prendra pour la fabrique, à l’occasion, toutes les mesures qu’il croira utiles de prendre.

Je ne comprends rien à la façon de procéder de Flory. Il a dû avoir l’esprit un peu troublé car on n’emballe pas des bijoux sans s’en douter et on ne laisse pas faire des recherches et déposer des plaintes pour faire plus tard au patron une surprise agréable.

Je suis heureux, mon cher Monsieur Meng, de vous savoir tout à fait en bonne santé et je vous envoie ainsi qu’à Madame Meng[5], mes meilleurs sentiments.

GP.

Je viens de causer avec Mura des Bons. Si vous pouvez vous passer de bons et si vous avez assez d’argent pour les retirer le plus simple serait de les retirer purement et simplement en les payant en argent allemand. A l’avenir si c’est possible vous feriez le prix des allocations en argent français en déduisant l’agio convenable. En tous les cas je ne suis pas partisan de faire de nouveaux bons et d’ailleurs un gérant seul pourrait les signer.

Si vous avez besoin de M. Siegel il faut exiger qu’il se rende à votre appel ou bien coupez-lui les vivres. Si des employés ne nous témoignent aucun dévouement, nous n’avons pas à leur témoigner d’intérêt.

Mura aura à aller la semaine prochaine à Paris pour porter des papiers personnels à moi. J’espère que d’ici-là Flory aura déterré les bijoux qui manquent.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Probablement Jules Scheurer.
  3. Auguste Lauth et ses associés Scheurer.
  4. Charles de Fréville.
  5. Marie Gayot, épouse de Jacques Meng.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 8 mai 1915. Lettre de Guy de Place (Besançon) à Jacques Meng (Fellering) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_8_mai_1915&oldid=61254 (accédée le 8 décembre 2024).

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