Samedi 3 août 1872 (B)
Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Launay) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller)
Launay 3 Août 1872.
Samedi 3h
Chère bonne-maman,
Charles[1] aura dit à Léon[2] tout le plaisir que nous font ses lettres, et moi-même si je pouvais me permettre la plaisanterie, je lui dirais qu'il mérite beaucoup de bonnes notes pour l'exactitude qu'il met dans sa correspondance et pour tous les détails qu'il donne sur les choses qui intéressent Charles, aussi ses oreilles ont dû lui tinter de la bonne façon. J'ai été bien heureuse aussi de recevoir votre bonne lettre du 28, mais vous nous avez habitués à ces sortes de bonnes choses aussi je vous dirais simplement que comme toujours nous lisons avec bonheur la preuve de votre bonne et tendre affection. Nous venons de passer de bonnes journées à Launay, papa et maman[3] heureux de se trouver avec nous, mais le cœur toujours bien triste comme vous le pensez[4]. Leurs regrets sont de ceux qu'on conserve jusqu'au dernier jour ; leur santé n'est pas mauvaise, mais on voit qu'il ne faut pas faire d'imprudence.
Par Charles vous savez combien nos fillettes[5] se sont livrées avec bonheur aux soins du ménage, une bonne petite gymnastique, balai et savon en main, retourné les matelas & grand tablier blanc. Emilie y met une persévérance délicieuse, c'est un petit colibri qui ne fait que gazouiller et rire. Maman la trouve gentille à croquer au moral et physique ; Marie est bien raisonnable, mais elle est un peu fatiguée par la croissance, ce qui ne l'empêche pas de bien jouir de ses vacances. En ce moment les deux fillettes babillent et rient en écrivant leur journal, elles ont l'air si heureux que maman, Charles et moi avons envie de rire en les voyant.
Les bains de mer sont si courus cette année qu'on ne trouve rien à louer, aussi notre chère Gla[6] toujours si dévouée est partie avec M. Edwards[7] pour chercher quelques petits recoins ignorés du monde et elle m'écrit ce matin qu'elle a loué à (Port en Bessin, Calvados) une maison sur la plage (c'est un lieu de pêche) et qu'elle espère que nous y serons bien. Nous pensons nous y rendre Mercredi ou Jeudi, c'est donc là que Léon écrira à Charles ; à moins que sa lettre je suis chargée de vous donner l'adresse.
Nous avons trouvé tout en bon état ici, les Michel[8] sont des gens honnêtes et précieux pour nous, qui ont soigné mieux que nous ne l'aurions fait. Ce Launay est vraiment délicieux, c'est dommage qu'il soit si loin du lieu où sont tous les intérêts de Charles. Cécile[9] est à la cuisine et s'en acquitte parfaitement ; Maman n'a pas emmené de domestique et avec la mère Michel chacun contribue pour son écot[10] au bien général, ça marche parfaitement car il n'y a que du bon vouloir.
Charles va bien, ce repos lui fait du bien et les fillettes s'en donnent à cœur joie. Jeudi nous sommes allés voir les de Torsay[11] nous n'avons trouvé que le père[12] qui ne va pas mal, il nous a chargés de mille compliments pour vous et bon-papa[13]. Hier toute la famille de Torsay est montée en omnibus, nous avons servi à goûter car la petite fille[14] était de la partie et on a passé deux heures avec nous. Clotilde et son mari sont rayonnants de bonheur avec un air de prospérité de gens qui sont heureux de vivre. La petite Marguerite est très gentille et très avancée pour son âge, babillant et faisant de gentilles réflexions, Emilie prétend qu'elle est un peu gâtée ; c'est l'avis de tous, mais charmante ; on a dit que sa marraine serait bien heureuse de la voir && Clotilde a été très aimable &.
J'ai reçu une bonne lettre de Mme Auguste[15] elle dit aussi qu'Adèle[16] va mieux, espérons qu'avec les soins dont elle est entourée tout ira mieux que les prévisions humaines ne peuvent le prévoir.
Adieu, chère bonne-Maman, soyez notre interprète auprès de bon-papa et de Léon. Maman et papa me chargent de mille amitiés pour votre trio.
J'ai oublié de vous dire que nous avions été au quai de Béthune, nous avons vu M. Duméril[17] qui a été très aimable, je crois qu'il venait de faire un petit somme, mais il va bien. Clotilde espère qu'il va venir à Rambouillet pour quelque temps, ça lui serait bon. On a de bonnes nouvelles de Paul[18], qui est content. Georges va aller en Auvergne faire un voyage géologique, mais il n'a pas de position. C'est Clotilde qui nous a donné ces détails.
Cécile a porté à Mlle Fidéline[19] le panier, les nouvelles sont meilleures de ce côté.
Mille amitiés. Charles descend à Nogent il ne pleut plus, nous allons l'accompagner jusqu'à la grille
Eugénie M.
Notes
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target.
- ↑ Tristesse depuis la mort de leur fils Julien Desnoyers.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Louis Michel Pieaux et son épouse Louise Jeanne Françoise Peltier.
- ↑ Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
- ↑ Eugénie écrit écho.
- ↑ Charles Courtin de Torsay et son épouse Clotilde Duméril.
- ↑ Auguste Courtin de Torsay.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Marguerite Courtin de Torsay.
- ↑ Eugénie Duméril, veuve d’Auguste Duméril.
- ↑ Adèle Duméril, épouse de Félix Soleil.
- ↑ Charles Auguste Duméril, père de Clotilde.
- ↑ Paul Duméril, Georges Duméril, frères de Clotilde.
- ↑ Fidéline Vasseur.
Notice bibliographique
D’après l’original
Annexe
Mme Duméril
Pour citer cette page
« Samedi 3 août 1872 (B). Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Launay) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_3_ao%C3%BBt_1872_(B)&oldid=42421 (accédée le 15 novembre 2024).
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