Mercredi 11 décembre 1833
Lettre de Michel Delaroche (Le Havre) à son neveu Louis Daniel Constant Duméril (Paris)
Havre 11 Décembre 1833, soir
Mon cher Constant
J’ai encore à te remercier de ta lettre du 20 Octobre & des renseignements que tu me donnais sur la situation de votre établissement.
L’année a été particulièrement défavorable aux raffineries, parce qu’elles se trouvaient montées pour alimenter une consommation étrangère qui leur a manqué à cause de la suppression de la prime, tandis que le prix du sucre est resté élevé à cause de l’exiguïté des récoltes aux colonies.
Il faudra que par l’abondance des sucres indigènes ou de ceux de nos Colonies, il y ait une forte réduction dans le prix pour que les raffineries reprennent une activité profitable.
Si tu dois vois la possibilité d’être associé sous peu de temps, il faut que tu te rendes bien compte à l’avance des avantages & des difficultés, ou chances de pertes qui se présentent à toi. Il faudrait résoudre les questions suivantes.
1° Les procédés que vous employez, l’intelligence, l’économie, l’activité qui appartiennent aux associés, vous donnent-ils un avantage bien déterminé sur la masse de vos concurrents ?
2° N’y a-t-il pas des raffineries qui par leurs capitaux, ou par l’emploi de procédés perfectionnés, comme de cuire dans le vide etc. peuvent livrer leurs produits à un prix inférieur aux vôtres ?
3° En faisant la part des dépenses extraordinaires inhérentes à un commencement d’opérations, & qu’il est raisonnable d’écarter quand on s’occupe de l’avenir y a-t-il gain ou perte en cheminant pour les prix comme vous l’avez fait ?
Il est absolument nécessaire que tu rumines tout cela pour juger s’il faut proposer à M. Say[1] de t’associer ou s’il convient d’attendre encore un an en te bornant à gagner un appointement.
Ta Maman[2] aura chez moi au 31 Décembre F 94 281.96.
Ce sera peut-être son intention de prélever moitié, c’est à dire F 47 140.93 pour partager cette somme entre toi & ton frère[3] en vous établissant.
Mais tu dois comme tu le sais à ma maison de commerce une somme assez forte qui avec les intérêts s’élèvera au 31 de ce mois à F 12 833.45. On pourrait la considérer comme une avance qui te serait particulière & qui se prélèverait sur ce que tes Parents auront à te laisser un jour.
Cause-s-en si tu veux avec ton Père avec ta Maman, & puis donne-moi tes idées.
Pour mieux me faire entendre ; je dirai, si tu t’établissais au 1er de l’an 1834 avec M. Say ta Maman te donnerait la moitié des F 47 140.93 ci-dessus, soit F 23 570.46 & placerait chez moi au nom de ton frère une somme égale, & on prendrait sur les autres F 47 140.93 la somme que tu dois à ma maison de F 12 833.45.
Enfin dans un cas de partage ultérieur entre ton frère & toi, lui recevrait F 23 570.46 & toi seulement F 10 737.1.
Dans l’incertitude si je pourrai ou non venir à Paris, j’ai pensé qu’il était utile de parler un peu chiffres. En même temps je n’émets là que des idées puisque c’est à ta Maman à disposer comme elle l’entendra des fonds qu’elle a chez moi.
Je n’ai qu’un mot de plus à te dire sur les affaires ; c’est que les Courtiers de Paris vous font des comptes sur ce qui se passe au Havre. J’avais acheté à F 64 de la très bonne 4me quand ils vous faisaient croire que j’avais payé sur la base de F 65.50.
Dans ce moment les prix qui avaient beaucoup monté sont stationnaires, & même un peu rétrogrades. On ne veut plus payer F 69 pour la bonne 4me.
J’ai eu le plaisir d’écrire l’autre jour à ta Maman.
Nous voici en ville depuis Vendredi & depuis lors il n’a cessé de faire très mauvais temps.
Je sais que Mlle Rath est à Paris. J’ai reçu un petit mot d’elle & j’attendais pour lui écrire le départ d’un navire que les vents d’Ouest retiennent dans le port.
Nous recevons toutes les semaines des nouvelles d’Henri[4], qui continuent à être fort bonnes. Il a été faire une visite à 16 lieues de Liverpool, <il n’a> mis que 4 heures pour ce trajet, dont partie sur la route en fer.
Fais je te prie mes amitiés à Auguste, qui poursuit ses études avec un nouveau courage, malgré qu’il en soit à la partie la plus pénible.
Mille choses affectueuses à ton Père & mes embrassements à ta Maman
Ton bien affectionné Oncle
M. Delaroche
Nous attendons en visite au mois de Janvier mon beau-frère Armand[5] & sa fille Emma.
Nous avons ici depuis une huitaine de jours mon neveu Ernest Delessert fils de mon beau-frère Auguste. Je ne sais comment il arrive qu’il n’a pas été vous voir à son passage. Il ne devait d’abord pas s’arrêter ; ensuite les 4 jours qu’il a passés se sont trouvés précéder & suivre la mort d’Alexandre[6].
Vous ferez sa connaissance au premier voyage. Il est doux & d’un joli caractère comme son frère Henri.
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
Annexe
Monsieur Constant Duméril
chez MM. Louis Say Père & fils7, près & hors la barrière des deux Moulins, Paris
Pour citer cette page
« Mercredi 11 décembre 1833. Lettre de Michel Delaroche (Le Havre) à son neveu Louis Daniel Constant Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_11_d%C3%A9cembre_1833&oldid=41100 (accédée le 21 novembre 2024).
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