Samedi 3 juillet 1875
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 3 Juillet 1875.
Mon père chéri,
Ce n’est qu’en rampant, et en rampant bien bas que j’ose venir jusqu’à toi car voilà un temps infini que ce n’est plus moi qui vient de donner de nos nouvelles c’est bien bien mal, mais encore n’est-ce pas absolument de ma faute car tous les jours bien remplis comme tu vas le voir. La dernière lettre d’Emilie[1] est partie Mardi ; elle te disait je crois que j’étais dans l’histoire moderne jusqu’au cou et que j’avais bien de la peine à en sortir, cette lutte a continué jusqu’au soir sautant de Napoléon Ier à la chronologie, cette dernière m’a suivie jusqu’à la douche ce qui te fera facilement voir combien j’étais en retard (ce n’était guère la peine de la tant repasser puisque j’ai fait des bêtises atroces dans mon concours). Le soir nous avions la famille à dîner plus Mlle Claire Duquenne[2] puisque Mardi ou Mercredi oncle[3] et M. Edwards[4] dînaient à Sèvres chez M. Chasles je ne suis même pas restée en bas et sitôt dîner je suis remontée avec mes livres jusqu’à 9h ½, heure à laquelle le sommeil l’emportant je me suis couchée.
Mercredi matin je me suis levée à 6h pour reprendre mon histoire et ce zèle a continué jusqu’à l’heure du cours où nous avons eu le bonheur de conduire Henriette Braudrillart qui se trouvait chez sa tante[5] de sorte que nous nous sommes vues un peu. Le cours s’est bien passé je suis restée une grande partie de la récréation avec Marthe Tourasse qui comme moi suivra probablement le cours d’examen l’année prochaine. C’est Mercredi prochain que nous aurons notre dernier cours et à la suite aura lieu la distribution des prix car on ne peut pas faire de fête cette année[6]. Que [ ] nous pas notre petit papa avec nous comme la dernière fois c’était si gentil. Quand reviendras-tu nous voir ? Sais-tu, vilain petit père qu’il y a aujourd’hui 2 mois que tu nous as quittés j’étais encore dans mon lit ainsi tu vois qu’ il y a longtemps car la rougeole pour nous c’est de l’histoire ancienne. Nous nous réjouissons énormément des vacances au bord de la mer où au moins on pourra te voir à son aise car enfin les lettres c’est bien agréable mais en je trouve qu’on ne s’y dit presque rien. En rentrant des cours nous avons déposé nos cartons puis nous avons de suite filé chez bonne-maman[7] où nous dînions toutes les 3 vu l’absence de ces Messieurs. Nous sommes rentrées à 9h car nous tombions de sommeil. Tu crois peut-être que pour nous reposer nous allons avoir une journée bien tranquille à la maison et qu’on va pouvoir écrire à papa ? Point du tout à 8h ½ nous étions devant la porte de bonne-maman en voiture et nous partions avec elle pour la gare St Lazare à 9h ½ nous prenions le train pour Chatou et nous étions à Louveciennes pour le déjeuner. Nous avons trouvé tout le monde parfaitement bien Hortense[8] surtout a une mine splendide ce qui fait qu’elle ne viendra pas avec nous au bord de la mer et restera avec sa sœur[9] ce qui nous ennuie beaucoup car elle est si gentille. Par contre je crois qu’ils avaient eu un instant l’idée de venir nous voir un peu à Vieux-Thann, et d’aller faire un tour en Suisse mais ils ont renoncé à ce voyage vu la dépense qu’il occasionnerait. A 3h toute la famille Clavery[10] est arrivée, puis à 6h ce bon oncle, nous avons dîné ensemble puis à 8h ½ nous reprenons le chemin de Paris.
Vendredi nouvelle fête mais d’un autre genre. C’était le grand jour aux confitures aussi avons-nous passé notre journée entre le sucre et les fruits tante[11] en a fait 120 pots. A 3h Marie F.[12] et Paule[13] sont arrivées et sont restées avec nous jusqu’à la fin de la journée nous les avons reconduites jusqu’à l’école polytechnique où se trouvait Mme Arnould[14]. Aujourd’hui j’ai eu
Mlles Duponchel[15] et Bosvy puis je t’ai écrit il pleut (comme tous les jours du reste) et nous allons dans quelque temps partir à notre leçon de Mme Roger[16] en faisant quelques courses. Ces leçons nous amusent beaucoup et nous font je crois faire bien des progrès.
M. Dumas[17] est toujours à Bordeaux cependant il va mieux et je crois qu’il reviendra vers la semaine prochaine. Quant à Jean[18] il paraît qu’il se porte à merveille et engraisse considérablement M. Mangon[19] a passé Mercredi matin ici.
A revoir père chéri, on me fait honte d’être encore à écrire tandis que ma pauvre petite sœur est presque prête je t’embrasse donc de tout de tout mon cœur.
Tante qui lit ma dernière phrase tient à ce que je te dise que c’est moi qui fais disais à ma petite sœur qu’elle lambinait et qu’elle ne serait jamais prête tandis qu’elle déployait une suffisante activité.
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Marie écrit « Duquesne », mais il s’agit possiblement de Claire Duquenne.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Henri Milne-Edwards, père d’Alphonse.
- ↑ Possiblement Cécile Audouin, épouse d’Alfred Silvestre de Sacy.
- ↑ Pas de fête après le décès au mois de mai 1875 de la directrice du cours, Caroline Boblet, veuve d’Edouard Charrier.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Hortense Duval.
- ↑ Jeanne Duval.
- ↑ Paul Clavery, son épouse Marie Philiberte Ferron et leurs enfants Edouard, Pauline, Amédée, Berthe, Geneviève et Eugénie Clavery.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marie Flandrin.
- ↑ Paule Arnould.
- ↑ Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
- ↑ Marie Louise Duponchel, professeur de dessin, et Marguerite Geneviève Bosvy.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
- ↑ Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Probablement Hervé Mangon, époux de Marie Noëlie Cécile Dumas.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 3 juillet 1875. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_3_juillet_1875&oldid=35584 (accédée le 21 novembre 2024).
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