Samedi 23 novembre 1833
Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à sa nièce et future belle-fille Félicité Duméril (Lille)
Paris 23 Novembre 1833
C’est énorme, le temps que j’ai laissé s’écouler sans vous écrire ma chère félicité, mais vous aviez de nos nouvelles si souvent par ma correspondance avec mon fils Auguste que c’est ce qui fait que je ne me suis pas adressée à vous directement. Vous avez la première recommencé nos communications par la plume et je vous remercie extrêmement de cette bonne et aimable lettre que m’a apportée M. fabre[1], à laquelle j’aurais répondu de suite si dans ce moment-là nous ne nous étions pas trouvés dans tous les embarras des nettoyages de notre habitation d’hiver, les embarras du déménagement et de notre réinstallation au FaubourgPoissonnière ; depuis le surlendemain de notre arrivée nous avons eu celle de Thelcide[2] votre cousine dont la visite nous fait un grand plaisir et m’a mise à même de la connaître, chose qui m’est bien agréable car je la trouve charmante ; sa figure gracieuse, sa douceur et ses jolies manières, la bonté dont elle parait douée, tout cela porte à l’aimer bien vite et pour moi elle a de plus le mérite d’être votre amie ma bonne félicité et cela me la fait aimer davantage encore. Je serais bien heureuse si j’avais les deux cousines près de moi, mais la chose n’a pas été possible les circonstances ne l’ont pas voulu et il a bien fallu prendre mon parti. Pour nous en dédommager nous parlons bien souvent de vous, et Thelcide et moi nous nous entendons parfaitement sur tout ce que nous pensons de vous et sur notre affection pour vous. Combien je vous dois de remerciements pour le joli travail de broderie que vous faites pour moi en ce moment et pour les choses pleines d’amitié que vous me dites à cette occasion, mais il m’est revenu que vous travaillez peut-être trop de suite à cet ouvrage et je crains que vous y fatiguiez trop vos yeux ; veuillez donc bien ne pas vous en occuper autant de suite ; je peux bien attendre cela patiemment puisque déjà j’ai le plaisir de sentir que vous vous occupez pour moi. Nous voudrions faire voir beaucoup de choses à Thelcide mais je crains que le mauvais temps vienne quelquefois mettre obstacle à notre désir de lui faire profiter son séjour à Paris qui ne sera pas long et nous paraîtra tout de suite fini ; nous l’avons menée deux fois au spectacle où elle s’est amusée. Nous espérons aller à l’opéra dans la semaine prochaine.
Vous jugez ma bonne nièce tout le plaisir que nous avons eu à revoir votre frère[3] et avec la perspective de le posséder ici pendant quelques années ; et nous voyons avec bien de la satisfaction que les choses s’arrangent pour qu’il habite tout près de nous, et que nous le voyons au milieu de nous tous les jours ; Auguste[4] en a une grande joie et nous la partageons avec lui ; Nous apprécions plus que je ne puis vous le dire les rapports d’amitié qui vont continuer entre les deux cousins. Quoique votre frère ait été convoqué pour le commencement de cette semaine, ce n’est que lundi que commence le travail, il vous écrira demain et donnera sûrement les détails de toute la manière dont s’arrangera son temps. Auguste mon fils nous parle bien souvent de son séjour à Lille et de sa reconnaissance pour toutes les bontés qu’on a eues pour lui et pour toute cette affection qui lui est si précieuse. Vos excellents parents[5] nous ont parlé de lui de manière à nous donner bien de la satisfaction, mais n’ont-ils point jugé avec un peu trop d’indulgence. Lui, son père[6] et son frère[7] me chargent des choses les plus affectueuses pour vous et pour vos entours, Eugène[8] et Constant de St Omer[9] m’ont aussi fait la même recommandation. Mon mari remercie votre Père de sa dernière lettre bien bonne et bien aimable, et moi je remercie votre mère des lignes si amicales que j’avais reçues d’elle quelques jours avant. Votre oncle conserve sa gaieté au travers de toutes ses occupations qui sont très multipliées dans ce moment, et malgré un rhume assez fort, mais qui j’espère n’aura pas de suite. Vous qui vous intéressez à mes petits travaux de peinture, je vous raconterai que j’ai donné hier à Mme Comte[10] une assez grande boîte en bois de palissandre sur laquelle j’ai fait placer un paysage que j’ai fait cet été pour elle. ce meuble a assez bien réussi et a paru lui faire plaisir. Bientôt je compte dessiner des reptiles sur une boîte à papier pour mon mari, ce sera presque effrayant pour ceux qui la regarderont, mais ce genre d’ornement aura le mérite de n’être point ordinaire.
Adieu ma très chère félicité, je ne vous dis rien de la part de votre cousine, car elle vous écrit. Je vous embrasse de tout cœur, vous engage toujours à me parler beaucoup de vous et de ce qui vous concerne en m’écrivant, et vous prie de m’écrire souvent. Adieu encore ma bonne nièce, toute à vous. A.D
Notes
- ↑ Jean François Fabre, plutôt que son fils Joseph Auguste ?
- ↑ Thelcide Duméril, nièce d’André Marie Constant Duméril.
- ↑ Charles Auguste Duméril.
- ↑ Auguste Duméril, fild d’Alphonsine.
- ↑ Auguste Duméril (l’aîné) et Alexandrine Cumont.
- ↑ André Marie Constant Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Eugène Defrance.
- ↑ Constant Duméril, frère de Thelcide.
- ↑ Adrienne Say, épouse de Charles Comte.
Notice bibliographique
D’après l’original
Annexe
Mademoiselle f. Duméril
Lille
Pour citer cette page
« Samedi 23 novembre 1833. Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à sa nièce et future belle-fille Félicité Duméril (Lille) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_23_novembre_1833&oldid=57168 (accédée le 3 décembre 2024).
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