Samedi 6 décembre 1873

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Mon Père chéri,[1]

Ta bonne lettre de ce matin nous apprend que tu te portes bien ce qui nous fait bien plaisir. Ta gentille missive nous a trouvés en train de lever la trappe de la cheminée pour voir si par hasard le bon St Nicolas aurait laissé tomber quelque chose dans nos chaussures ce qui était en effet arrivé quoique n'ayant pas l'habitude de venir à Paris il a trouvé moyen de nous combler de petits cadeaux et juste tout ce que nous désirions c'est étrange n'est-ce pas ? Jean[2] trouve qu'il ne l'a pas du tout traité comme un enfant cependant une petite verge trouvée au fond prouve bien qu'il n'est pas encore parfait.

Je t'écris suivant ma louable habitude à la dernière minute, je me suis laissée entraîner par l'empire d'Orient qui certes ne m'amuse pas. Mais c'est que vois-tu il faut que je me dépêche car en ce moment-ci je suis complètement à la queue ; Mademoiselle ne veut pas que je me décourage car elle dit que je ne suis pas encore perdue[3].

Marie Des Cloizeaux embrasse mes intérêts et l'autre jour elle a dit à Mlle Bosvy que si je n'avais pas le prix elle ne s'en consolerait pas. Ce qui est très gentil étant dans même division.

Du reste nous sommes toujours aussi amies maintenant nous nous tutoyons et passons toute la récréation ensemble.

Nous allons sortir dans 2 minutes avec Mme Pavet[4] pour aller acheter des rideaux pour son salon dont elle a le meuble depuis quelques jours.

Hier nous avons été après notre leçon faire quelques courses et entre autres porter ma chaise pour tante Emilie[5] chez le tapissier mais à notre désespoir j'en ai encore immensément à faire.

Cela a dû faire évènement au village que l'arrivée de Mmes les hollandaises[6] et je me demande comment on leur a fait descendre la pente qui mène à la fabrique de Morschwiller.

Nous avons été stupéfaits en apprenant la température qu'il fait là-bas ici je crois nous ne sommes pas encore descendus à 0.

Mais adieu mon petit père mignon je voudrais bien rester plus longtemps avec toi mais il faut que je m'habille que je goûte et tout cela en un 1/4 d'heure et tante[7] me dit que Mme Pavet est exacte aux rendez-vous.

Emilie[8] et moi nous t'embrassons bien fort.

ta petite Marie

Bonne-Maman Desnoyers[9] est ici. Bon-papa vient de partir pour quelques jours à Launay

Amitiés à tout le monde.


Notes

  1. Lettres sur papier deuil.
  2. Le petit Jean Dumas.
  3. Marie Mertzdorff fait allusion au cours des dames Boblet-Charrier.
  4. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  5. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  6. Les machines achetées par Charles Mertzdorff.
  7. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  8. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  9. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 6 décembre 1873. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_6_d%C3%A9cembre_1873&oldid=35635 (accédée le 24 avril 2024).

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