Samedi 29 janvier 1876
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 29 Janvier 1876.
Mon Père chéri,
Je ne puis croire qu’il n’y a encore que huit jours que tu nous as quittés il me semble qu’il y a un siècle de cela, c’était si gentil de t’avoir là à côté de nous de te lire mon histoire de France et de te consulter sur les problèmes manqués, cette semaine du reste je n’ai échoué que devant deux et Mlle Bosvy m’a dit que je po ne pouvais pas le faire sans connaître les racines carrées.
Nous avons appris avec bien grand plaisir que bon-papa[1] allait mieux, j’ai reçu hier ces jours-ci une lettre de cette chère bonne-maman[2] à laquelle je veux répondre tous les jours, tu la remercieras bien de ma part en attendant.
Je crois que la dernière lettre qu’Emilie[3] t’a écrite était celle au crayon sur ce papier à la nouvelle mode depuis il est arrivé bien des choses et la plus importante c’est que Jean[4] part décidément dans le midi. Tu sais que depuis longtemps c’était le désir de tante et d’oncle[5] et tu sais que le jour de ton départ ils ont été trouver M. Dewulf[6] pour lui demander une consultation à ce sujet ; la consultation a eu lieu et M. Roger[7] a ordonné ce que ces Messieurs désiraient. Cette pauvre tante Cécile[8] est désolée mais elle va partir dès que Jean sera bien et elle fait tous ses préparatifs, elle n’est pas encore fixée sur la station et hésite entre Cannes et Menton.
Nous y allons tous les jours en ce moment car ce pauvre chéri s’ennuie beaucoup à être ainsi toujours enfermé dans sa chambre et souvent même dans son lit et dès qu’Emilie paraît sa figure change d’expression, il faut dire que cette petite coquine joue fameusement bien et s’entend d’une façon particulière à faire rire et à amuser.
La seconde chose que j’ai à t’apprendre et qui ne t’étonnera pas car tu connais le courage et la persévérance de notre petite tante[9], c’est qu’elle a enfin réussi pour ce dont elle te parlait l’autre jour pour Jeanne Pavet[10]. Les sœurs de la rue de Vaugirard ont été extrêmement aimables et ne demandent pas mieux que de s’en charger, tante Louise[11] aussi a accepté il ne reste donc plus que la petite à décider, ce qui n’est pas la plus petite affaire mais comme tante a réussi pour tout le reste je suis sûre qu’elle n’échouera pas devant ce dernier obstacle car puisque les garçons[12] se sont bien habitués, Jeanne s’habituera aussi. En ce moment elle souffre beaucoup d’un panaris qu’elle s’est donné comme tante en se piquant.
La troisième nouvelle enfin dont j’ai à te faire part c’est que les affaires de M. Edwards[13] marchent très-bien, il a donné sa démission et est presque content maintenant tant l’accueil que tout le monde lui fait ainsi qu’à oncle est charmant, tous ses collègues sont on ne peut plus affectueux. Oncle va donc être nommé[14] (et je crois que M. Edwards est enchanté de le voir professeur de son vivant) ; et il conservera l’école de pharmacie ce qui comme cela ne changera rien au traitement général.
Je ne sais si tu comprendras cependant je t’assure que je suis bien au courant car tout se discute devant nous.
M. Des Cloizeaux[15] va probablement être nommé au Jardin en remplacement de M. Delafosse[16] qui prendra sa retraite.
Voilà j’espère bien des nouvelles en peu de jours les unes agréables les autres ennuyeuses car c’est bien triste de voir partir ce pauvre Jeannot qui est vraiment bien souffrant et devient de plus en plus faible.
Je ne te parle pas de mon travail, le moment se rapproche de plus en plus, Marthe[17] et moi comptons nous faire inscrire vers le 10 Février nous allons probablement avoir ces jours-ci un petit examen de ces Messieurs, c’est toujours mon histoire qui m’effraie, le reste va bien.
Adieu, mon petit papa bien-aimé il est l’heure de la poste je t’embrasse de tout mon cœur, ta folle qui t’aime énormément.
Marie Mertzdorff
Si tu vois les Berger[18] calme-les je t’en prie car elles doivent être bien fâchées contre moi, je veux absolument leur écrire mais je ne sais plus comment commencer, voilà toujours comme je finis par me mettre en retard, n’aurais-je pas mieux fait de finir une des deux que j’ai déjà commencées pour elles et jamais finies ?
Notes
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Le petit Jean Dumas.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
- ↑ Le docteur Louis Joseph Auguste Dewulf.
- ↑ Le docteur Henri Roger.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Aglaé Desnoyers-Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Pavet de Courteille, 15 ans.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Les frères de Jeanne Pavet de Courteille en pension à Chevilly : Alphonse et Joseph ?
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards succède à son père comme professeur au Muséum.
- ↑ Alfred Des Cloizeaux, minéralogiste.
- ↑ Gabriel Delafosse (1796-1878), minéralogiste.
- ↑ Marthe Tourasse.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 29 janvier 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_29_janvier_1876&oldid=41315 (accédée le 14 novembre 2024).
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