Samedi 19 novembre 1881

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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19 Novembre 1881

Mon bon Père,

Je viens de recevoir ta lettre, et je vois avec plaisir que vous continuez à être bien rassurés sur la santé d’Hélène[1] ; la convalescence ne peut plus se faire attendre longtemps, puisque ce sera Lundi le 21e jour, mais après une terrible maladie, il ne faut pas se dissimuler qu’elle sera bien longue et que la chère petite exigera encore beaucoup de soins. Voilà donc aussi la pauvre Mme Disqué[2] prise à son tour, que cette contagion est épouvantable, j’espère bien que cela va s’arrêter et que notre pauvre Vieux-Thann n’y passera pas tout entier.

Notre pauvre tante Zaepffel[3] ne va donc pas mieux ; il faut qu’elle soit bien souffrante pour ne se nourrir que de bouillon et de lait. Elle va être bien heureuse de te voir, ce sera pour elle un excellent remède et une distraction qui lui fait toujours grand plaisir. Tu ne me parles plus de venir à Paris, j’espère que tu n’y as pas renoncé pour cela.

Marcel et Marie[4] sont venus dîner hier tout seuls, Hortense[5] n’a pas pu venir. Petite Jeanne[6] va à merveille ; oncle[7] a été la voir hier et il paraît que pendant sa visite, Jeanne étant assise par terre essayait de se relever toute seule en se tenant au jupon de sa nourrice[8]. Tu vois qu’elle se débrouille bien ; elle continue toujours à embrasser ; si tu voyais comme elle est gentille quand elle embrasse, il faut absolument que son bon-papa[9] vienne se faire embrasser.

La personne qui est la moins bien portante en ce moment c’est notre chère tante[10]. Tu sais que tous les ans à cette époque-ci elle a un mauvais moment à passer soit pour une cause soit pour une autre. Depuis hier elle est très fatiguée sans cause car on ne peut pas l’accuser cette année de s’être fatiguée en Suisse ni même depuis son retour. Néanmoins hier matin elle a été prise d’un peu de fièvre et de malaise ; elle ne s’est pas couchée, mais a passé toute la journée sur un fauteuil enveloppée de couvertures. Le soir elle allait beaucoup mieux et a dîné à table. Ce matin elle ne se sentait pas mal en se levant, mais ensuite son malaise l’a reprise, elle n’a cependant pas mal déjeuné. Tu sais combien il est difficile de soigner décider tante à se soigner et à avouer qu’elle ne va pas tout à fait bien ; cependant il est convenu qu’elle ne sortira ni aujourd’hui ni demain. C’est Cécile[11] qui me conduira au cours de chant et demain devine où j’irai ? tante Cécile[12] devant mener Jean aux Français[13] dans la journée pour voir Œdipe roi[14], de Sophocle était venue demander à tante si elle voudrait aussi y aller avec moi ; mais oncle ne veut pas que tante sorte demain aussi me confiera-t-on à tante Cécile. Tu penses si je me réjouis ; cependant j’avoue franchement que je ne m’amuserai pas à beaucoup près.

Adieu mon Papa chéri, je t’embrasse de tout mon cœur.

Émilie

Je te remercie bien du tableau synchronique que tu m’envoies. Je le communiquerai à Marthe[15] la savante qui l’appréciera aussi j’en suis sûre.


Notes

  1. Hélène Duméril qui a eu la fièvre typhoïde.
  2. Probablement Eva Christina Zahn, veuve de Johann Konrad Disqué.
  3. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  4. Marcel de Fréville et son épouse Marie Mertzdorff.
  5. Hortense Duval, épouse de Marcel Aubry.
  6. Jeanne de Fréville.
  7. Alphonse Milne-Edwards.
  8. Probablement la nounou prénommée Marie.
  9. Charles Mertzdorff.
  10. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  11. Cécile Besançon, la bonne.
  12. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas et mère de Jean Dumas.
  13. Le Théâtre-Français ou La Comédie-Française.
  14. Œdipe Roi, tragédie de Sophocle traduite et adaptée par Jules Lacroix.
  15. Marthe Pavet de Courteille.


Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 19 novembre 1881. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_19_novembre_1881&oldid=42836 (accédée le 15 novembre 2024).

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